
Rouen, le samedi 3 décembre 2016 – Plusieurs travaux ont récemment confirmé les conséquences néfastes de l’exposition récurrente des cardiologues interventionnels à des rayonnements ionisants, celle-ci pouvant facilement dépasser les seuils limites.
Les mesures de protection utilisées se révèlent parfois insuffisantes et difficile à suivre, notamment car les lourds tabliers de plomb sont loin d’être confortables et sont responsables de troubles musculo-squelettiques. Alors que la sécurité des radiologues s’est améliorée ces dernières années, concernant les cardiologues interventionnels, la situation apparaissait plus complexe en raison de la nature du geste à réaliser. Pourtant, la robotisation et les progrès réalisés dans le guidage à distance de différents appareils chirurgicaux ont laissé entrevoir au radiologue Philippe Bencteux la possibilité de créer un nouveau dispositif.
De la première intervention de téléchirurgie à R-One
L’idée s’est définitivement imposée à lui quand il a assisté en 2001 à un exploit très médiatisé: la première opération mondiale de téléchirurgie. La patiente se trouvait à Strasbourg et le praticien le Professeur Jacques Marescaux avait procédé à l’ablation de sa vésicule biliaire depuis New York. En assistant à cette intervention, le docteur Philippe Bencteux avait songé que ces système pourrait être adapté au cathétérisme artériel. Avec l’appui de l’Esigelec, école d’ingénieurs de Rouen, il commence la conception en 2004 d’une première maquette. Depuis, le dispositif a été constamment amélioré et les tests réalisés chez l’animal ont été concluants (des essais précliniques de sécurité et d’efficacité les complèteront l’année prochaine). Son principe est ainsi résumé sur le site de l’entreprise Robocath fondée en 2009 par le docteur Bencteux : « Grâce au robot télémanipulateur, le médecin est assis derrière un cockpit, voit le patient, mais travaille à quelques mètres de lui ». La "navigation" dans les artères du patient est réalisée par l’intermédiaire de joysticks qui offrent la possibilité de mouvements combinés de translation et de rotation.
Des bénéfices pour les praticiens et les patients
Les bénéfices assure Robocath seraient nombreux tant pour les praticiens que pour les patients. Les premiers voient leur exposition aux rayonnements ionisants considérablement réduite grâce à l’éloignement du système d’angiographie. Par ailleurs, d’utilisation simple, le système permet un chargement rapide des cathéters. Ces éléments constituent pour le patient le gage d’une précision accrue et également d’une diminution de la dose d’iode injectée. « Le cardiologue est moins stressé et son geste plus précis. Il peut évaluer les lésions et mesurer par l’intérieur la longueur du rétrécissement de l’artère avec plus de précision qu’avec la projection en deux dimensions », précise Philippe Bencteux sur le site de l’Usine nouvelle.
D’une manière plus globale, le fondateur de Robocath considère que ce type de dispositif doit pouvoir contribuer au développement de l’angioplastie. Confiant dans la réussite de son projet, Philippe Bencteux a conduit plusieurs levées de fonds, qui lui ont permis de réunir la somme de 10 millions d’euros. Il a notamment reçu le soutien de la Région Normandie, de NCI Gestion, de Go Capital et de la Bpifrance. Aujourd’hui, il entre dans la phase d’industrialisation de son robot avec l’objectif d’une commercialisation à partir du printemps 2017. Son souhait est de sensibiliser les responsables des milliers de salles de cathétérisme à travers le monde.
Le prix facteur limitant
Quelques obstacles pourraient cependant freiner ce projet. D’abord dans un contexte de difficultés budgétaires pour de nombreux établissements, il n’est pas sûr que beaucoup soient prêts à débourser les 250 000 à 300 000 euros du dispositif ! « Pourtant, les incidences économiques de la robotisation du cathétérisme seraient très positives en favorisant le traitement ambulatoire, micro-invasif des patients, et en diminuant les pathologies du personnel soignant liées à l’irradiation et au port du tablier plombé » observe pour le JIM Philippe Bencteux. Il n’est cependant pas impossible qu’à l’instar d’autres entreprises françaises dédiées à la technologie médicale, Robocath puisse trouver ses premiers acheteurs à l’étranger. Philippe Bencteux est en tout état de cause conscient de cette dimension économique et vise initialement la vente d’une dizaine de robots par an. L’appropriation du système par les cardiologues interventionnistes sera également un défi, « même si la courbe d’apprentissage semble rapide » promet Philippe Bencteux.
Aurélie Haroche