Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est le 5e cancer le plus fréquent dans le monde. Il est associé dans plus de 90 % des cas à une cirrhose.
En France, l’incidence annuelle était de 6 000 nouveaux cas en
2000. Comme dans les autres pays occidentaux, il a été constaté un
fort accroissement d’incidence depuis 20 ans en raison
principalement de l’augmentation de l’incidence de la cirrhose liée
au virus de l’hépatite C. Les traitements à visée curative sont la
transplantation, la résection chirurgicale et la destruction
percutanée. Les meilleurs résultats sont observés avec la
transplantation (70 % de survie à 5 ans). Ces traitements ne
concernent que les malades souffrant de « petits CHC ». La majorité
des malades souffrant de CHC ne relève pas de ces
traitements.
Le sorafénib est un inhibiteur de protéine-kinases (Raf kinase,
VEGF-R1, -R2 et -R3, PDGFR-b, Flt3, ckit et RET) ; il a un double
mécanisme d’action, en ciblant à la fois directement la cellule
tumorale (inhibition de la prolifération cellulaire) et les
cellules endothéliales des vaisseaux sanguins (inhibition de
l’angiogenèse). Le sorafénib, administré par voie orale, est
commercialisé sous le nom de Nexavar® par Bayer Schering Pharma.
Les résultats d’un grand essai clinique de phase III, randomisé
(essai SHARP), ayant comparé sorafénib et placebo chez des malades
atteints de CHC évolué ont été présentés au congrès 2007 de
l’American Society of Clinical Oncology (ASCO).
Il a été constaté un allongement de la survie globale et de la survie sans progression chez les malades traités par sorafénib (figure), sans surtoxicité.
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Figure 3. |
Méthodes et résultats
Seitz et coll. rapportent les résultats de cette étude de phase III randomisée. Les patients atteints d’un CHC avancé, histologiquement prouvé, mesurable, n’ayant pas reçu de traitement systémique antérieur, OMS 0-2, Child A, ont été randomisés pour recevoir soit du sorafénib (400 mg matin et soir) soit un placebo. L’objectif principal était la survie globale. Entre mai 2005 et avril 2006, 602 patients ont été randomisés, dont 98 en France. Dans le groupe sorafénib, une réponse partielle a été constatée chez 2,3 % d’entre eux et 62 % des malades n’avaient pas de progression après 4 mois (vs 42 % dans le groupe placebo). Les durées de survie globale (médiane : 10,7 mois vs 7,9 mois) et de survie sans progression (5,5 mois vs 2,8 mois) étaient significativement allongées chez les malades traités par sorafénib (respectivement p = 0,00058 et 0,000007). Les effets indésirables les plus fréquents ont été : diarrhée (39 %), syndrome main-pied (21 %), anorexie (14 %) et alopécie (14 %). Deux effets indésirables grade 3-4 ont été plus fréquents chez les malades sous sorafénib que chez les malades sous placebo : la diarrhée (8 % vs 2 %) et le syndrome main-pied (8 % vs < 1 %).
La survie globale était de 10,7 vs 7,9 mois dans le groupe sorafénib vs le groupe placebo, respectivement. Ce traitement oral allonge donc de façon très sensible la survie globale et la survie sans progression, sans être associé à une réponse tumorale et au prix de peu d’effets secondaires.
Les recommandations PRODIGE AFEF pour l’utilisation du sorafénib (Nexavar®) dans le traitement du carcinome hépatocellulaire (septembre 2007) sont disponibles. En première intention, le sorafénib est indiqué chez l’adulte, en monothérapie comme traitement palliatif du CHC lorsque les conditions suivantes sont remplies :
– CHC mutlinodulaire ne relevant pas d’une chimioembolisation,
en particulier en raison de métastase ganglionnaire ou viscérale
extrahépatique ou d’une anomalie du flux portal ;
– malade en état général conservé (OMS 0 à 2) et Child-Pugh A
;
– absence de contre-indication.
La posologie est de 400 mg (soit 2 comprimés) matin et soir en dehors des repas. En l’absence de données plus précises et de traitement de substitution, les critères d’interruption du traitement par sorafénib sont les mêmes que dans l’essai SHARP, à savoir :
– l’aggravation symptomatique cliniquement significative
(aggravation de l’état général et/ou de la symptomatologie liée à
l’hépatopathie) ;
– la survenue d’une toxicité jugée inacceptable.
La progression radiologique ou la stabilité tumorale ne sont pas des critères d’arrêt du traitement si elles ne sont pas associées à une dégradation de l’état général ou à une aggravation symptomatique.
Dr T.Asselah