Suspends ton vol

Paris, le samedi 2 mai 2015 – « Je vais te dire un grand secret » soufflait Aragon à Elsa qui lui parlait du temps, du temps qui lui « ressemble », du temps « rapide et lent », du temps qui n’existe pas. Il paraît millimétré, parfaitement encadré par ces aiguilles et pourtant le temps se dérobe. Selon que vous soyez ici, à l’hôpital, ou de l’autre côté de ses murs, il n’a plus du tout la même valeur, ne fonce plus sur les êtres avec les mêmes déterminations, mais les dépasse tout de même. « Un sandwich, c’est pratique. On le mange sur le pouce, entre deux choses à faire. On le mange à son bureau, sur un banc… ou même dans les transports en commun pour gagner du temps. Ici, on ne mange pas de sandwich. Parce que du temps on en a à perdre » murmure l’un des trois personnages d’Hosto, pièce écrite, mise en scène et interprétée par Marie Astier, proposée par la Compagnie En Carton au théâtre des Déchargeurs. Entourée de deux comédiens de sa compagnie, elle raconte l’hôpital, à travers des saynètes, souvent drôles, parfois sans paroles, où l’on prend la mesure de ce temps qui s’écoule si différemment à l’hôpital, de ces corps dont les mouvements sont autres, de ces murs qui vous coupent de l’au-delà, des autres mondes.

« Je me demande ce que le passé nous réserve » (Françoise Sagan)

Cette même sensation de rupture, de frontière, vous étreint dans les travées du musée de l’hôpital Royal Bethlem, qui vient d’ouvrir, près de Londres. Dans ce lieu dédié à l’histoire de la maladie mentale et aux œuvres d’art produites par les patients de la plus vieille institution psychiatrique britannique (elle a ouvert ses portes en 1247) on mesure les différents passages du temps. Il y a d’abord le poids du passé que l’on découvre avec la présentation des « traitements » les plus inhumains utilisés hier. Mais bientôt l’histoire et le présent se télescopent avec une installation interactive qui place le visiteur dans la peau de celui qui doit décider si une jeune femme anorexique doit être internée de force ou non. Les époques sont encore mélangées avec l’exposition des séries de tableaux des patients d’hier et d’aujourd’hui ; des tableaux qui sont autant d’échappatoire au temps minuté, « règlementé » de l’hôpital, comme l’explique Dan Duggan, 41 ans, qui fut accueilli à Bethlem. « La plus grande partie du temps que vous passez à l’hôpital, en particulier dans un hôpital psychiatrique est très réglementé. Si vous êtes engagé dans un processus créatif, vous vous libérez de ça un moment et retrouvez le pouvoir de faire ce que vous voulez », explique-t-il cité par France Télévisions.

« Le temps est père de la vérité » (François Rabelais)

C’est également une promenade à travers le temps que nous offre le livre « Une histoire de l’Institut Pasteur » publié aux éditions Privat, dirigé par Marie-Hélène Marchand et préfacé par François Gros. De la crypte où Louis Pasteur est enterré aux découvertes sur le Sida en passant par le prix Nobel de Jacques Monod, François Jacob et André Lwoff, on découvre une institution qui a occupé une « place à part » dans la recherche biomédicale française selon l’expression de Marie-Hélène Marchand, secrétaire général honoraire de l’Institut. Une institution dont il faut avoir « constamment à l’esprit son passé, son présent et son avenir et que la continuité entre eux soit harmonieusement assurée » jugeait  Elie Wollman un illustre pasteurien. Une institution où le temps n’existe pas.

Théâtre : « Hosto », de Marie Astier, théâtre les Déchargeurs, jusqu’au 9 mai, 3, rue des Déchargeurs 75001 Paris
Exposition : Musée de l’hôpital Royal Bethlem, Monks Orchard Road, Beckenham BR3 3BX, Royaume Uni, +44 20 3228 6000
Livre : « Une histoire de l’Institut Pasteur », éditions Privat, 221 pages, 18 euros

Aurélie Haroche

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