
Pourtant, un nombre non négligeable de patients souffrant de schizophrénie n’ont pas de médecin traitant (entre 26 et 79 % selon les études). La précarité, l’absence de tiers payant, les difficultés à respecter le parcours de soins, le manque d’autonomie, les troubles cognitifs sont autant de freins potentiels à la mise en place d’un médecin traitant. Le Dr Matthieu Seibold, médecin généraliste à Saclay, a tenu pour son travail de thèse à analyser précisément l’origine de ce phénomène.
Dans une étude analytique multicentrique sur sept centres médico-psychologiques parisiens, tous les patients psychotiques chroniques étaient inclus (saufs ceux jugés psychologiquement « inaptes » à répondre au questionnaire) jusqu’à atteindre le nombre jugé suffisant de 210 sujets. Au total, 76,6 % des personnes approchées ont accepté de répondre à l’enquête (âge médian de 46 ans) et 19 % n’avaient pas de médecin traitant effectif : certains avaient un médecin traitant mais ne l’avaient pas vu dans les 3 ans précédents.
Approfondir le dialogue entre médecine générale et psychiatrie
Deux freins à la mise en place d’un médecin traitant ont été évoqués lors de la discussion libre : les effets secondaires des psychotropes et la lassitude du patient envers le milieu médical. L’absence de Centre Municipal de Santé sur la commune était également corrélée à l’absence de médecin traitant. Dans une analyse multivariée, l’absence de pathologie somatique était le facteur le plus corrélé à l’absence de médecin traitant (OR 12,4 ; IC95 3,88-39,59), suivi par le recours préférentiel aux filières de soins parallèles en première intention (OR 9,68 ; IC95 2,58-36,33), et la peur de la violation du secret médical (OR 3,73 ; IC95 1,23-11,27). Suivaient ensuite l'inactivité professionnelle, l’absence de logement propre, et le besoin de tenir le médecin généraliste à l’écart.Difficile de dire si l’absence de pathologie dépistée était une cause ou une conséquence de l’absence de médecin traitant.
Dans ce travail exploratoire, la gravité de la pathologie (par exemple via l’échelle PANSS) n’était pas évaluée. On peut cependant penser qu’elle peut avoir une influence sur l’absence de médecin généraliste via l’importance de la désorganisation, et agir sur des facteurs tels que l’inactivité professionnelle ou l’absence de logement, ou encore la méfiance vis-à-vis du système de soins.
Ce type de travail est important pour alimenter le dialogue entre médecins généralistes et psychiatres pour le bien des patients.
Dr Alexandre Haroche