Le recul des patients traités dans le bras imatinib de l’essai IRIS est désormais de 6 ans. Pour rappel, IRIS est l’essai qui a prouvé la supériorité de l’imatinib à 400 mg/j par rapport à l’association interféron + aracytine en première ligne dans la LMC-PC. A 6 ans, les sorties d’essai pour intolérance ou résistance à l’imatinib représentent respectivement 5 et 14 % des arrêts de traitement.
L’essai ENACT (Expanded Nilotinib Access Clinical Trial) fait suite aux essais de phase I et de phase II. Les inclusions se termineront prochainement suite à l’obtention de l’AMM en France du nilotinib. Cet essai inclut des patients en phase chronique, accélérée ou blastique de LMC, résistants ou intolérants à l’imatinib. Les objectifs sont d’approfondir les études de tolérance tout en permettant aux patients l’accès au médicament suite à la fermeture des essais précédents et, dans l’attente de l’AMM, puis de la mise à disposition du médicament.
Les critères définissant la résistance et l’intolérance sont stricts. Concernant la phase chronique, la résistance primaire ou secondaire (critères ELN + évolution clonale) doit persister malgré une augmentation de dose d’imatinib à au moins 600 mg/j pendant plus de 3 mois sauf en cas d’intolérance, de progression ou de mutations de bcr-abl très résistantes à l’imatinib. L’intolérance est définie par l’interruption ou la diminution de dose d’imatinib liées à des événements indésirables de grade 3 ou 4 ou bien de grade 2 persistants pendant plus de 1 mois ou récidivant au moins 3 fois. Le nilotinib est administré à la dose de 400 mg x2/j et l’augmentation de dose n’est pas autorisée.
Actuellement 1 400 patients sont inclus de par le monde et les résultats de tolérance présentés concernent les 592 premiers patients dont 456 en phase chronique (PC), 61 en phase accélérée (PA) et 75 en phase blastique (PB). Il faut souligner que ces patients ont une histoire hématologique extrêmement lourde, avec une durée d’évolution de la LMC de plus de 5 ans dans 31 à 62 % des cas selon la phase, et que 45 à 56 % des patients (selon la phase) ont antérieurement reçu de l’imatinib à 800 mg/j.
Les proportions de patients résistants et intolérants sont de 63 et 37 % en PC, 84 et 16 % en PA et 85 et 15 % en PB. A la date d’analyse, 80 % des patients en PC, 56 % des patients en PA et 36 % des patients en PB restent inclus dans l’essai. Les sorties pour événement indésirable sont rares. Les sorties d’essai pour progression de la maladie augmentent avec la phase de la LMC. Les doses de nilotinib réellement reçues par les patients sont très proches de la dose d’initiation (400 mgx2/j).
La tolérance extra-hématologique est satisfaisante et les événements indésirables sont surtout marqués par des céphalées, prurit et éruptions cutanées, hyperlipasémies et hyperbilirubinémie libre d’incidence comparable dans les 3 phases de la LMC et rarement de grade 3 ou 4. La toxicité hématologique en PC est respectivement de 21 et 14 % tous grades confondus (16 et 12 % pour les grades 3 et 4) pour les neutropénies et thrombocytopénies. La toxicité augmente logiquement mais raisonnablement en PA et PB.
Concernant nilotinib et cœur, 8 % des patients ont présenté un allongement de l’espace QT au-delà de 450 ms et moins de 1 % au delà de 480 ou 500 ms. Aucune torsade de pointe n’est survenue. Quatre morts subites sont survenues sur 1 381 patients dont 3 possiblement liées au nilotinib. Les 4 patients présentaient des antécédents cardiovasculaires particulièrement lourds et un des patients recevait en même temps une quinolone qui augmente la toxicité du nilotinib.
Pour conclure, la tolérance du nilotinib dans l’essai ENACT est comparable à celle retrouvée dans l’essai d’enregistrement de phase II. Le nilotinib est un traitement bien toléré (à court terme au moins) quelle que soit la phase si les règles de prescriptions sont respectées.
Dr Delphine Rea