La resténose reste le problème essentiel sur lequel buttent toutes les techniques de revascularisation, à commencer par l'angioplastie par ballonnet. Si les voies de recherche sont multiples, les résultats ont été jusqu'ici le plus souvent négatifs ou contradictoires, et nous ne disposons d'aucune arme à opposer à ce phénomène. Les lipides constituent toutefois un axe de recherche important, par leur participation dans le matériel constituant la resténose, mais aussi par leurs interactions complexes avec les mécanismes de coagulation, les plaquettes et les fonctions endothéliales.
Après angioplastie coronaire
Deux études sont notamment parues simultanément sur ce sujet. La première s'est intéressée au devenir de 68 patients ayant subi avec succès une angioplastie coronaire conventionnelle. Le cholestérol total, LDL, VLDL et HDL ainsi que la Lp(a), le fibrinogène, le tPA et l'inhibiteur d'activateur du plasminogène ( PAI ) ont éte dosés avant angioplastie. Les malades ont été recontrôlés dans les 9 mois de suivi uniquement si une récidive ischémique clinique survenait.
Une resténose a ainsi pu être documentée par angiographie chez 28 patients, les 40 restants étant considérés comme non resténosés devant l'absence de signes cliniques et une scintigraphie au thallium d'effort normale.
L'analyse multivariée a retenu comme facteurs prédictifs de resténose les taux de HDL cholestérol et de PAI avant intervention.
Resténose et athérome accéléré : des liens
Une resténose est ainsi survenue chez 64% des patients ayant un HDL initial inférieur à 0,4 g/l, et n'a touché que 17% des sujets dont le HDL excédait 0,4 g/l. De plus le délai moyen avant resténose a été de 3,6 mois quand le HDL était inférieur à 0,4 g/l contre 6,3 mois dans le cas contraire.
Les mêmes constatations ont été effectuées avec le PAI, aussi bien concernant la fréquence que le délai de resténose, mais de façon moins marquée, bien que significative également. Curieusement, les variations du PAI étaient inverses de ce que l'on pouvait s'attendre à trouver, puisque les valeurs les plus basses ont été observées en cas de resténose et que les paramètres classiquement considérés comme athérogènes (LDL, VLDL et Lp(a)) n'étaient en revanche pas corrélés à la resténose.
Ces constatations sont donc en faveur d'une parenté entre la resténose et l'athérome accéléré et encouragent à poursuivre les études de prévention de resténose par intervention lipidique, que ce soit par les huiles de poisson ou les inhibiteurs de l'HMG CoA réductase, certains travaux quoique sujets à discussion ayant dans les deux cas donnés des résultats encourageants.
On regrettera simplement un biais potentiel dans cette étude lié à l'absence de contrôle coronarographique systématique de tous les patients à 6 mois, quand on connaît la faible sensibilité des examens y compris les tests ergométriques pour dépister la resténose.
Cicatrisation après endartériectomie
La seconde étude a concerné la cicatrisation après endartériectomie carotidienne, intéressant environ 20% des sujets opérés, et qui réalise un modèle d'hyperplasie intimale et d'athérome accéléré à vrai dire proche de la resténose après angioplastie.
Vingt patients atteints de resténose précoce dans les deux premières années post-opératoires ont été comparés à 20 autres malades appariés non resténosés.
Les différentes sous-fractions du cholestérol ont été étudiées, ainsi que les apoprotéines.
Les patients avec resténose avaient un taux significativement plus élevé de cholestérol total et de VLDL avec une tendance non significative pour le LDL. De même, les resténoses étaient associées à des taux de HDL significativement plus bas.
Si les taux de LDL n'étaient pas significativement plus importants, l'apo B était en revanche plus élevée en cas de resténose et les particules de LDL plus petites.
HDL et apo B comme facteurs "prédictifs"
En analyse multivariée, les facteurs "prédictifs" de resténose les plus puissants étaient le HDL et l'apo B, ceux-ci ayant permis une prévision correcte chez 15 patients avec resténose et 17 sujets indemnes.
Ce travail fait également ressortir le caractère athérogène des LDL de petite taille riches en apo B, ainsi que de l'allèle E4 retrouvé en excès parmi les patients resténosés.
Ces deux études apportent donc des argument solides quant au rôle des lipides dans la resténose quel que soit le vaisseau étudié. Ces mêmes lipides étant nettement impliqués dans la progression des lésions athéromateuses, mais aussi dans l'athérome sur pontage aorto-coronaire. Il apparaît donc hautement recommandable, dans l'attente de médicaments spécifiques de la resténose, de concentrer nos efforts sur la réduction drastique de ce facteur de risque, bien connu mais souvent négligé.
Shah P.K. et coll. : "Low high density lipoprotein level is associated with increased restenosis rate after coronary angioplasty". Circulation, 1992 ; 85 : 1279-1285.
Colyvas N. et coll. : "Relation of plasma lipid and apoprotein levels to progressive intimal hyperplasia after arterial endarterectomy". Circulation, 1992 ; 85 :1286-1292.
Eric Tison