
« La majorité des réactions anaphylactiques se résolvent
spontanément », martèle Dr Paul Turner (Imperial College London),
dès le début de sa présentation au récent symposium du CICBAA. Même
si les hospitalisations pour anaphylaxie ont augmenté en 20 ans,
l’incidence de l’anaphylaxie à l’issue fatale reste constante
(environ 0,5 cas par million d’habitants). Ceci a été rendu
possible grâce à un meilleur diagnostic et une meilleure prise de
conscience des patients et des professionnels de santé (1).
Mais comment identifier cette personne parmi un million
d’individus qui est à risque de développer une anaphylaxie sévère à
l’issue fatale ? A ce jour, il n'est malheureusement pas possible
de le faire. Dr Paul Turner insiste sur le fait que la rareté des
cas mortels d’allergie alimentaire complique la tâche des
chercheurs et cliniciens, d’où l’importance d’implémenter des bases
de données communes.
L’asthme n’est pas un bon outil prédictif
Trois faits sont rappelés par Dr Paul Turner à propos de
l’asthme. Si 78 % des 124 cas mortels d’anaphylaxie alimentaire
recensés sur 20 ans avaient un diagnostic d’asthme, seul un tiers
d’entre eux avaient des signes d’exacerbation de leur asthme.
Enfin, la distribution de l’âge de l’asthme sévère est différente
de celle de l’allergie alimentaire sévère. Selon une très récente
revue de la littérature scientifique (2), l’asthme ne semble pas un
bon élément clinique pour prédire les réactions allergiques
alimentaires sévères, même si certaines études rétrospectives aux
biais de collections bien connus ont parfois prétendu le contraire.
Dr Paul Turner rappelle toutefois qu’il est indispensable de
contrôler l’asthme des patients, non pas par rapport à un risque
présumé d’allergie alimentaire sévère associée, mais en raison de
la morbi-mortalité élevée d’un asthme non contrôlé.
Selon cette même revue, un épisode précédent d’anaphylaxie et
des tests biologiques (type IgE ou activation des basophiles) ne
semblent pas non plus de bons éléments prédictifs d’une allergie
alimentaire sévère, en particulier si les données de patients non
allergiques sont exclues de l’analyse (ce qui en soit se rapproche
du profil de patients vus en clinique). La tranche d’âge des 10-30
ans semble être la plus à risque de conséquences fatales mais la
contribution de comportements à risque (comme le fait de ne pas
utiliser son adrénaline) reste mal identifiée. Le rôle des
cofacteurs (exercice, médicaments, etc.) reste mal connu. Fait
important, l’absence d’épisode précédent d’anaphylaxie n’exclut pas
sa survenue dans le futur.
Que dire aux patients ?
Rien, répond Paul Turner. Il ne faut pas « dire » aux patients
mais en discuter avec eux. Même si les décès liés à une allergie
alimentaire sévère sont très médiatisés (environ un par mois en
Grande Bretagne), cet événement reste extrêmement rare. L’allergie
alimentaire sévère n’est pas un aller sans retour en soins
intensifs et il est nécessaire de distinguer « sensibilité » et «
sévérité » des réactions allergiques. En effet, il n’est pas prouvé
qu’être sensible à une faible dose d’allergène prédit une réaction
allergique sévère dans le futur.
A la dose ED05 d’un allergène alimentaire, 75 % des personnes
allergiques à cet aliment n’auront pas de symptômes, 15 % auront
des démangeaisons dans la bouche, 10 % auront des symptômes
subjectifs comme un inconfort, 5 % seulement auront des symptômes
objectifs parmi lesquels 5 % auront une réaction anaphylactique
(soit 1/400). Comme indiqué en début de présentation par Paul
Turner, au moins 80 % des anaphylaxies alimentaires se résolvent
par elles-mêmes, les anaphylaxies sévères réfractaires ou fatales
représentant des événements extrêmement rares (respectivement moins
d’un événement pour 60 000 expositions à l’ED05 et moins d’un
événement pour 1 million d’expositions à l’ED05). (3)
En somme, comment réduire le risque d’allergie alimentaire sévère ?
En améliorant la prise en charge de l’asthme en raison des
comorbidités qui y sont associées et non pour un éventuel lien avec
les réactions allergiques sévères, en s’assurant que les patients
aient au moins 2 doses d’adrénaline à disposition, en s’assurant
qu’ils sachent utiliser cette adrénaline. Se focaliser sur la
tranche d’âge scolaire semble pertinent même si le risque persiste
à la trentaine. Améliorer le diagnostic et travailler sur un
étiquetage alimentaire adapté sont également des outils de
prévention.
Paul Taylor conclut sa présentation en encourageant les
équipes françaises à publier plus souvent dans les revues
internationales afin de favoriser le partage de données, en
particulier sur le sujet de l’allergie alimentaire sévère qui, in
fine, reste un événement très rare.
Dr Dounia Hamdi