Traitement pour tous les sujets infectés, et maintenant?

La recommandation d'une prise en charge médicamenteuse antirétrovirale chez tous les sujets infectés par le VIH constitue une avancée majeure tant pour les sujets eux-mêmes que pour la santé publique. Mais comme souvent les bonnes nouvelles s'accompagnent de zones d'ombre et de questions.

Indiscutablement la modification majeure dans la version 8.0 des directives de l'European AIDS Clinical Society qui a été officialisée lors de la 15ème conférence Européenne sur le SIDA (Barcelone 21-24 octobre) est la recommandation de l'initiation d'une thérapie antirétrovirale chez toutes les personnes infectées par le VIH, que l'infection soit symptomatique ou non et qu'elle s'accompagne ou non d'un taux de cellules T CD4+ < 350/µl.

Tout cela est donc en théorie fort simple, mais comme l'a montré la discussion lors de la conférence de presse dédiée, derrière cette apparente simplicité se cache de multiples inconnues.
Précisons pour commencer que la recommandation du traitement antirétroviral universel est nuancée avec un traitement fortement recommandé pour tous les sujets symptomatiques et pour les sujets asymptomatiques avec des cellules CD4+ < 350/µl, alors qu'il ne s'agit que d'une simple recommandation pour les sujets asymptomatiques avec des cellules CD4+ ≥ 350/µl.

Sur un plan plus général, la recommandation d'une mise sous traitement s'impose également indépendamment du nombre des CD4+ pour réduire la transmission sexuelle, le risque d'événements liés au SIDA et la transmission mère-enfant.

A ce stade, l'attitude à avoir vis-à-vis des "elite controllers" n'est pas clairement définie. A chacun donc de juger en son âme et conscience si l'instauration d'un traitement doit s'envisager, en pesant bien le pour l'assurance de l'indétectabilité de la charge virale) et le contre (les risques liés au traitement) et en discutant de la situation avec la personne concernée.

De façon plus générale, les directives insistent beaucoup sur l'importance de la discussion avec les séropositifs pour que l'initiation du traitement antirétroviral ait les meilleures chances de succès. A cet égard, il n'est sans doute pas inutile de conseiller de lire et relire les pages consacrées à l'évaluation de la volonté des séropositifs à débuter et continuer un traitement antirétroviral. Si le sujet n'est pas mentalement prêt le traitement a toute chance d'être voué à l'échec.

Un point qui fera certainement l'objet d'âpres discussions est le choix du traitement en fonction du statut du séropositif. Nous avons à notre disposition de multiples armes, il nous faut maintenant les utiliser à bon escient, car intuitivement un sujet dépisté tôt avec une charge virale minime et des CD4+ très élevés ne nécessite peut-être pas forcément l'armada que l'on déploie pour un sujet vu tardivement avec une charge virale énorme et des CD4 effondrés.

Pour l'heure, tout repose sur la trithérapie, mais déjà pointe la tentation de stratégies utilisant des régimes moins lourds pour parvenir à l'indétectabilité de la charge virale chez les sujets asymptomatiques les moins vulnérables.

Dr Jean-Claude Lemaire

Références
European AIDS Clinical Society (EACS) 2015 (Barcelone) : 21-24 octobre 2015.

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