
Les angio-œdèmes bradykiniques (AOB) ou œdèmes angio
neurotiques héréditaires (OANH) sont liés à un déficit en C1
inhibiteur (C1 INH) du fait d’un défaut de production (type 1) ou
d’une anomalie fonctionnelle (type 2). Le C1 INH régule un
mécanisme de réponse à un traumatisme endothélial qui conduit à la
production de bradykinine via l’activation du facteur XII de la
coagulation et l’action de la kallicréine.
En l’absence de régulation par C1 INH, la bradykinine en excès
augmente la perméabilité vasculaire et conduit aux crises d’œdème.
L’AOB a une évolution imprévisible avec des œdèmes au niveau du
visage mais aussi du tronc, des mains, des pieds et, dans les
formes plus sévères, une atteinte des voies aériennes supérieures,
des douleurs abdominales avec des tableaux pseudo occlusifs, des
cystalgies, des œdèmes au niveau des organes génitaux externes etc
…
Le traitement des crises repose sur les concentrés de C1 INH
(Berinert®, Cinryze®) auto administrables à la dose de 20
U/kg. Les effets secondaires sont limités, la disparition des
signes est obtenue en 4 heures.
Autre approche, l’icatibant (Firazyr ®) est un décapeptide
synthétique, inhibiteur compétitif de la bradykinine pour le
récepteur B2 de l’endothélium vasculaire. Il est (auto) administré
par voie sous cutanée, la concentration maximale étant obtenue en
30 minutes. L’injection peut être renouvelée 6 heures plus tard.
Des réactions locales au point d’injection sont possibles. Il a une
AMM chez l’enfant de plus de deux ans mais est contre indiqué chez
la femme enceinte.
Le traitement de la crise peut donc se faire par les C1 INH ou
l’icatibant. Il est important que le patient dispose de deux
seringues d’avance. L’éducation du patient mais aussi de son
entourage est essentielle, le premier devant avoir en permanence
sur lui une « carte de soin et d’urgence ».
Les crises à traiter sont prioritairement celles qui
atteignent la face et la zone ORL (schématiquement toute
localisation « au-dessus des épaules ») et/ou qui comportent des
douleurs abdominales à plus de 5 sur l’EVA. La prise en charge doit
alors être la plus rapide possible.
Prévention des crises à court terme et prophylaxie à long terme
La prévention des crises dans le court terme (6 heures avant),
avant un geste chirurgical programmé ou en urgence, des soins
dentaires, une fibroscopie, un accouchement…repose sur les
concentrés de C1 INH.
A long terme, en traitement de fond, diverses options sont
possibles. Le danazol est la plus classique : il augmente la
synthèse hépatique du C1 INH et de C4. Son administration aboutit à
une diminution du nombre de crises de 84 %. Toutefois, il est
contre-indiqué chez l’enfant, chez la femme enceinte, en cas de
néoplasie et de facteurs de risque cardiovasculaire. Enfin, il a
des effets secondaires à type de virilisation.
Plus récemment a été proposé le lanadelumab (Takhzyro®), un
anticorps monoclonal ciblant la kallicréine plasmatique. Il est
utilisé dans la prévention des crises récurrentes en administration
sous cutanée toutes les 2 semaines, à partir de 12 ans. Il est
efficace dans tous les types d’AOB (1, 2 et à taux de C1 INH
normal). Le profil de tolérance est qualifié de favorable.
Enfin, le bérotralstat (Orladeyo®) est également un inhibiteur de
la kallicréine plasmatique administrable par voie orale, là encore
après 12 ans. Des effets secondaires digestifs ont été signalés. Il
n’est envisagé qu’en dernière intention.
Ce traitement de fond ne s’adresse qu’aux patients ayant au
moins une crise par mois et au moins 5 crises sévères par an ou
encore des crises retentissant fortement sur la qualité de vie. Là
encore l’éducation des patients est primordiale : identifier les
événements déclenchants, connaître les médicaments contre-indiqués
(IEC, œstro-progestatifs…) ou à éviter (gliptine, racécadotril..),
porter une carte de soins et d’urgence, mettre en place un PAI
(projet d’accueil individualisé) dans les établissements
scolaires.
Dr Marie-Line Barbet