Profession infirmière : un nouvel Ordre

Interview de Patrick Chamboredon, infirmier d'hémodialyse à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, président de l'Ordre infirmier


Chapitres


Longtemps contesté par les infirmiers, l’Ordre National Infirmier (ONI) semble être parvenu à une certaine maturité et son énergie n’est plus monopolisée pour assurer sa survie.

En décembre dernier, le conseil national de cette institution élisait un nouveau président, un infirmier de l’AP-HM,  Patrick Chamboredon.

Quelques jours plus tard, le code de déontologie établi par l’ONI et intégré au code de santé public était « validé » par le Conseil d’Etat.

Le JIM a rencontré l’heureux élu pour évoquer, avec lui, quelle sera ce nouvel Ordre.

Réagir

Vos réactions (4)

  • Facile d'echapper à l'ordre ...

    Le 24 mars 2018

    Il suffit à une infirmiere hospitaliere de ne pas se présenter devant l'Ordre pour réduire à néant une plainte en manquement déontologique.

    Christophe Querry

  • Elisabeth, infirmière à Paris, s'est amusée à répondre aux questions posées au président de l'ordre infirmier par le JIM

    Le 26 mars 2018

    Ses réponses - ci dessous - sont bien différentes de celles qui ont été enregistrées par le président de l'ordre et qui sont à écouter ici :

    http://www.jim.fr/…/profession_infi…/document_jim_tube.phtml

    *Quelle sera votre méthode de travail à la présidence de l'ONI ?*

    Elisabeth : les centrales syndicales généralistes sont toujours opposées à l'ordre infirmier. Les quelques syndicats infirmiers dits "représentatifs" (de rien du tout) sont pour. Car ce sont majoritairement les quelques mêmes personnes qui cumulent les postes à responsabilités ordinales, syndicales et associatives.

    *L'ONI est-il toujours contesté ?*

    Elisabeth : plus que jamais. Le nombre de personnes intervenantes sur les réseaux sociaux augmente pour se plaindre des méthodes (harcèlements, menaces, contraintes) pour les rappels à la cotisation (confiés à une entreprise de recouvrement de dettes).
    Idem pour les demandes de désinscriptions qui n'aboutissent pas ou pour les erreurs de gestion sur les cotisations.

    *Combien d'infirmiers sont inscrits à l'ONI ?*

    Elisabeth : le compteur des infirmières inscrites est bloqué depuis le 23 janvier 2018 à 239 907. Pour quelles raisons ?
    Il y a toujours des infirmiers(es) décédées depuis plusieurs années qui figurent sur cette liste non à jour et contestée depuis des années.

    *Comment accueillez-vous la décision du Conseil d'Etat sur le code de déontologie de l'ONI ?*

    Elisabeth : ce code été rédigé en copié collé initialement. Puis il a été mis de côté par les différents ministres pendant presque 10 ans. Il a été contredit par écrit sous le ministère Bachelot. Il est imposé par le Conseil d'Etat aux seules infirmières inscrites à l'ordre et fait doublon des règles professionnelles déjà existantes au CSP. Avant ce code les infirmières n étaient pas moins honorables. Depuis elles sont en exercice illégal.

    *Etes-vous favorable à l'inscription automatique à l'Ordre ?*

    Elisabeth : cette inscription automatique ne changera rien à la détermination des infirmières qui restent majoritairement opposées à cet ordre infirmier. L'ordre a gagné en Conseil d'Etat où siège maintenant Marisol Touraine contre le gouvernement Valls où siégeait alors Marisol Touraine qui a tout fait pour maintenir la tête de l'ordre infirmier hors de l'eau (pour quelles raisons ?) contre la volonté des députés socialistes qui l'avaient abrogé en avril 2015. Réinstallé par les sénateurs de droite en juillet 2015.

    *Comment jugez-vous le projet de décret sur les pratiques avancées infirmières ?*

    Elisabeth : la priorité des infirmières n'est pas de traiter de ce genre de sujet qui ne concerne qu'une infirme partie des diplômés qui ne sont plus au contact des patients depuis des années ou des nouveaux diplômés qui veulent faire carrière hors sol (management, enseignement).
    On peut comprendre les médecins sur leur volonté de se préserver financièrement sur un possible glissement des actes IPA sous rémunérés.

    *Etes-vous favorable à "l'universiarisation" de la profession infirmière ?*

    Elisabeth : débuté en 1988 puis complété en 1992 par "la reconnaissance mutuelle des diplômes", ce processus a été poursuivi à la demande de la CEE (accords de Bologne) qui visent à uniformiser des pratiques infirmières (par le bas) alors qu'il y a 15 ans les infirmières françaises étaient les mieux cotées sur le marché du travail en Europe.

    *Etes-vous favorable à l'extension des compétences infirmières en vaccination ?*

    Elisabeth : les infirmières vaccinent depuis toujours, dans les hôpitaux notamment sous la responsabilité des médecins. Cette agitation est essentiellement liée à un partage financier du marché de la vaccination entre professionnels de santé. L'ordre infirmier a démontré son impuissance face aux autres ordres qui le soutiennent uniquement comme rempart à la volonté des autres soignants de voir disparaître les ordres d'un autre temps.

    *Quel regard portez-vous sur l'expérimentation de la vaccination par les pharmaciens ?*

    Elisabeth : les pharmaciens sont en demande permanente d'extension de leur champs d'activité pour des raisons essentiellement de survie économique. Ils ont commencé par la régulation des anticoagulants (pour la quelle ils sont rémunérés) que les IDEL faisaient gratuitement auparavant. Puis ils se sont attaqués à la préparation des piluliers autrefois mise en oeuvre par les IDEL.

    *L'Ordre va-t-il s'engager pour obtenir des ratios d'infirmier par patient ?*

    Elisabeth : récemment interviewé chez Bourdin, le président ordinal infirmier n'a pas abordé les conditions de travail des infirmières, se focalisant essentiellement sur les infirmières de ville (ses meilleures clientes) et leur place au sein de la sphère libérale soignante.
    Aucune action de l'ordre sur la charge de travail et ses conséquences sur l'état physio/psychologique des soignantes qui arrivent à la retraite avec une espérance de vie de huit ans inférieure à la moyenne des femmes chiffres 2010).

    *Quel rôle peut jouer l'Ordre pour diminuer la souffrance des soignants ?*

    Elisabeth : ici encore, le président de l'ordre aborde la création d'une énième usine à gaz sachant que la première mise en place par "l'inspecteur B" a été un échec.
    La pénibilité infirmière a été abandonnée par Bachelot en décembre 2010 en échange de la LMD dont on voit les dégâts actuellement.

    *Accès partiel, équivalence de diplôme étranger : quelle sera votre action en la matière ?*

    Elisabeth : l'ordre infirmier a perdu en Conseil d'Etat (où il se réunit pourtant une fois par mois) face à la directive européenne. L'Ordre infirmier a pourtant rémunéré conjointement un cabinet de lobbying à Bruxelles par le biais d'une association européenne des ordres infirmiers dont le secrétaire était monsieur Borniche, le précédent président de l'ordre.
    Cette directive européenne va de paire avec les accords de Bologne qui ont contribué au nivellement par le bas de la référence française en matière de soins infirmiers, avec une nette dégradation de la qualité des soins/apprentissage depuis une quinzaine d'années, aggravée par la pénurie d'infirmières en nombre suffisant dans les services.

    Elisabeth Moisson

  • Regarder ce qui se fait ailleurs qu'en France

    Le 30 avril 2018

    Je suis assez sidéré des réponses apportées par Elisabeth qui prétend être la voix du bon sens des infirmières non inscrites. C'est cet état d'esprit qui a maintenu les infirmières en France à ce bas niveau de reconnaissance. C'est parce que les syndicats généralistes ont trop longtemps été les seuls à contrôler la formation et le statut de celles-ci, que les infirmières sont restées à ce niveau d'exécutantes, toujours auxiliaires et soumises aux dictats des différentes autorités gouvernementales et médicales. La profession infirmière souffre d'un trop long passé à être maintenu dans un statut de prolétariat de la santé qui a bloqué toute initiative d'évolution. Il faut justement regarder ce qui se fait ailleurs qu'en France et retirer ses oeillères pour se rendre compte qu'on est loin d'être au meilleur niveau et de formation et de reconnaissance professionnelle.

    La Pratique Avancée offre une réelle perspective d'évolution de la profession en dehors de la seule voie possible précédente qui était l'encadrement, les spécialités étant peu reconnues. Il existe enfin une possibilité d'évolution dans le domaine clinique qui doit cependant se faire avec une vision plus ambitieuse que ce que prépare le gouvernement. Il est temps en 2018 que la profession infirmière existe en tant que telle pour ses compétences réelles et non pas délimitées par le bon vouloir médical, et voire même syndical qui n'aime pas les particularismes.

    Pascal Rod
    IDE, IADE

Voir toutes les réactions (4)

Réagir à cet article