
Le principal obstacle au traitement de la tuberculose est
la mauvaise observance. Celle-ci est favorisée par la
nécessité de la prise de plusieurs médicaments par jour sur une
longue durée et par le type de patients le plus souvent concernés
(sans abri, immigrés, prisonniers, usagers de drogues …). Cette
mauvaise observance peut être à l’origine de rechute, d’émergence
de mycobactéries multi-résistantes et de transmission de la
maladie.
Pour tenter d’améliorer l’observance, l’OMS recommande depuis
le milieu des années 90 d’adopter la pratique du traitement sous
observation directe (TOD). Elle consiste à faire prendre les
médicaments devant un professionnel de santé ou un travailleur
social tous les jours ou plus souvent 3 à 5 jours par semaine. Si
cette méthode a prouvé son intérêt en termes de contrôle de
l’infection, elle est loin d’être infaillible car de nombreux
patients abandonnent ce protocole au fil des semaines en raison de
sa lourdeur impliquant des trajets quotidiens lorsque la prise
médicamenteuse a lieu dans un centre de santé. De plus ce type de
prise en charge implique des dépenses importantes de personnels et
de transport.
Sur la base d’études pilotes ou d’études de cohorte aux
résultats encourageants, une équipe londonienne a testé dans le
cadre d’un essai randomisé une méthode alternative à la TOD, la TOV
pour traitement sous observation vidéo.
Un smartphone prêté au patient
Dans ce travail, la TOV était réalisée grâce à un smartphone
prêté aux patients et à une application dédiée permettant
l’enregistrement de la vidéo sous forme d’un clip pouvant être
contrôlé par l’équipe médicale de façon asynchrone. Au total,
226 patients éligibles à un TOD ont été recrutés dans 22 centres
anglais. N’étaient exclus que les sujets atteints de tuberculose
multi-résistante (car devant parfois prendre leur médicaments deux
fois par jour) et ceux qui ne pouvaient recharger le
smartphone.
Malgré cette sélection, ces malades étaient représentatifs de
la population devant recevoir un traitement antituberculeux en
Grande Bretagne. Ainsi, la plupart n’étaient pas nés dans le pays,
près de la moitié avaient été sans abri, emprisonnés, toxicomanes,
alcooliques ou avaient souffert de troubles
psychiatriques.
Ces patients ont été randomisés entre un TOD 3 à 5 fois par
semaine et un TOV quotidien.
Le critère principal de jugement était un taux de
visualisation du traitement de plus de 80 % dans les deux mois
suivant la randomisation par rapport aux prises de médicaments
programmées.
Sur ce critère le TOV s’est révélé très supérieur au TOD avec
en intention de traiter un taux d’observation de plus de 80 % chez
70 % des patients contre 31 % avec l’observation directe (p <
0,0001). De plus, au long cours, l’observance du protocole TOV a
été nettement meilleure que celle du protocole TOD. Il n’y a pas eu
de différence en termes de taux de positivité des cultures
d’expectoration à 2 mois entre les deux groupes (le nombre de
patients inclus étant probablement trop limité pour constater une
différence sur ce point). Le temps passé par les équipes médicales
à contrôler les traitements n’a été que de 3,2 minutes par prise
médicamenteuse dans le groupe vidéo contre 56 minutes si le
contrôle était effectué au domicile du patient et 15 minutes si le
contrôle était réalisé au centre. En terme médico-économique le
contrôle vidéo s’est révélé 2 à 3 fois moins cher que le contrôle
par observation directe.
Pour la petite histoire, environ 40 % des patients du groupe
TOV n’ont pas rendu leur téléphone en fin d’étude
!
Une solution à adopter
Malgré quelques problèmes techniques de transmission, le
contrôle non synchrone du traitement par clip vidéo semble donc
réalisable dans la grande majorité des cas, nettement plus efficace
que le contrôle direct et plus économique. Il pourrait donc être
adopté dès maintenant pour la grande majorité des patients
éligibles à un TOD dans les pays développés.
Dr Anastasia Roublev