
Interview du Dr Caroline Robert
Ces dernières années ont été marquées par de plusieurs
progrès thérapeutiques dans la prise en charge des tumeurs cutanées
malignes. A l’occasion de ce 27e congrès de l’EADV, le Pr Caroline
Robert, chef du service de Dermatologie de l’institut Gustave
Roussy, commente ces avancées et évoque pour nous les combats qu’il
reste à mener.
JIM.fr: Quel est l’épidémiologie actuelle des cancers
cutanés non mélaniques et des mélanomes ?
Dr Caroline Robert: Cela ne change pas tellement. Les
cancers basocellulaires dominent toujours largement. Tout au plus
peut-on noter un léger tassement de l’augmentation de l’incidence
des mélanomes.
JIM.fr : Quelles nouveautés dans la prise en charge
?
Dr Caroline Robert : En ce qui concerne les
carcinomes basocellulaires localement avancés, une étude (Laurent
Mortier et coll.) montre l’intérêt de donner le vismodegib en
traitement néoadjuvant pour réduire la taille de la tumeur avant
d’opérer.
Pour les carcinomes épidermoïdes localement avancés ou
métastatiques, ce qui est à noter est le développement, là aussi,
des anti PD1. Le cemiplimab, en particulier, est très prometteur.
Il a été évalué dans deux essais cliniques dont les résultats ont
été présentés au dernier congrès de l’ASCO. Et ce médicament
devrait obtenir rapidement l’AMM européenne. Le taux de réponse est
de plus de 40 %, ce qui est inespéré car jusqu’ici dans cette
indication, on n’avait rien de bien efficace. Or il faut arrêter de
penser que le carcinome épidermoïde cutané n’est pas dangereux. Je
vois trop de vieux messieurs chauves avec des carcinomes
épidermoïdes importants sur la tête et des métastases
ganglionnaires. Il ne faut pas négliger la prévention : traiter
leurs kératoses et qu’ils portent des chapeaux !
Dans les carcinomes à cellules de Merkel, l’avélumab,
anticorps anti-PDL1 pour lequel il y a une ATU (Autorisation
Temporaire d’Utilisation) donne de bons résultats. Mais aussi les
anti PD1, pembrolizumab et nivolumab. Les réponses sont encore plus
fréquentes en première ligne avec environ 50 à 60 % de réponses sur
une population de patients généralement âgés.
Des résultats encourageants et quelques échecs
Pour les mélanomes, il y a eu aussi de grandes avancées dans
les traitements adjuvants ces dernières années, qu’il s’agisse des
thérapies ciblées ou des immunothérapies. Il y a eu plusieurs
publications dans le New England Journal of Medicine
notamment, rapportant leur efficacité, en terme de bénéfices sur la
survie sans récidive, du pembrolizumab par rapport au placebo et du
nivolumab par rapport à l’ipilimumab. On a aussi des résultats très
encourageants avec des combinaisons de traitements ciblés en
adjuvant qui montrent même un effet positif sur la survie globale
après 3 ans et plus, alors qu’on pouvait craindre des récidives à
l’arrêt car le traitement adjuvant n’est donné que pendant 1
an.
JIM.fr: Quel dépistage ? Systématique, ciblé…
Dr Caroline Robert : Non le dépistage ne doit pas
être systématique mais ciblé sur les populations à risque. Encore
faut-il que les patients s’identifient comme tels et se fassent
examiner régulièrement. Je les encourage aussi à se photographier.
Il y a eu aussi de belles études récemment avec l’utilisation de
l’intelligence artificielle pour le dépistage des mélanomes. C’est
intéressant.
JIM.fr: D’autres molécules à venir ?
Dr Caroline Robert : Un traitement qui semble
avoir le vent en poupe, ce sont les injections intratumorales
d’agonistes de TLR9 (Toll-like receptor 9) en combinaison avec
l’immunothérapie pour les mélanomes résistants aux anti-PD1 en
monothérapie.
On attend aussi avec impatience les résultats de l’étude de
phase III évaluant l’association de l’anti-PD1 pembrolizumab avec
le virus oncolytique Tvec en injection intra tumorale.
Les plus importants challenges sont les patients avec de
nombreuses métastases cérébrales ainsi que ceux qui ont des taux de
LDH élevés. Pour ces patients, la révolution thérapeutique n’est
pas encore arrivée. De même, nous sommes encore très démunis quand
les patients sont devenus résistants aux thérapies ciblées et aux
immunothérapies. De nouvelles molécules (autres inhibiteurs de
checkpoint comme anti-Lag-3, en combinaison avec des agents ciblés,
avec l’interleukine 1…) sont testées, le plus souvent en
association avec les anti-PD1 pour ces patients en échec de
traitement,
Il y a aussi le microbiote. La greffe fécale, les patients
nous en parlent….
Donc beaucoup de progrès et beaucoup d’attentes et de défis
encore pour la prise en charge des tumeurs cutanées malignes.