La douleur est le premier symptôme d'arthrose. Son évolution au long cours est très différente selon les individus. Le but de ce travail était de caractériser les déterminants de l'histoire naturelle de la douleur arthrosique. Pour ce faire, les données de la cohorte CHECK (Cohort Hip and Cohorte Knee study) ont été utilisées.
CHECK comprend 1 002 sujets âgés de 45 à 65 ans ayant une douleur et/ou une raideur d' un ou des 2 genoux et/ou d'une ou des 2 hanches et n'ayant encore jamais consulté leur médecin pour ce problème ou l’ayant consulté récemment (moins de 6 mois). Les sujets ont été inclus par 10 centres dans toute la Hollande et ont été suivis pendant 10 ans. L'objectif de cette cohorte était l'étude des douleurs d'arthrose, des mécanismes, et des marqueurs diagnostiques et pronostiques de dégradation articulaire. Durant le suivi, l’évaluation a porté sur les plans clinique, radiographique et biologique.
Les auteurs de cette étude ont analysé les données concernant 705 sujets ayant une arthrose symptomatique du genou de la cohorte CHECK avec un suivi de 5 ans. Trois profils évolutifs de douleurs ont été mis en évidence. Les malades avec un « bon profil » (n = 222) présentaient une douleur qui diminuait progressivement et devenait de « faible intensité ». Les patients avec un « profil moyen » (n = 294) avaient une douleur modérée et stable au fil du temps. Enfin, les « mauvais profils » (n = 189) avaient une douleur qui se majorait pour devenir « importante ». Comparativement aux patients du groupe « bon profil », ceux des groupes « profil moyen » et « mauvais profil » avaient un IMC plus élevé (OR [odds ratio] = 1,1 dans les 2 groupes ; p = 0,01), étaient plus souvent fumeurs (OR = 1,8 [p = 0,08] et OR = 2,5 [p = 0,01] respectivement), et utilisaient plus fréquemment des stratégies d'adaptation passives d’inquiétude ou de souci (« worrying ») (OR = 2,2 [p = 0,01] et OR = 3,5 [p < 0,001] respectivement) et des stratégies de repos (OR = 1,6 [p = 0,09] et OR = 2,4 [p = 0,004] respectivement). Les stratégies passives de retrait (« retreating ») réduisaient le risque de présenter un « profil moyen » (OR = 0,6 ; p = 0,04) ou « mauvais » (OR = 0,5 ; p = 0,009).
Finalement, des paramètres tels que l’IMC, la consommation de tabac, ou les stratégies d'adaptation, caractérisent le profil évolutif douloureux des sujets atteints d'arthrose précoce des membres inférieurs.
L’excès de poids, le fait de fumer ou d’utiliser des stratégies passives d’adaptation (inquiétude et repos) sont associées à risque d’évolution péjorative du profil douloureux. La reconnaissance de ces différents profils pourrait avoir des implications thérapeutiques.
Dr Juliette Lasoudris Laloux