
Paris, le samedi 25 avril 2020 – Peut-être que le sentiment de
jeunesse qui l’étreint n’est pas totalement étranger à la situation
actuelle. Non pas seulement parce que les situations de crise ont
sur certains des effets vivifiants, qui facilitent le dépassement
de soi. Mais aussi, parce que la configuration politique n’est
probablement pas sans lui rappeler une période antérieure de sa
vie.
Faire changer Reagan
« Je me sens comme si j’avais 45 ans et je me conduis comme
si j’en avais 35 » confesse Anthony Fauci, qui fêtera bientôt
ses 80 ans. Alors qu’il avait presque 45 ans, Anthony Fauci fut
confronté à un exercice proche de celui auquel il doit répondre
chaque jour aujourd’hui. Face à une épidémie qui terrifiait une
partie de l’Amérique, l’administration de Ronald Reagan se montrait
au mieux indifférente, au pire méprisante vis-à-vis des victimes.
Le discours de certains membres du parti Républicain n’évitait en
effet pas la haine contre les jeunes homosexuels que le Sida
décimait. Les outrances de l’époque, dans l’Amérique des années
quatre-vingt, n’avaient ainsi rien à envier à celles que l’on
observe aujourd’hui avec incrédulité. Depuis peu nommé président de
l’Institut national des allergies et maladies infectieuses (NIAID)
(poste qu’il occupe toujours aujourd’hui et qui lui vaut d’être en
première ligne face à l’épidémie de Covid-19), Anthony Fauci
parvint pourtant à imposer un autre discours sur l’épidémie,
réussissant jusqu’à convaincre l’équipe de Ronald Reagan de
l’importance d’engagements politiques forts.
Entre haine et admiration
L’étrange duo qui le lit aujourd’hui à Donald Trump et sa
politique spectacle (qui a été parfois comparée à celle de Ronald
Reagan) n’est donc pas sans évoquer cette époque. Si les épidémies
de Sida et de Covid-19 n’ont rien de comparable, on assista aux
Etats-Unis à la même défiance du pouvoir politique vis-à-vis de la
science, à des emportements populaires inquiétants et finalement à
un revirement de la Maison Blanche, notamment grâce à l’influence
de l’intelligence et de l’habileté d’Anthony Fauci. Assistera-t-on
demain à une évolution semblable ? Donald Trump semble osciller
vis-à-vis d’Anthony Fauci entre la haine la plus franche et
l’admiration respectueuse. N’hésitant pas à retweeter certains
messages appelant à la démission du patron des NIAID et refusant
d’entendre les nombreuses mises en garde d’Anthony Fauci (par
exemple sur l’hydroxychloroquine), Donald Trump ne cède cependant
pas à la tentation du limogeage et continue au contraire d’accepter
que très régulièrement, avec son accent rocailleux et son ton
calme, Anthony Fauci corrige en public ses inexactitudes. Ainsi,
quand le Président des Etats-Unis fanfaronne en affirmant qu’un
vaccin sera disponible dans quelques mois, Anthony Fauci rectifie
en soulignant qu’un vaccin disponible dans un peu plus d’un an
serait un exploit.
Le fond et le fond
De cette rivalité mise en scène quotidiennement, Anthony Fauci
parle peu et préfère assurer qu’elle relève plutôt d’une question
de forme. Le président « s’exprime d’une manière que je n’aurai
pas choisie parce qu’elle peut créer des incompréhensions sur les
faits », mais « sur les sujets d’importance, il m’écoute
», a-t-il ainsi récemment déclaré. Une tournure et une assurance
tranquille qui caractérisent probablement le docteur
Fauci.
Entre deux feux
Un laboratoire qu’il n’a plus quitté
En marche !
Parallèlement à cette importante carrière de chercheur, auprès
des responsables politiques, Anthony Fauci sera également une
figure incontournable pendant quatre décennies, se caractérisant
par un discours clair. L’un des secrets de cette parole toujours
limpide est son amour pour la marche et la course à pied. Celui qui
ne compte pas ses heures de travail et a dû délaisser pour faire
face à la crise actuelle ses hobbies préférés n’a cependant jamais
sacrifié sa passion pour la course. Dans les années quatre-vingt,
il profitait ainsi de sa pause déjeuner pour avaler plusieurs
kilomètres et expliquait : « Sortir pour battre le pavé, écouter
les oiseaux et sentir l’odeur de l’herbe coupée, permet de se
régénérer pour mener ses recherches avec plus d’efficacité ».
Celui qui a participé au marathon de New-York n’a donc pas,
contrairement à d’autres, attendu le confinement pour se convertir
au jogging. Il y voit une dynamique aussi importante pour le corps
que pour l’esprit. « Le marathon vous apprend la résistance et à
pousser les limites. Ce sont des leçons que j’ai pu ensuite
appliquer dans mon métier, mais aussi avec les hommes
politiques » défend-t-il.
Aurélie Haroche