Dans la très grande majorité des cas, la présence d'un hémangiome chez un nouveau-né ne justifie aucun traitement, l'évolution habituelle se faisant vers une régression spontanée, débutant entre 8 et 18 mois et s'étalant sur 5 à 8 ans. Très rarement, les hémangiomes peuvent engager le pronostic fonctionnel (visuel en particulier) ou menacer la vie de l'enfant. Dans ce cadre, la mortalité est proche de 50 %. Seul un tiers de ces hémangiomes "sévères" répondent à une corticothérapie générale à forte dose. Pour les autres, il n'existe pas de traitement réellement efficace à proposer.
Contre la prolifération vasculaire
Plusieurs éléments mettent en évidence l'effet régulateur de l'interféron vis-à-vis des proliférations vasculaires. Chez les patients atteints par le SIDA, l'interféron alpha a parfois montré une efficacité inattendue sur les lésions de sarcome de Kaposi. Des publications isolées ont fait état de la régression sous interféron d'hémangiomes sévères ayant résisté à la corticothérapie générale. Expérimentalement, l'interféron inhibe l'angiogénèse chez la souris.
Ezekowitz et Mulliken ont évalué l'efficacité de l'interféron alpha en injections sous-cutanées quotidiennes à la dose de 3 millions d'unités/m2/jour chez 20 nouveau-nés et nourrissons porteurs d'hémangiomes menaçant leur vie ou leur vision et pour lesquels la corthicothérapie générale avait échoué. Il s'agissait de syndromes de Kasabach et Merrit (4), d'hémangiomes obstruant les voies aériennes supérieures (10), d'hémangiomes periorbitaires menaçant la vision (3), d'une hémangiomatose néonatale multiple avec une localisation cardiaque, d'un hémangiome hépatique volumineux à l'origine d'une insuffisance cardiaque à haut débit et d'un angiome cérébral.
Diminution de moitié
Le traitement par interféron s'est avéré particulièrement efficace puisqu'il a permis une régression d'au moins 50 % du volume des hémangiomes chez 18 des 20 patients, après une durée moyenne de 7 à 8 mois. Dans les cas de syndrome de Kasabach-Merrit, l'interféron alpha a aussi eu une efficacité sur la coagulopathie dans trois cas sur quatre, avec une stabilisation des troubles de l'hémostase en sept jours ainsi qu'une remontée des plaquettes.
Le traitement a échoué deux fois : un cas de syndrome de Kasabach- Merrit décédé malgré tous les traitements prescrits (corticoïdes, interféron, irradiation) et un hémangiome periorbitaire dont le volume n'avait diminué que de 20 %.
En dehors de la survenue de certains effets indésirables classiques et transitoires de l'interféron (fièvre et leucopénie), la seule complication a été une nécrose cutanée en regard de la masse angiomateuse d'un des enfants. Avec un suivi de 16 mois, il n'a pas été constaté de toxicité à moyen terme, ni de perturbation du développement des enfants. En revanche, les effets à long terme de ce traitement, chez des nourrissons, ne sont pas connus.
En l'absence de groupe contrôle, les bons résultats de l'interféron dans cette étude sont difficilement interprétables. En effet, il faut signaler que d'autres équipes n'ont pas obtenu des résultats aussi encourageants en traitant par interféron des hémangiomes sévères. C'est le cas de Teillac et coll. (Journées Dermatologiques de Paris 1991) : l'interféron alpha, à plus faibles doses toutefois (3 millions d'unités/m2, trois fois par semaine), s'est révélé inefficace chez 4 enfants porteurs d'hémangiomes sévères, dont deux syndromes de Kasabach et Merrit.
Malgré tout, en attendant d'autres études confirmant ces résultats prometteurs, la prescription d'interféron alpha semble se justifier, pour les hémangiomes sévères ayant résisté à une corticothérapie générale. *
Frédéric Mathivon
Ezekowitz R., Mulliken J. et coll. : "Interferon alfa-2a therapy for life-threatening hemangiomas of infancy.", N. Engl. J. Med., 1992 ; 326 : 1465-1463.
MATHIVON FREDERIC