Le VX-745 (neflamapimod) vise spécifiquement l'inflammation cérébrale et ses effets sur la fonction neuronale, processus critiques de la progression de la maladie d'Alzheimer (MA) symptomatique. Cette petite molécule inhibe de façon hautement spécifique la p38 mitogen-activated protein kinase (MAPK) α. Chez l’individu sain, la p38α régule l'inflammation cérébrale par ses effets au sein de la microglie et des astrocytes. En conditions pathologiques ou de stress, elle est également exprimée dans les neurones, où elle joue un rôle critique dans la toxicité synaptique induite par l'inflammation.
Des inhibiteurs spécifiques de la p38α ont donné des résultats positifs dans des modèles animaux de la MA, sur les déficits d’apprentissage spatial et la réduction de la pathologie amyloïde cérébrale. Le VX-745 vient de faire l’objet d’études cliniques de phase 2a (études 202 et 303) chez des patients atteints de MA précoce.
Des patients de 60 à 85 ans atteints d’un déficit cognitif léger (MCI) du à la MA ou de MA légère, ayant un score MMSE (Mini-Mental State Examination) de 20 à 28, et présentant une charge amyloïde cérébrale élevée en TEP, sont randomisés à 40 mg ou 125 mg de neflamapimod deux fois par jour pendant 12 semaines (étude 302) ou 6 semaines (étude 303). Au total, 25 patients sont inclus pour les 2 études : 16 dans l’étude 302 (9 à 40 mg et 7 à 125 mg), et 9 dans l’étude 303 (8 à 40 mg et 1 à 125 mg).
Le traitement est bien toléré et aucun effet indésirable sévère ou sérieux n’est observé. D’après les analyses pharmacocinétiques, la dose de 40 mg permet d’atteindre des concentrations plasmatiques maximales du médicament 2 à 3 fois plus élevées que l’IC50 pour l'inhibition de la p38α, et qui sont environ multipliées par 2 à 125 mg.
Dans l’étude 302, après 12 semaines de traitement par le neflamapimod, la dose de 40 mg résulte en une diminution de la charge amyloïde cérébrale mesurée par TEP dynamique quantitative utilisant comme marqueur le [11C]PiB. Trois des 8 patients présentent une réponse supérieure au critère spécifié de réduction de 7 % (-11,6 %, -11,9 % et -40 %), et 2 patients sont entre 3 et 7 % de réduction. Un patient traité à 125 mg répond aussi au critère (-7,1 %).
Une amélioration médiane du MMSE est aussi observée, uniquement dans le groupe 40 mg (+ 1,5). Les scores moyens de rappel immédiat sur l’échelle de mémoire de Wechsler (WMS) augmentent de 48,4 (+/- 3,8) au début de l’étude à 58,4 (+/- 4,3) au jour 84 (n = 15 ; p = 0,005 ; test de Wilcoxon). Les scores moyens de rappel différé s’accroissent de 13,2 (+/- 2,3) à 22,1 (+/- 4,1) (p < 0,001). Sept des 8 patients du groupe 40 mg et 6 des 7 du groupe 125 mg présentent une amélioration du score composite de rappel immédiat; 8 patients du groupe 40 mg et 6 du groupe 125 mg montrent une amélioration du score composite de rappel différé.
Dans l’essai 303, le score de rappel au test d'apprentissage verbal de Hopkins - révisé (HLVT-R) augmente après traitement de 19,1 (+/- 1,5) à la ligne de base à 22,6 (+/- 2,1) à la semaine 6 (p = 0,029, p = 0,015 pour l'amélioration). Celui de rappel différé augmente de 5,4 (+/- 0,6) à 7,5 (+/- 1,1) (p = 0,055 ; p = 0,028 pour l'amélioration). L'augmentation médiane du score de rappel total est de 4,5 (intervalle : -2,5 à +9,5), avec un seul sujet ayant une diminution au cours du traitement. Le score MMSE est amélioré en moyenne de 0,5 (+/- 0,7) et en médiane de 1,0 point.
L’IL-8 du LCR, la seule de 9 cytokines étudiées à être quantifiable à tous les temps, se trouve diminuée (p < 0,001) chez les 3 sujets ayant les concentrations plasmatiques les plus élevées en médicament. Une tendance concentration dépendante à l’augmentation des peptides Aβ plasmatiques est observée chez ces 3 sujets.
Au final ces résultats sont suffisamment encourageants pour justifier une prochaine étude sur des critères cliniques cognitifs, estime le Pr Philips Scheltens, principal investigateur et directeur du Centre Alzheimer au VU Medical Center à Amsterdam.
Dominique Monnier