
Le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques) a été défini par le consensus de Rotterdam par la présence, après exclusion des tumeurs sécrétant des androgènes, du syndrome de Cushing et du déficit en 21 hydroxylase, de 2 au moins des 3 critères suivants : (i) oligoménorrhée (<6-8 cycles/an), (ii) hyperandrogénie clinique (hirsutisme) et/ou biologique, et (iii) aspect multifolliculaire des ovaires à l’échographie (plus de 20 microfollicules ou surface supérieure à 8cm²), le dosage de l’hormone anti-müllerienne (AMH) pouvant depuis 2023 être utilisée à la place de l’échographie, très opérateur-dépendante.
Il est important de noter qu’en présence de cycles menstruels irréguliers et de signes d’hyperandrogénie, le diagnostic est simplifié et l’échographie (ou l’AMH) ne sont pas nécessaires pour le diagnostic puisque deux critères suffisent. Ceci est particulièrement pertinent chez les adolescentes, âge auquel l’échographie et l’AMH ne sont pas recommandées en raison de leur faible spécificité.
Les spécificités de l’adolescente
L’oligoménorrhée peut être difficile à affirmer chez l’adolescente car la majorité d’entre elles ont, pendant les deux premières années suivant les premières règles, un cycle de 20 à 40 jours. Dans ces conditions, la positivité de ce critère repose sur la présence de :
-un seul cycle de plus de 90 jours 1 an après les premières règles,
-ou de cycles de plus de 45 jours, entre 1 et 3 ans après les premières règles,
-ou de cycles habituellement de plus de 35 jours 3 ans après les premières règles,
-ou d’une aménorrhée primaire à l’âge de 15 ans ou qui apparait plus de 3 ans après les premières règles.
La question se pose, dans ce cadre du diagnostic de SOPK, au cours de la transition pubertaire, de telle sorte que la valeur et le moment optimal pour l’évaluation et le diagnostic de SOPK chez les adolescentes présentant des cycles menstruels irréguliers doivent être discutés avec la patiente et ses parents ou tuteurs, en tenant compte des difficultés diagnostiques à ce stade de vie et des facteurs psychosociaux et culturels.
Avantages et risques d’un diagnostic trop précoce
Le diagnostic de SOPK peut est préjudiciable du fait de la réversibilité potentielle des troubles du cycle et de l’amélioration des signes d’hyperandrogénie (qui peuvent être transitoires) ainsi que de la connotation négative du SOPK, avec stigmatisation de l’hirsutisme et du surpoids.
Pour les adolescentes ne présentant qu’un seul critère diagnostique, une réévaluation est conseillée au plus tard à la pleine maturité reproductive (8 ans après la ménarche), avant le début de la prise de pilule contraceptive orale combinée, en cas de prise de poids majeure, ou en cas de persistance d’un des critères cliniques.
Dans ce contexte, il peut être intéressant de définir un ‘risque accru’ de développer un SOPK en présence d’un seul critère diagnostique, d’un contexte familial de SOPK, d’insulinorésistance ou de diabète ; d’antécédents personnels (poids de naissance, prématurité, pubarche prématurée) ou d’un contexte épigénétique.
A contrario, le diagnostic de SOPK pourrait ne pas être préjudiciable du fait de la réversibilité des troubles par une prise en charge précoce en régularisant le cycle menstruel, en prescrivant une pilule estroprogestative et/ou un anti-androgène. Lorsque c’est le cas, l’actualisation 2023 des critères de Rotterdam demande de surveiller l’amélioration des signes cliniques d’hyperandrogénie, y compris l’hirsutisme, l’acné et la chute des cheveux, afin de déterminer ; en l’absence d’amélioration, le traitement doit être adapté.
Primum non nocere
Il est recommandé d’être prudent avant d’annoncer le diagnostic de SOPK chez une adolescente du fait de la réversibilité des troubles du cycle menstruel et des signes d’hyperandrogénie et parce que les conséquences psychologiques d’un surdiagnostic à l’adolescence pourraient être nuisibles. « Il est dès lors préférable de considérer un contexte clinique et environnemental de ‘risque accru’ de SOPK et de s’en tenir à la prévention par des conseils adaptés à de bonnes pratiques d’hygiène de vie, et de suivre régulièrement l’adolescente, conclut le Pr Michel Pugeat (Endocrinologie à Lyon 3ème). Quant à la mise au point, il faut éviter d’en faire trop, tout en en faisant suffisamment. L’exercice est difficile. »
Dr Dominique-Jean Bouilliez