
Paris, le samedi 18 octobre 2014 – « Ce n’est pas parce qu’on aime quelqu’un qu’on peut le sauver » assène gravement l’aide soignante. La femme qui reçoit cette petite leçon en forme de condamnation, Die (Anne Dorval) refuse de s’y soumettre. Elle sauvera son fils de lui-même quoiqu’il lui en coûte. Cet adolescent Steve (Antoine-Olivier Pilon) souffre d’hyperactivité avec trouble de l’attention : une maladie qui le pousse souvent dans des accès de violence. C’est ainsi que lorsque « Mommy », le dernier film de Xavier Dolan s’ouvre, il vient d’être renvoyé de l’internat psychiatrique où il était accueilli pour avoir mis le feu au réfectoire. Le film est le récit d’une tentative de sauvetage : Die va tout mettre en œuvre pour débarrasser son fils de ses démons, tenter de l’insérer dans une autre vie. Malgré l’aide d’une voisine effacée mais efficace face aux crises de Steve, la tâche est profondément difficile et plusieurs fois la sentence de l’assistante sociale revient à la mémoire de Die. Cette dernière n’abandonne pas, préférant l’illusion de ses rêves (une scène la montre imaginant Steve, guéri et devenant un mari et un père idéal) plutôt que de renoncer à tenter de le sauver.
Sculpture
On trouve ainsi souvent sur son chemin des êtres que rien ne pourra libérer de leurs douleurs, de leurs souffrances, de leurs errances (surtout lorsque l'on est un professionnel de santé !) Ainsi était Camille Claudel, une idole emprisonnée dans la folie. Une nouvelle fois, le sculpteur au destin magnifique et tragique, sœur du grand écrivain et maîtresse du grand sculpteur (Rodin), est l’héroïne d’une œuvre d’art. Marie Montegani met en scène la vie et la folie de Camille Claudel à partir d’un texte de Sophie Jabès. Le dispositif choisi par le metteur en scène permet-il de sauver Camille de l’image d’Epinal que l’on se fait de cette jeune femme désespérée et errante ? Pas si sûr, tant les déséquilibres, les fêlures, les incohérences sont présentes dans le discours de la Camille Claudel mise en scène au Lucernaire. Mais le spectacle est sauvé par le choix de faire s’alterner trois voix, trois comédiennes différentes, interprétant Camille à des âges différents et qui mettent en lumière les fractures de son existence et de sa personnalité.
Gageure
« Ce n’est pas parce qu’on aime quelqu’un qu’on peut le sauver » : la petite phrase sentencieuse semble parfaitement s’appliquer à la mère tentant désespérément d’aider son fils, mais également à ces praticiens qui se jettent à corps perdu dans la défense de la médecine et de l’hôpital tels qu’ils devraient selon eux demeurer. Jean-Louis Dupond, professeur de médecine interne et ancien chef de service au CHU de Besançon aime profondément la médecine et assiste avec hantise à sa mutation, à ses dérives. Il ne sait comment l’empêcher de tomber dans un gouffre où la clinique sera sacrifiée sur le temple de "l’evidence based medecine" ou des progrès techniques. Pour mener à bien son entreprise de sauvetage, il a choisi l’humour, un roman pamphlet intitulé "Et la clinique bordel". Ici, le personnage principal, un certain professeur Duroc, atteint d’une mystérieuse maladie, doit cependant tout mettre en œuvre pour sauver le bon fonctionnement de son service… menacé notamment du déclin de la clinique. Aussi, réformer les études de médecine devient son obsession. C’est alors que des idées pour le moins farfelues naissent dans son esprit pour réformer et sauver la pédagogie médicale.
Blessure
Demeurons à l’hôpital et dans le farfelu avec les dessins de Pierre Déalet, plus connu sur le web sous le nom de "Patfawl". Ce jeune auteur de bande dessinée de 25 ans s’est fait remarquer sur le net avec de nombreux dessins, croquant l’actualité, avec un humour souvent potache. Il est également à l’origine d’un album intitulé "Carnets de santé" où il met en scène l’univers hospitalier, vu de l’œil des patients (il a lui-même beaucoup fréquenté les hôpitaux en raison de problèmes orthopédiques, d’où son pseudonyme). Sous les traits féroces de Patfawl, il semble qu’il n’y ait pas grand-chose à sauver des arcanes hospitalières où les défauts des patients, des médecins et des infirmières sont croqués sans aucune nuance.
Sauve qui peut !
Cinéma :
« Mommy », de Xavier Dolan, sortie le 8 octobre, 2h18.
Théâtre :
« Camille Claudel », texte de Sophie Jabès, mise en scène de Marie Montegani, théâtre Lucernaire jusqu’au 22 novembre 2014, 53, rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris
Livre :
« Et la clinique bordel » de Jean-Louis Dupont, éditions Graine d’auteur, 19 euros .
Bande dessinée :
« Carnets de santé », Patfawl, éditeur Grr…art, 48 pages, 10 euros
Aurélie Haroche