QUEL REGIME POUR LA POLYARTHRITE ?

Quel régime pour la polyarthrite ?

Après avoir répondu par la négative à la question invariable des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) sur le rôle de l'alimentation dans cette maladie, le doute étreint habituellement le rhumatologue devant l'abondance des publications concernant l'origine alimentaire de certains rhumatismes inflammatoires et les propriétés anti-inflammatoires de certaines huiles. Il faut remercier H. M. Buchanan et coll. qui ont publié une revue générale sur le sujet et donc apporté des éclaircissements.

Dîne Dong pas dingue ?

L'allergie alimentaire a pu être affirmée dans quelques cas bien étudiés où la suppression de l'allergène alimentaire a entraîné la rémission avec rechute à la réintroduction. Il s'agit le plus souvent d'allergie aux laitages et aux céréales. Dong, aux Etats-Unis, a proposé un régime fait de nourriture chinoise excluant les additifs et conservateurs, les fruits, la viande rouge, les herbes, les produits laitiers et l'alcool. Les études contrôlées n'ont cependant pas prouvé l'efficacité d'un tel régime bien que quelques malades aient répondu de façon spectaculaire.

Il faut ajouter à cet égard que les essais randomisés et contre régime placebo ne sont guère réalisables dans ce domaine. Il est en revanche plus facile de rechercher cas par cas l'existence d'un éventuel allergène alimentaire avec test de réintroduction répété. Expérimentalement, une synovite de type rhumatoïde a pu être provoquée chez le lapin nourri au lait de vache avec présence de titres élévés d'anticorps dirigés contre plusieurs protéines du lait. Pourquoi et comment ces allergènes pénètrent-ils à travers la muqueuse intestinale ? La perméabilité intestinale paraît augmentée dans la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite et les entérocolopathies chroniques. Elle est réduite par le jeûne. Le rôle des AINS a aussi été incriminé par quelques auteurs.

Jeûne est bon

Le jeûne a indéniablement un rôle bénéfique, mais, on le comprend aisément, les études ont été réalisées sur de courtes périodes... Son action ne semble pas passer par l'élévation du cortisol plasmatique mais plutôt par une modification de la production des médiateurs de l'inflammation et des cytotoxines notamment et peut-être par la privation en protéines. Dans un travail randomisé en simple aveugle, J. Kjeldsen-Krag et coll., auteurs norvégiens, ont proposé à 27 patients atteints de PR un séjour de quatre semaines dans une ferme sanitaire et à un jeûne subtotal (800 à 1 200 calories) pendant 7 à 10 jours puis à un régime végétalien sans gluten pendant 3 à 5 mois et enfin à un régime lacto-végétarien jusqu'au treizième mois. Le groupe témoin de 26 patients a séjourné pendant quatre semaines dans une maison de convalescence avec une alimentation habituelle pendant la durée de l'étude. Les résultats ont été très significativement en faveur du régime au terme des quatre premières semaines, tant sur le plan clinique que biologique, le bénéfice étant encore présent au bout d'un an. Il faut signaler qu'il y a eu autant d'abandons dans les deux groupes et que 34 patients sur 53 ont terminé l'étude.

Ce travail est intéressant, bien mené mais n'est cependant pas exempt de critiques : les deux groupes n'étaient pas tout à fait comparables au début de l'essai ; les conditions d'hébergement n'étaient pas identiques ; il s'agissait d'un simple aveugle et le jeûne n'en était pas vraiment un. Toutefois, il a eu le mérite de souligner l'influence possible de l'alimentation dans la polyarthrite rhumatoïde.

Trop de protéines nuit !

Une malnutrition ou un déséquilibre alimentaire en protéines n'a pu être démontré dans la polyarthrite. Un régime très riche en protéines a pu provoquer chez le cochon une polyarthrite aiguë avec pullulation fécale de Clostridium perfringens, lequel a été trouvé avec une fréquence inhabituelle dans les selles de polyarthritiques par certains auteurs, corrélée à l'activité de la maladie. Mais ces travaux n'ont pas été confirmés par d'autres. Récemment, une élévation du titre d'anticorps dirigés contre Proteus mirabilis a aussi été signalée. Le rôle de la modification de la flore intestinale par les traitements de fond, notamment la Salazopyrine, a été discuté mais non prouvé.

Ainsi, l'alimentation, une perméabilité anormale naturelle ou iatrogène du tractus digestif, une pullulation microbienne pourraient intervenir dans la pathogénie ou l'évolution d'une polyarthrite.

Les oligo-éléments

Le cuivre joue un rôle important dans l'inflammation et sa concentration sérique est élévée dans la PR. La céruloplasmine agit comme anti-oxydant. Tous deux sont corrélés à l'activité de la maladie. Bien que la D-pénicillamine soit un chélateur du cuivre et qu'un déficit nutritionnel en cuivre inhibe le développement de l'arthrite à adjuvant du rat, aucun travail n'a pourtant pu prouver l'intérêt thérapeutique d'un régime pauvre ou riche en cuivre, pour ne pas parler du "fameux" bracelet...

Un déficit en sélénium est à l'origine en Chine d'une cardiomyopathie et d'une polyarthrite (maladie de Kashin-Bek). Si les taux de sélénium sont bas dans la PR, normalisés par le traitement de fond et si un taux faible de sélénium semble contribuer à la réponse inflammatoire, une étude contrôlée n'a pu prouver un effet anti-rhumatismal quelconque du sélénium. Le zinc a également été testé depuis longtemps dans la PR, sans succès.

Les acides gras

Les acides gras polyinsaturés ont un rôle anti-inflammatoire en intervenant sur le métabolisme de l'acide arachidonique. L'ingestion d'huile de poisson augmente la formation de prostacycline I3 (réduisant l'aggrégabilité plaquettaire) mais aussi de thromboxane et de leucotriène B5. Les effets cliniques, dans la PR, sont limités à une réduction modeste de la douleur avec augmentation de la force de préhension ; ils s'accompagnent d'une réduction des leucotriènes B4.

L'huile de primevère (evening primrose oil) augmente le taux sérique d'acide gammalinolénique dont le métabolite produit des prostaglandines E1 aux effets anti-inflammatoires puissants et bloque la voie des leucotriènes. Les premiers essais à faible doses et sur une période limitée à trois mois ont été décevants. Une étude sur 15 mois avec 540 mg d'acide gamma-linolénique par jour ou avec 450 mg associés à 240 mg d'acide eïcosapentaénoïque (huile de poisson) a montré des résultats significatifs dans ces deux groupes par rapport au groupe témoin traité par une huile inerte (huile d'olive).

M. Brzeski et coll. ont fait un travail similaire : 40 patients ayant une PR et des lésions gastro-intestinales dues aux AINS ont reçu pendant 6 mois, en double aveugle, soit 540 mg d'acide gammalinolénique (6 g d'huile de primevère) soit la même dose d'huile d'olive. Aucun malade n'a arrêté le traitement anti-inflammatoire mais trois ont réduit les doses dans chaque groupe. Si le groupe recevant de l'huile de primevère a noté une réduction significative de la raideur matinale à trois mois, le groupe traité par l'huile d'olive a présenté également une amélioration clinique significative à six mois. Ce qui fait envisager aux auteurs un effet bénéfique méconnu de cette huile bien que pouvant résulter d'un effet placebo. La PR serait-elle moins sévère en Italie ou en Provence ? Cette étude confirme en tout cas la modicité de l'intérêt thérapeutique de ces acides gras qui semblent réservés aux PR peu agressives.

Conclusion

Au total, il est certainement important d'étudier le régime alimentaire des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, de rechercher un éventuel allergène alimentaire à l'origine de poussées de la maladie, mais la mise en place de régimes pouvant être efficaces est certainement difficile et non sans conséquence à long terme et sur la tolérance aux médicaments classiques. L'utilisation des acides gras polyinsaturés mérite encore des études contrôlées mais peut être un adjuvant thérapeutique dans les formes peu sévères de la maladie.

Hervé Bard

Buchanan H. M. et coll. : "Is diet important in rheumatoid arthritis ? Occasional review". Br. J. Rheumatol., 1991 ; 30 : 125-134.

Brzeski M. et coll. : "Evening primrose oil in patients with rheumatoid arthritis and side-effects of non-steroidal anti-inflammatory drug. Preliminary report". Br. J. Rheumatol., 1991 ; 30 : 370-372.

Kjeldsen-Krag J. et coll. : "Controlled trial of fasting and one-year vegetarian diet in rheumatoid arthritis". Lancet, 1991 ; 338 : 899-902.

BARD HERVE

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