
Dr Guillaume Pouessel, pédiatre au CHU de Roubaix intervenant
au symposium CICBAA, estime qu’à ce jour l’on ne comprend pas tout
à fait ce qu’est réellement l’anaphylaxie sévère. D’où l’intérêt
d’alimenter les bases de données du Réseau d’Allergovigilance
(RAV), qui fête ses 20 ans, par la déclaration systématique des cas
d’anaphylaxie sévère.
Une urgence absolue mais des cas mortels extrêmement rares
L’anaphylaxie est une urgence absolue comme le rappelle Dr
Pouessel, tout se joue dans la première heure d’exposition dans 90
% des cas. Les données du réseau européen d’allergologie dont fait
partie la France ont montré que sur 124 patients décédés
d’anaphylaxie, 37 étaient dus à une cause alimentaire. Le délai
moyen de survenue du décès pour cause alimentaire était de 30
minutes (6 min-360 min). Néanmoins, cet événement reste extrêmement
rare. Les déclarations faites par les professionnels de santé
permettent d’alimenter les bases de données pour mieux comprendre
les déterminants de l’anaphylaxie létale, de l’anaphylaxie sévère
sans décès ou encore de l’anaphylaxie réfractaire. En bref,
quelques données présentées par Dr Pouessel.
L’arachide et le lait sont les allergènes alimentaires les plus souvent incriminés chez les enfants
Un total de 42 cas d’anaphylaxie sévère grade 4 provoqués par
des aliments (âge moyen 22,2 ans) ont été déclarés au RAV.
L’arachide, le lait étaient les allergènes le plus souvent
incriminé surtout chez l’enfant (n=22). La moitié des patients
présentaient également un asthme. L’analyse statistique ne permet
pas de retrouver de différence significative entre les patients
décédés de cette anaphylaxie des patients ayant présenté un arrêt
cardio respiratoire sans décès. Sur le plan clinique, un antécédent
d’asthme est prédominant chez les enfants, alors que les cofacteurs
(effort, alcool) prédominent dans le tableau clinique des adultes
(p>0,05). Le nombre de cas d’anaphylaxie létale/prélétale ne
semblent pas augmenter même si Dr Pouessel alerte sur le fait que
ces données sont des déclarations spontanées, elles doivent donc
être analysées avec précaution.
Qu’en est-il des anaphylaxies sévères en réanimation en France ?
Dans une cohorte de 166 enfants admis en réanimation entre
2003 et 2013 (32 centres), les aliments étaient responsables de 37
% des admissions avec à leur tête le lait de vache et l’arachide
(soit plus de la moitié des anaphylaxies d’origine alimentaire).
Les médicaments restent néanmoins le premier pourvoir
d’anaphylaxies
sévères dans cette cohorte. Chez l’adulte, une seule étude a
été publiée en France à ce sujet. Sur 339 patients adultes
hospitalisés pour anaphylaxie en unité de soins intensifs (USI)
entre 2012 et 2017, 17 décès ont été recensés, tous provoqués par
des médicaments. Les aliments quant à eux, étaient impliqués dans 7
% de ces hospitalisations qui n’ont pas été mortelles. Dr Pouessel
insiste sur le fait que ces données issues de la réanimation sont
essentielles pour comprendre l’anaphylaxie sévère qu’elle soit
létale ou pré létale.
L’anaphylaxie réfractaire, une entité à part entière
L’anaphylaxie réfractaire a trois définitions, la plus récente
étant celle du Resuscitation Council UK (2021) : «
Anaphylaxie qui nécessite un autre traitement malgré deux doses
appropriées d’adrénaline IM ». Si l’on considère 100 patients qui
doivent recevoir une dose d’adrénaline pour cause d’anaphylaxie, 90
d’entre eux devront recevoir une seconde dose d’adrénaline et 2
patients auront besoin d’un traitement supplémentaire, ces 2 %
étant en anaphylaxie réfractaire au sens de la définition
britannique.
Dans la cohorte française de 166 enfants admis en USI pour
cause d’allergie, 138 avaient un diagnostic d’anaphylaxie sévère
dont 69 avaient une anaphylaxie sévère réfractaire au sens du
Royaume Uni. La majorité de ces enfants avaient des antécédents
d’asthme ou d’allergie alimentaire mais le pourvoyeur principal
reste le médicament. Cette anaphylaxie dite réfractaire survenait
principalement au bloc opératoire (en lien avec l’administration de
médicaments) ou dans le cadre de tests de provocation orale.
Dr Pouessel insiste sur le fait que l’anaphylaxie est une
affection potentiellement sévère, dynamique et imprévisible.
L’installation de signes neurologiques est un facteur de
risque d’évolution vers une anaphylaxie réfractaire (à l’inverse du
bronchospasme). Le traitement doit être graduel, précoce, avec
adrénaline en IVC et remplissage vasculaire si réfractaire, par
des équipes expérimentées dans une unité de soins adaptée.
Une seule adresse pour déclarer vos cas : https://www.allergyvigilance.org/
Dounia Hamdi