Entre 5 et 20 % des patients traités par antibiotiques présenteront des troubles digestifs, et notamment une diarrhée, du fait du traitement. Cet effet est connu depuis très longtemps et souvent prévenu ou traité par les levures probiotiques. A juste titre semble-t-il puisqu’une méta-analyse réalisée sur 10 études a montré que la levure Saccharomyces boulardii CNCM I-745 réduisait de moitié le risque de diarrhée associée aux antibiotiques.
Une équipe états-unienne a voulu en savoir plus, notamment sur les changements qui se produisent au sein du microbiote intestinal au cours des traitements antibiotiques. Quatre groupes de patients ont été constitués. Les uns recevaient S. boulardii seul pendant 14 jours, les autres de l’amoxicilline/acide clavulanique seul pendant 7 jours, le troisième groupe de l’amoxicilline/acide clavulanique et S. boulardii, et enfin, le 4ème groupe ne recevait aucun traitement (groupe témoin). Le traitement antibiotique seul est marqué par des modifications significatives du microbiome, qui persistent alors même que le traitement est interrompu. Chez les patients sous antibiotique présentant une diarrhée, la sévérité de celle-ci augmente au cours du traitement en parallèle avec l’augmentation de la prévalence des Escherichia/Shigella dans les selles. L’analyse des selles du 3ème groupe montre que la prise de S. boulardii prévient de manière significative ces modifications du microbiome, et notamment l’augmentation des Escherichia/Shigella, évitant ainsi l’apparition de la diarrhée.
La même équipe s’est intéressée au risque d’infection à Clostridium difficile, dont l’incidence a triplé, voire quadruplé, au cours de la dernière décennie et qui est devenue la première cause de décès par infection intestinale en Europe et aux USA. S. boulardii, administré en prévention chez des patients ayant des antécédents d’infection à C. difficile, réduit de 46 % le risque de récurrence, mais seulement chez des patients ayant déjà eu au moins une récurrence.
Ces résultats étaient présentés par le Pr C. Kelly lors d’un symposium Biocodex au Congrès de l’UEGW à Vienne. Le Pr C. Boggio Marzet a rapporté, quant à lui, les résultats d’une enquête réalisée auprès de 1 670 médecins, généralistes, gastroentérologues et pédiatres de 10 pays (Argentine, Pérou, Espagne, Italie, Hongrie, Maroc, Turquie, Pakistan, Inde et Chine), première étude internationale sur la sensibilisation des médecins à l’intérêt des probiotiques. Il apparaît que, si la majorité des praticiens s’estiment bien informés sur le sujet des probiotiques, beaucoup n’ont pas une idée très claire de la définition des probiotiques, qu’ils classent comme des bactéries plutôt que comme des levures. La méconnaissance pour certains des souches qui ont prouvé leur efficacité semble un obstacle à la prescription, mais les données révèlent toutefois que la moitié des médecins interrogés recommandent les probiotiques en cas de diarrhée aiguë et en cas de diarrhée associée aux antibiotiques.
Outre le côté purement médical, cette attitude se justifierait d’un point de vue économique. De précédents travaux ont montré que les complications des traitements antibiotiques ont un coût financier non négligeable. Le symposium offrait aussi au Dr S. Vermeersch une tribune pour présenter les résultats d’une étude évaluant l’impact économique de l’utilisation de S. boulardii en prophylaxie de la diarrhée induite par les antibiotiques. Le constat est assez convaincant puisqu’en considérant un risque absolu de 9,6 % de diarrhée post antibiothérapie en l’absence de prévention, le traitement prophylactique permet une économie de plus de 50 000 euro pour 1000 patients traités et éviterait 50 cas de diarrhée post antibiotiques, dont 3 cas d’infections à C. difficile.
Dr Roseline Péluchon