
Washington, le samedi 14 février 2015 – A l’aune de la révélation d’un document secret établi par le pentagone, on a appris que les autorités militaires américaines auraient "diagnostiqué" chez Vladimir Poutine un syndrome d’Asperger. Cette hypothèse se fonde sur l’observation des mouvements du président russe depuis le début des années 2000.
Selon Brenda Connors, synergologue au Naval War College de Newport (Etats-Unis), il s’imposerait un contrôle maximum «pendant ses crises, pour se stabiliser et équilibrer ses perceptions » et son regard toujours fixe (?) serait la marque d’un défaut neurologique et d’une incapacité à réagir aux signaux extérieurs. Le chef de la seconde puissance militaire mondiale «affiche une hypersensibilité, une forte dépendance au combat et des réactions froides ».
Révélé et désavoué en une foulée !
«L’Office of Net Assessment n’a jamais transmis ce rapport au secrétaire (à la Défense), et il n’y a pas eu de demandes de responsables au département de la Défense pour l’examiner», a affirmé Valerie Henderson une porte-parole du Pentagone. En outre, selon elle, ces conjectures doivent être confirmées par un scanner cérébral.
Le docteur Stephen Porges, professeur à l’université de Caroline du Nord qui avait lui aussi soutenu dans ce rapport que Poutine souffrait d’une forme d’autisme, a quant à lui indiqué à USA Today qu’il ne l’avait pas lu dans sa version définitive et qu’il en désavoue les conclusions. Son analyse étant que le président russe est juste sur la défensive dans les grands évènements mondains et il recommanderait de ne converser avec lui qu’en tête à tête et au calme.
Des spécialistes unanimement circonspects
Les spécialistes de ce trouble sont formels : il est impossible de reconnaître, à partir de simples films et sans examen clinique, le syndrome d'Asperger : « le diagnostic nécessite un examen clinique par des spécialistes. On ne réalise pas un diagnostic à partir de simples photos ou de vidéos. Cela est contraire à l'éthique médicale », explique ainsi le Pr Marion Leboyer au Figaro, psychiatre responsable du centre expert dédié au syndrome d'Asperger de l'adulte à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil).
De plus, l’assertion selon laquelle, le dépistage de l’autisme serait conditionné à la réalisation d’un examen d’imagerie relève de la pure fantaisie, comme l’a rappelé Anne Viallèle, de l’association Apipa-Asperger-Ted à l’Obs.
Et si c’était vrai ?
Amusée, Elaine Taveau, présidente d’Asperger Aides s'est prêtée
au jeu de la politique fiction et a imaginé pour Le Figaro,
l’attitude qu’il conviendrait d’adopter face au Poutine décrit par
le secrétariat à la défense : « je conseillerais au président
François Hollande d'être extrêmement clair. Ce qui est rarement le
cas en politique, royaume des sous-entendus. Imaginons que M.
Poutine soit un Asperger, vous ne pouvez pas lui parler de
concessions. Le discours c'est de dire “ça, c'est oui et ça, c'est
non”».
Poutine n’est pas la seule personne célèbre à avoir été « affublée
» de ce diagnostic, sans investigation sérieuse. Il en est ainsi
notamment par exemple…d’Albert Einstein ! Associations et
spécialistes ont sur ce point à cœur de rappeler qu’il s’agit d’une
véritable pathologie et non d’une géniale introversion…
Notons en effet que si cette forme d’autisme est associée à un QI élevé, elle empêche intrinsèquement d’assumer les responsabilités d’une chefferie de gouvernement, et Vladimir Poutine ne doit probablement pas faire exception à la règle !
Sommes-nous aspergés de propagande ?
Pour Idriss Aberkane, enseignant-chercheur en géopolitique et en
économie à l'École Centrale de Paris « On ne peut séparer la
dépêche supposant que Poutine est atteint d'autisme, du contexte
géopolitique actuel : un bras de fer en Ukraine, une tension
franco-russe sur la livraison des bâtiments de classe Mistral, des
déclarations alarmantes de François Hollande envisageant la
possibilité d'un conflit armé de grande ampleur en Europe de l'Est
et une situation de guerre financière déclarée par la dévaluation
massive du rouble, alors que la hausse du PNB par habitant était
l'assise la plus décisive de la popularité du tandem
Poutine-Medvedev en Russie ».
Et l’universitaire de raconter ce que lui a confié un journaliste :
« cette dépêche c'est de l'Agence France-Propagande. Si j'avais
été à l'AFP à sa publication, j'aurais fait jouer ma clause de
conscience ».
Poutine, ce stoïcien au regard si fixe
Le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitry Peskov, a peut-être apporté une conclusion à cette polémique en déclarant : «cette ineptie ne mérite même pas de commentaire».
Au delà des hypothèses cliniques, du point de vue géopolitique, et de cette remarque lapidaire, on sent poindre l’explication philosophique.
Pour certains partisans de Poutine, l’incompréhension face à son comportement ne naîtrait-elle pas de ce que, contrairement à beaucoup de chefs d'état modernes, le Russe a adopté une attitude de contrôle de soi et ne se laisse jamais submerger par ses émotions, à l’image du stoïcien dont la sérénité et la fermeté ne sauraient être troublées par des événements extérieurs…
Frédéric Haroche