Que faire devant une prothèse de genou douloureuse ?

La mise en place de prothèses de genou (PTG) n’est pas rare, ayant atteint 113 600 actes en France en 2018, un chiffre appelé à augmenter de 33 % d’ici 2050. Cependant, la notion de succès est différente selon que l’on se place du côté du chirurgien (bénéfice mécanique) ou du patient (disparition de la douleur, du gonflement, de la gêne). Or, 10 à 34 % des patients présentent une douleur chronique post-PTG, les douleurs demeurant inexpliquées dans 20 % des cas et une reprise de prothèse sans cause identifiable se produit dans 9 % des cas en Angleterre.

Quelle douleur ?

Ces douleurs peuvent être : immédiates intrinsèques (infection, fracture, descellement, malposition, surdimension, allergie aux métaux, arthrofibrose, algodystrophie) ou extrinsèques (conflit mécanique avec les parties molles, douleur projetée à la hanche, au rachis, …), ou bien différées qu’elles soient intrinsèques (descellement aseptique, infection chronique, arthrofibrose, granulome, usure du polyéthylène) ou extrinsèques (tendinopathies périarticulaires, douleur projetée, déconditionnement musculaire), voire indépendantes de la prothèse (douleurs neuropathiques).

Une étude française a montré, dans ce contexte, que la douleur était extra-articulaire dans plus de la moitié des cas et, lorsqu’elle était intra-articulaire, elle était le plus souvent liée à un descellement. Il faut savoir par ailleurs que les douleurs neuropathiques représentent 16 à 20 % des cas. Liées à une lésion nerveuse peropératoire ou à une altération de la modulation de la douleur avec sensibilisation centrale. Elles sont suspectées dès que le score à l’échelle DN4 est ≥4/10, auquel cas, on recherchera cliniquement une hypo- ou une hyperesthésie. Les patients décrivent par ailleurs souvent une sensation d’étau.

Quel bilan lésionnel ?

Pour établir le diagnostic d’une douleur post-PTG, la radiographie et/ou l’échographie sont les premiers examens à réaliser. S’ils reviennent négatifs, il faudra demander une scintigraphie, idéalement au technétium, qui n’est cependant pas fiable durant la première année postopératoire ; le scanner permet de visualiser les malpositions et surdimensions.

Une échographie des parties molles sera réalisée si nécessaire, et on pourra programmer un bilan du rachis et de la hanche en cas de douleur projetée ou une ponction en cas d’épanchement (avec biopsie synoviale). Une biologie comprenant NFS et CRP sera également réalisée.

Quel traitement ?

En cas de douleur neuropathique, des recommandations françaises ont été publiées qui proposent soit un traitement local (lidocaïne puis capsaïcine lorsque la douleur est localisée) soit un traitement par voie orale (duloxetine, venlafaxine, gabapentine, antidépresseurs tricycliques en 1ère intention, prégabaline, tramadol ou combinaisons en 2ème intention) et, en cas d’échec, une stimulation magnétique trans-crânienne du cortex moteur primaire (rTMS de M1), une stimulation médullaire et/ou des opioïdes forts.

La prise en charge sera chirurgicale en cas d’infection, de surdimension ou malposition, d’usure, d’arthrofibrose ou d’allergie, et kinésithérapeutique en cas de douleur projetée, de tendinopathie, d’algodystrophie ou de déconditionnement.

Plus rarement, en cas de synovite non infectieuse, on pourra proposer une infiltration de corticoïdes. Les autres prises en charge (ablation par radiofréquence du nerf géniculé après bloc-test, et la toxine botulinique intraarticulaire) ne disposent que de peu d’arguments dans la littérature.

Peut-on prévoir une évolution douloureuse ?

Une étude datant de 2012 a mis en évidence certains facteurs favorisant l’apparition de douleurs post-PTG : terrain anxieux, dépressif ou catastrophiste, mais aussi des douleurs neuropathiques préexistantes, quelles qu’en soient les localisations, des antécédents d’algodystrophie, de douleurs postopératoires immédiates intenses, et la consommation d’opioïdes préopératoires.

Au total, l’indication d’une PTG doit être pesée et établie sur base d’une concordance radio-clinique et en cas d’échec du traitement médical. L’importance du retentissement de la pathologie et de son traitement sera également évaluée tandis que la consommation d’opiacés au long cours est un facteur péjoratif au même titre que l’existence de troubles psychiatriques, d’algodystrophie ou de comorbidités lourdes.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Zauderer J. Prothèse de genou douloureuse. Session plénière. Congrès de la SFR 2023, du 10 au 12 décembre 2023.

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