PROTHESES VALVULAIRES : CONSENSUS CONTRE LA THROMBOSE

Les accidents thrombo-emboliques (ATE) restent les principales complications des prothèses valvulaires cardiaques. Les recommandations issues de la dernière conférence de consensus (1989) indiquaient que tous les patients porteurs de valves cardiaques mécaniques devaient être traités au long cours par les antivitamines K avec un INR (indice permettant de standardiser le niveau d'anticoagulation des patients sous antivitamine K) de 2,4 environ.

L'administration d'un antiagrégant de type dipyridamole était facultative, à moins que le patient ait présenté un accident embolique sous traitement anticoagulant bien conduit.

Cependant, la plupart des travaux amenant à ces conclusions étaient des études non randomisées et certaines comportaient des effectifs réduits de patients. Se basant sur des études plus récentes et utilisant l'INR, les auteurs ont essayé de mieux préciser les indications du traitement antithrombotique en fonction du type et de la localisation des prothèses.

Prothèses mécaniques

Peu de travaux ont comparé le rapport risque-bénéfice de différents traitements anticoagulants. Saour a étudié deux niveaux d'anticoagulation : un niveau modéré (INR : 2,5 à 3,5) versus un niveau important (INR : 4,5 à 5,5) avec différentes prothèses (Starr, Cutter, Björk). Les résultats ne montrent pas de différence significative en terme d'événement thrombo-embolique (4 /100 patients - année pour le traitement anticoagulant modéré contre 3,7 pour le traitement anticoagulant important). Les saignements mineurs étaient plus fréquents dans la groupe traité avec des INR élevés (10 versus 5/100 patients - année).

En revanche, les saignements importants n'étaient pas significativement plus nombreux. Un travail d'Altman a comparé deux types d'anticoagulation (INR 2,5 à 3,5 et INR 3,5 à 4,5), avec 2 antiagrégants (dipyridamole 150 mg par jour et aspirine 600 mg par jour). Il n'existe pas de différence signicative en terme d'accident thrombo-embolique entre les deux groupes (1,9 versus 2/100 patients - année).

Tous les patients ayant présenté des accidents thrombo-emboliques étaient en fibrillation auriculaire pré-opératoire. En revanche, les complications hémorragiques étaient moins fréquentes dans le groupe ayant un INR bas (3,8 versus 25/100 patients - année ; p < 0,02).

Un travail portant sur les valves de Starr et de Björk a montré qu'un traitement par antivitamine K (INR 3 à 4,5) était supérieur à un traitement par association dipyridamole et aspirine. Si l'on étudie séparément les valves mitrales et aortiques, on note que cette différence n'est significative qu'en position mitrale (1,9 versus 12,4/100 patients - année) alors qu'en position aortique, les chiffres sont comparables (3,6 versus 3,8/100 patients - année).

Bille, double ailettes ou disque ?

Peu de données sont disponibles sur les valves de Starr-Edwards (à bille), qui sont actuellement quasiment abandonnées. Les taux d'accidents thrombo-emboliques varient dans les études de 1,5 à 9,5/100 patients - année sous traitement anticoagulant. Ce chiffre passe de 2,3 à 14,5/100 patients - année sous antiagrégant plaquettaire seul. L'association des 2 traitements donne des chiffres allant de 1,8 à 2,4/100 patients - année.

Concernant les valves de Björk-Shiley, il a clairement été démontré que l'absence de traitement anticoagulant ou la prescription d'un traitement antiagrégant seul était très insuffisant. Le niveau d'anticoagulation optimal reste en revanche discuté. Les complications thrombo-emboliques sont plus fréquentes en position mitrale qu'en position aortique. Dans cette première position, elles varient de 1,5 à 4,6/100 patients - année. Dans la plupart des travaux, les INR étudiés varient de 2,5 à 5.

Avec les valves de Saint Jude (double ailettes), le taux de complications thrombo-emboliques des valves en position aortique sous traitement anticoagulant (INR de 2,5 à 5) varie de 0,7 à 3/100 patients - année. L'association aspirine et dipyridamole semble apporter un effet comparable au traitement antivitamine K (2,1 et 3,2/100 patients - année d'accidents thrombo-emboliques dans 2 études). Il ne semble pas exister de différence entre la position mitrale et aortique en termes d'accidents thrombo-embolique pour ce type de matériel .

Les résultats semblent être les mêmes pour les valves Medtronic-Hall (à disque), que pour les valves de Saint Jude. L'association d'agents antiagrégants plaquettaires (dipyridamole 400 mg par jour) montre une réduction des accidents thrombo-emboliques dans la plupart des études.

Les bioprothèses

Les bioprothèses en position aortique chez des patients en rythme sinusal se compliquent dans 0,2 à 2,9/100 patients - année, d'accidents thrombo-emboliques. Cette fréquence est comparable dans deux études à celle de patients porteurs de prothèses mécaniques valvulaires et traités par anticoagulants. Le risque thrombo-embolique des bioprothèses n'est donc pas nul. Dans deux séries (de 26 et 185 patients), l'aspirine a montré une réduction significative des accidents thrombo-emboliques à 2 ans de suivi.

La fréquence des accidents emboliques chez les sujets en fibrillation auriculaire est en revanche très élevée (jusqu'à 16% à 3 ans de suivi). Cette fréquence est diminuée par l'administration d'anticoagulants ou d'aspirine.

Il est enfin clairement démontré qu'il existe un bénéfice à donner des anticoagulants dans les 3 premiers mois après la mise en place de la prothèse, puisque la fréquence des accidents emboliques chez les patients non traités dans cette période a été rapportée jusqu'à 80%.

Recommandations pour un INR idéal

Les auteurs émettent les recommandations suivantes : les patients porteurs de prothèse mécanique doivent être traités au long cours par des antivitamines K. L'INR idéal n'est pas encore défini mais il est compris entre 1,8 et 4,5 qui sont les limites en dessous desquelles les accidents sont trop élevés et au-dessus desquelles le risque hémorragique est trop important.

Pour les valves à disque, il semble qu'un INR entre 2,5 et 3,5 soit optimal. L'association d'aspirine (160 mg par jour) ou de dipyridamole (400 mg par jour) semble apporter un bénéfice, mais les résultats ne permettent pas encore de conclusion formelle en dehors des patients ayant fait un accident embolique sous traitement par antivitamine K bien conduit.

En cas de contre-indication à une anticoagulation maximale, de petites doses d'antivitamine K (INR à 2) peuvent être associées à du dipyridamole et de l'aspirine. Pour les bioprothèses, une anticoagulation efficace (INR 2 à 3) est recommandée dans les trois premiers mois tout particulièrement en position mitrale. Les patients en fibrillation auriculaire doivent être traités au long cours par les antivitamines K. Enfin, pour les sujets ayant fait un accident thrombo-embolique, la durée du traitement antivitamine K reste discutée.

 

Stein P. D. et coll. : "Antithrombotic therapy in patients with mechanical and biological prosthetic heart valves". Chest, 1992 ; (Suppl. 4) : 445 S - 455 S.

Christophe Chauvel

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