Prise en charge non médicamenteuse de l’insomnie : quelles recommandations ?
Si l’American College of Physicians a émis des
recommandations sur l’insomnie en 2016 et l’European Sleep
Research Society en 2017, aucune recommandation nationale
n’avait encore été publiée à ce jour. D’où la démarche de la
Société Française de Recherche et médecine du Sommeil et de la
Société de Pneumologie de Langue Française qui se sont unies pour
émettre des recommandations nationales dont la publication est
prévue courant de 2020. Zoom sur les points essentiels de ces
recommandations sur « la prise en charge non pharmacologique de
l’insomnie ». qui ont été présentées en avant-première au
Congrès du Sommeil lors de l’intervention du Dr Sylvie
Royant-Parola (Necker-Enfants malades).
« Le sommeil est un comportement compliqué, a-t-elle
notamment rappelé, et qui implique des besoins et des rythmes (‘ce
qu’il faudrait faire’), des obligations familiales et un rythme de
travail (‘ce que l’on peut faire’) et une vie sociale comportant
loisirs et plaisir (‘ce que l’on a envie de faire’) de telle sorte
qu’au quotidien il sera un compromis entre besoin, environnement,
obligations, plaisir… ». Le sommeil peut par ailleurs être
modifié par certaines attitudes perturbantes, notamment chez ceux
qui n’arrivent pas à arrêter le soir (‘encore 5 minutes…’), ou par
les mauvaises habitudes de la journée (alcool, café, tabac,
sédentarité), les activités sur écran, les notifications du
portable, la lumière des appareils électroniques et chargeurs, la
télévision dans la chambre, ou le conjoint (qui se couche sans
s’occuper de ce que veut faire l’autre et le gêne). A tous ces
facteurs s’ajoutent les irrégularités des horaires avec ce que l’on
appelle « le jet-lag social » comportant un coucher et un
lever très tardifs le week-end qui peuvent créer des troubles du
sommeil en soi.
Plusieurs appareils connectés ont été développés pour évaluer le
sommeil. Utiles dans certaines circonstances, ils surestiment
cependant souvent le temps de sommeil et sous-estiment les réveils
à des degrés divers. De plus, ils ne disposent encore que d’études
sur de petits échantillons. Ce qui explique qu’aucune
recommandation n’ait été faite à ce propos.
Restriction du temps au lit et contrôle du stimulus
L’hygiène du sommeil reste un élément indispensable pour retrouver
un bon sommeil (mais insuffisant pour rétablir le sommeil). Il faut
avant tout modifier les comportements et pour cela disposer de
leviers permettant de changer d’attitude. Deux approches
essentielles sont recommandées : d’une part, « la restriction du
temps passé au lit » (en retardant l’heure du coucher de
manière à ne se coucher que pour dormir, en maintenant une heure de
lever régulière et en ne faisant pas de sieste pendant la journée),
et d’autre part, « le contrôle du stimulus » qui est un
processus de conditionnement pour recréer l’association lit/sommeil
et qui implique notamment de se lever dès qu’on est réveillé et de
ne pas rester au lit le matin.
La restriction du temps passé au lit permet une amélioration de la
latence d’endormissement, une réduction des éveils et une
amélioration de la qualité du sommeil, sans pour autant modifier la
durée totale du sommeil. Il n’existe que très peu d’études par
actimétrie ou polysomnographie (PSG) sur l’efficacité de cette
technique (qui entraîne une somnolence diurne au début) car elle a
été très vite associée aux techniques cognitivo-comportementales
(TCC). Le contrôle du stimulus est aussi associé aux TCC, les deux
approches ayant reçu un grade A de recommandation.
Neurofeedback et biofeedback
Les méthodes de neurofeedback et de biofeedback sont basées sur des
techniques de conditionnement opérant, avec entraînement et
apprentissage de la régulation d’une fonction physiologique en
fonction de la visualisation d’un signal (EMG, EEG, rythme
cardiaque). Elles ont reçu un grade C dans les recommandations en
association aux TCC et ne sont pas recommandées isolément.
L’activité physique en adjuvant
L’activité physique, recommandée en association aux TCC, agit sur
les rythmes circadiens en augmentant leur amplitude et renforçant
leur synchronisation. Elle renforce aussi la thermolyse nocturne et
améliore la régulation vagale et le contrôle sympathique (et donc
le sommeil et l’humeur), diminue la sévérité des apnées du sommeil
et du syndrome des jambes sans repos, exerce un effet
antidépresseur et réduit l’anxiété. Dans ce contexte, l’activité
physique est recommandée entre 4 et 8 heures avant le coucher et
demande à être régulière (4 jours/semaine) aux mêmes horaires et
cumulée à une activité physique plus importante durant la journée
(marche rapide lors des déplacements) tout en privilégiant une
activité de cardio-training. Il faut éviter de pratiquer une
activité physique à un horaire trop tardif en soirée car elle
entraine un retard de l’endormissement et une diminution de la
qualité du sommeil, mais la répétition de l’entrainement le soir
diminue ces effets et représente une alternative lorsqu’un autre
horaire est impossible.
Quelle place pour la lumière ?
La lumière naturelle et la luminothérapie synchronisent les rythmes
circadiens et augmentent l’amplitude circadienne. Elles ont un
effet antidépresseur et agissent sur l’insomnie en cas de
désorganisation circadienne. Mais il ne faut pas oublier les effets
négatifs des écrans (retard à l’endormissement, fractionnement du
sommeil, impact cognitif et somnolence diurne). La recommandation
est dès lors de favoriser l’exposition à la lumière naturelle le
jour, de diminuer les lumières fortes le soir, notamment les écrans
une à 2 heures avant le coucher, et d’utiliser des filtres optiques
pour les activités devant écran en soirée.
Et les techniques digitales ?
Les techniques digitales appelées à modifier les comportements
(TCCi), soit en support/complément d’une TCC classique, soit avec
contact d’un thérapeute, soit avec une prise en charge de type «
algorithme », améliorent les items de l’insomnie plus que
dans les groupes témoins, mais de manière moindre que les TCC
classiques. A noter que les résultats de ces techniques sont
meilleurs dans les dernières publications probablement parce que
ces techniques sont de plus en plus élaborées.
Au total
Les outils connectés (bracelets, capteurs) ne sont pas encore
suffisamment performants pour remplacer l’agenda du sommeil qui
reste la référence.
Les programmes de TCC comportant au moins une restriction du temps
passé au lit et/ou le contrôle du stimulus sont recommandés (grade
A). Les thérapies en ligne accessibles en français sont une
alternative possible en l’absence d’autres possibilités (avis
d’experts). Les traitements adjuvants sont de plusieurs ordres :
activité physique (recommandée), biofeedback ou neurofeedback
(grade C), hygiène lumineuse (avis d’experts) en renforçant
l’exposition à la lumière naturelle pendant la journée et en
diminuant l’exposition à l’éclairage artificiel et aux écrans avant
le coucher et pendant la nuit.
Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.