
Le 8 octobre 2013, le conseil d’état rendait un avis défavorable à l’ouverture « d’une salle de consommation à moindre risque » (ou salle de shoot). Le sujet est d’autant plus politisé et délicat que nous sommes en période d’élections municipales, et cette décision n’a pas manqué d’être commentée par les candidats à la mairie de Paris en 2014, de tous les côtés de l’échiquier politique (voir le jim, Le Conseil d’Etat tacle les salles de shoot). Loin de ces polémiques, l’aspect scientifique du problème n’a pas été évoqué dans les médias, pour ce qui reste avant tout un dispositif thérapeutique. Au cours du dernier Congrès Français de Psychiatrie, s’est tenue une session présidée par le Dr Gaël Dupuis (hôpital Fernand-Widal, Paris) afin d’explorer l’aspect épidémiologique des bénéfices attendus sur le plan individuel et collectif des salles de consommation à moindre risque, à partir des expériences menées à l’étranger et présentées dans la littérature médicale.
P. Polomoni (CHU Paris Seine Saint-Denis) a présenté les publications évaluant les bénéfices et les risques individuels de ces lieux. A noter que ces publications sont peu nombreuses (environ 200), dont la moitié provenant de l’équipe de Vancouver. La donnée la plus robuste concerne la réduction du risque d’overdose (1). D’une manière générale, les salles d’injection permettent une meilleure prévention des risques sanitaires chez ces patients, en particulier pour les pathologies infectieuses locales. Par ailleurs, ce mode de consommation, qui doit s’intégrer dans une offre de soins plus large, permet un premier contact et un meilleur accès aux soins pour les usagers de drogue.
F. Dubois-Arber (centre hospitalier de Lausanne où sont ouvertes des salles d’injection depuis les années 1980), a présenté les publications évaluant les bénéfices et les risques en termes de santé publique. Le décompte du nombre de seringues utilisées permet de confirmer que les salles d’injection ne recrutent pas de nouveaux consommateurs, et s’adressent bien à la population ciblée. Mais on ne peut pas affirmer avec certitude que les salles de consommation conduisent à une diminution des infections virales, telles que le VIH (2). Dans les quartiers où sont implantées des salles de shoot, il est rapporté par les riverains moins de « scènes de drogue », et il n’y a pas d’augmentation de la délinquance liée à la consommation de drogue.
Sur le plan épidémiologique, les salles de consommation à moindre risque remplissent leurs objectifs, rappelés par P.Polomoni : « de maintien des usagers de drogue en vie, d’engagement dans un contrat de soin, et de socialisation ». Elles ne semblent pas avoir d’effet pervers sur le plan de la santé publique.
En fin de session, E. Avril, directrice de Gaïa-Paris, qui mène depuis 3 ans le projet de l’ouverture d’une telle salle à Paris est revenue sur les derniers évènements. Elle a rappelé l’énergie et l’implication engagées dans le projet par Gaïa-Paris, notamment par les actions d’informations délivrées auprès des riverains, qui n’étaient pas défavorables selon elle au projet, comme cela avait été relayé dans la presse. Elle espère que ce dernier rebondissement juridique permettra de protéger le projet sur le plan légal après la rédaction d’une loi spécifique concernant les salles de shoot dans le code de santé public, qui devrait être votée après les élections municipales.
Dr Alexandre Haroche