Le but de l’évaluation du risque suicidaire est l’identification des facteurs de risque modifiables et des facteurs protecteurs qui guident la stratégie thérapeutique. Les données statistiques montrent que dans tous les pays, à l’exception notable de la Chine, les taux de mortalité par suicide sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Le suicide est ainsi le fait de la gente masculine dans environ 80 % des cas.
Les femmes sont plus à risque mais se suicident moins
Environ 90 % des individus qui se suicident présentent un trouble psychiatrique caractérisé. Les atteintes les plus fréquentes sont les troubles affectifs (dépression majeure, trouble bipolaire et trouble schizo-affectif), qui rendent compte de 60 à 70 % des morts par suicide. La dépression est 2 fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Des antécédents de tentative d’autolyse (TS) représentent aussi un facteur de risque bien connu : entre 18 et 38 % des sujets qui commettent un suicide ont fait des tentatives auparavant. Là encore, les tentatives de suicides sont également plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes.
Ainsi, en dépit d’une plus faible mortalité par suicide, les femmes sont significativement plus dépressives que les hommes et ont effectué plus de TS, deux facteur de risque majeurs de suicide.
Les différences de genre doivent être prises en compte dans l’évaluation du risque suicidaire et la prise en charge des patients. Etant donné l’importance des taux de dépression et de tentatives de suicide chez les femmes, les taux de mortalité par suicide dans ce groupe de population apparaissent remarquablement bas par rapport aux hommes, particulièrement chez ceux de race blanche, les plus étudiés. Cette dernière association négative reste d’ailleurs mal expliquée et peu explorée. Pourquoi certaines populations sont-elles moins vulnérables au suicide que les hommes blancs en dépit d’un grand nombre de facteurs de risque démographiques ? Quels facteurs ou comportements protègent les femmes et les autres groupes ethniques contre les taux élevés de mortalité par suicide des hommes blancs ? La réponse à ces questions permettrait de mieux cibler les interventions et de faire diminuer le risque suicidaire.
De l’autre coté du divan…
Au cours de leur carrière, un nombre non négligeable de psychiatres est amené à vivre l’expérience du suicide d’un patient. Les réactions typiques sont celles de toute perte significative : le déni, la peine et la colère, exacerbées par des sentiments de honte et de culpabilité et par la crainte d’être blâmé. Les facteurs prédictifs de détresse sont le jeune âge du praticien et une moindre expérience thérapeutique. Pour un psychiatre, la meilleure façon de faire face au suicide d’un patient est de combattre son propre isolement. Les programmes de formation devraient comprendre un module visant à enseigner aux futurs spécialistes comment anticiper et faire face à la survenue d’un suicide chez un de leurs patients.
Dr Odile Biechler