
Paris, le samedi 28 septembre 2013 – L’année dernière, ils étaient partis le bistouri à la souris, si non confiants dans la réussite de leur opération, tout au moins convaincus que certains de leurs gestes seraient déterminants. Ils étaient une quarantaine de médecins blogueurs à se lancer à l’assaut de propositions qu’ils voulaient pragmatiques. Puisque les déserts médicaux avaient été un des sujets touchant la politique de santé parmi les plus commentés de la campagne électorale qui venait de s’achever et puisqu’ils étaient les mieux placés pour en parler de ces déserts puisque y exerçant, ils avaient dessiné un plan d’actions fort de leurs expériences. A l’époque, tant la méthode que le programme esquissé avaient su séduire. Le ministre de la Santé, Marisol Touraine avait notamment fait mine de s’intéresser aux analyses et aux suggestions de ces praticiens blogueurs.
Ils partirent 40… et se retrouvèrent 86
Mais un an plus tard, comme de nombreux autres, ces médecins, généralistes pour la plupart, sont comme tant d’autres fortement déçus non seulement de l’action mais aussi de l’attitude du ministre de la Santé. Pour résumer l’état d’esprit de ces praticiens qui au fil de leurs journaux virtuels décrivent leurs quotidiens de praticiens, on pourrait reprendre la formule de Jaddo dans un de ses derniers posts : « J’ai mis longtemps à me décider à vous écrire, Marisol sacrée. D’abord parce que vous n'écoutez pas ce qu’on vous dit ». Cependant, les blogueurs en blouse ont choisi de passer outre ce profond désappointement et ont repris leur plume virtuelle ce 23 septembre, jour de présentation par Marisol Touraine de sa « stratégie nationale de santé ». Mais cette opération baptisée #PrivésdeMG après celle de l’an dernier intitulée #PrivésdeDésert ne se présente plus comme une plate-forme de propositions au sein de laquelle le ministre est invité à puiser, mais comme une attaque plus frontale. « Marisol Touraine présente ce lundi sa Stratégie nationale de santé. Cet événement constitue l’occasion de nous rappeler à son bon souvenir, rappel motivé par l’extraordinaire enthousiasme qui avait accompagné nos propositions (…) dont aucune n’a été reprise par la Ministre » peut-on lire en préambule d’un texte posté simultanément par 86 praticiens tenant un blog.
Ce qui serait le MUSt
Voilà pour la méthode, sur le fond, les propositions de nos apôtres des déserts n’ont pas changé. Elles s’organisent autour d’une idée maîtresse : pour donner envie aux carabins d’épouser la carrière de médecin libéral et plus encore d’omnipraticien en ville, il faut « sortir du modèle centré sur l’hôpital ». « La formation universitaire actuelle, pratiquée quasi exclusivement à l’hôpital fabrique logiquement des hospitaliers. Pour sortir de ce cercle vicieux, il nous semble nécessaire de réformer profondément la formation initiale des étudiants en médecine » peut-on lire. Mais nos blogueurs ne se contentent pas de répéter leur idée phare, ils reprennent également plusieurs de leurs propositions concrètes et notamment celle concernant la création de maisons de santé pluridisciplinaire (au nombre de 100) qui devraient avoir un statut universitaire. Ainsi, ces « Maisons universitaires de santé » (MUSt), sorte de pendant des CHU, offriraient selon eux une véritable réponse d’une part à la désaffection de la carrière libérale et d’autre part à la désertification médicale. Autre point qui avait su retenir l’attention l’année dernière de nouveau développé : « la création d’un nouveau métier de la santé : agent de gestion et d’interfaçage de MUSt » (AGI). Au-delà de cette dénomination pompeuse qui ne manquera pas de faire sourire, les praticiens blogueurs explorent un moyen de répondre à la très forte augmentation des tâches administratives qui incombent aujourd’hui aux médecins et qui fait partie des raisons pour lesquelles beaucoup boudent l’exercice libéral. On le sait, la stratégie nationale de santé de Marisol Touraine n’a pas fait écho à ce type de propositions, mais la question des déserts médicaux est loin d’être résolue et sans nul doute ce gouvernement et ceux qui suivront auront de nouveau à se pencher sur le sujet.
Peut-être alors se souviendra-t-on d’une opération baptisée #Privés de désert. Pour l’heure, elle est restée « privée d’écoute ».
Aurélie Haroche