Le cancer colorectal est une complication inéluctable des polyposes familiales, justifiant la colectomie avec anastomose iléorectale ou la proctocolectomie avec anastomose iléo-anale, intervention plus lourde mais radicale. L'incidence cumulée du cancer du rectum sur rectum restant est de 5 % à 5 ans et de 59 % à 23 ans, ce qui justifie une surveillance endoscopique rigoureuse. Depuis 1983, 1e sulindac, anti-inflammatoire non stéroïdien, inhibiteur des prostaglandines, a été proposé dans le traitement des polypes colorectaux de cette affection.
Une étude multicentrique, contrôlée versus placebo, en double aveugle et en cross-over, couplée dans 6 cas sur 10 à une étude histochimique utilisant l'anticorps monoclonal Ki67, a montré l'efficacité du sulindac sur la régression de polypes rectaux après colectomie totale.
Dix patients (âge moyen : 36,9 ans), ayant subi une colectomie avec anastomose iléorectale (1 à 18 ans auparavant) et présentant des polypes rectaux (adénomes tubuleux sans dysplasie dans 9 cas, tubulovilleux sans dysplasie dans un cas), ont été inclus dans cet essai. Le traitement s'est composé de deux périodes thérapeutiques de 4 mois, utilisant soit le sulindac (100 mg, 3 fois par jour), ou un placebo, séparées d'un intervalle libre d'un mois. Aucun traitement associé n'a été autorisé. Tous les patients ont eu une rectoscopie avec un endoscope souple en début et en fin de traitement, réalisée par le même endoscopiste. Un seul patient a été exclu de l'étude pour non observance au traitement.
En dépit de la petite taille de l'échantillon, il a été observé une diminution significative du nombre de polypes entre les deux groupes avec une disparition rapide (en moins de 4 mois) des polypes chez 6 patients et subtotale chez 3 et une réapparition rapide sous placebo (augmentation du nombre chez 5 sujets, non modification chez 2 autres et diminution relative chez 2 patients, peut-être liée à une erreur de comptage de l'endoscopiste du fait de leur petite taille). Cette régression ne semblait liée ni au nombre initial de polypes ni à leur taille. L'index Ki67, calculé en début et en fin de traitement, n'a pas été modifié.
Le sulindac a donc entraîné une régression significative et souvent totale des polypes rectaux sur rectum restant après colectomie. Toutefois leur réapparition rapide après l'arrêt du sulindac oblige à un traitement d'entretien qui peut être responsable de complications digestives ou rénales à long terme. L'élaboration d'un métabolite utilisé par voie rectale serait intéressante et permettrait d'éviter ces effets secondaires. Il est en outre encore trop tôt pour établir une corrélation entre la régression des polypes et la diminution de l'incidence des cancers colorectaux.
Diana Thierman-Duffaud