
L’éthylisme chronique est par lui-même associé à une
augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), mais
ses méfaits sur l’organisme vont bien au-delà de ce risque et leur
liste est d’ailleurs longue. Parmi ceux capables d’interférer avec
le pronostic de l’AVC, il convient de retenir une éventuelle
cardiomyopathie, l’atteinte hépatique, l’anémie ou encore la
thrombopénie. Tous ces facteurs et bien d’autres peuvent avoir un
impact sur l’évolution ou la prise en charge de l’AVC ischémique à
sa phase aiguë et ses suites. C’est là un des enseignements d’une
vaste étude de cohorte nationale réalisée aux États-Unis et
constituée à partir d’une base de données, en l’occurrence la
Nation wide Inpatient Sample (NIS) database
(2005-2014).
C’est ainsi qu’ont été identifiés, sur cette longue période, 4
332 783 patients victimes d’un AVC ischémique aigu, dont 141 113
(3,3 %) atteints d’un éthylisme chronique avéré et validé. Ces
derniers se sont distingués du reste de la cohorte sur plusieurs
points :
(1) un âge inférieur (en moyenne 61 versus
71,5 ans; p < 0,0001);
(2) une prédominance écrasante du sexe masculin (80,3
%);
(3) un recours un peu plus fréquent à la thrombolyse
intraveineuse (7,2 % vs 5,7 %; p < 0,0001) ou encore à la
thrombectomie mécanique (1 % vs 0,7 % ; p < 0,0001). Les
patients éthyliques qui ont bénéficié d’une thrombolyse étaient par
ailleurs caractérisés par un index de comorbidité plus élevé et par
une prise en charge plus souvent effectuée au sein de grands
centres hospitaliers volontiers universitaires. Les complications
associées à la thrombolyse ont été également plus fréquentes en cas
d’éthylisme chronique, qu’il s’agisse des hémorragies
intracrâniennes (1 % vs 0,3 % ; p < 0,0001) ou encore des
hémorragies majeures (10 % vs 3,3 %; p <
0,0001).
Sombre programme que celui du patient éthylique chronique
confronté à la survenue d’un AVC ischémique aigu. Dans 7,2 % des
cas, une thrombolyse IV sera entreprise au prix de complications
plus fréquentes, qu’il s’agisse d’hémorragies intracrâniennes ou
périphériques mais majeures. La mortalité hospitalière
indépendamment de la revascularisation est près de deux fois plus
élevée qu’en l’absence d’éthylisme chronique. Les complications
hémorragiques sont probablement le fait d’une coagulopathie
sous-jacente ou d’une diminution de la clairance hépatique
directement liée à l’alcoolisme.
Dr Philippe Tellier