
L'épidémie d’infections par le virus Ebola en Afrique de l'Ouest a suscité une accélération des procédures d'essais de vaccins et traitements. Certains cependant pourraient ne pas aller jusqu’au bout de leur développement faute de patients, en particulier au Libéria, malgré un léger rebond de l’épidémie la dernière semaine de janvier dont témoigne le bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) du 4 février.
Exit le brincidofovir
C’est le cas pour l’essai en cours sur le brincidofovir. Invoquant le déclin des infections ces dernières semaines, la société Chimerix, qui fabrique l’antiviral, a pris la décision le 30 janvier de stopper dès à présent toute participation à des essais sur son candidat médicament contre le virus Ebola, y compris l’essai débuté le 2 janvier au Libéria. Le pays ne connaissant que 4 à 8 nouveaux cas par semaine depuis début janvier, « il n’est pas réaliste d'envisager de recruter suffisamment de patients pour pouvoir tirer des conclusions sur l’efficacité du médicament », comme l’a indiqué le Wellcome Trust en confirmant le 3 février la fin de l’essai en cours.
Mené par le Dr Peter Horby (université d’Oxford) avec le support opérationnel de Médecins sans Frontières (MSF), cet essai financé par le Wellcome trust faisait partie du premier programme clinique d’essais adaptatifs en Afrique, décrit précédemment sur Jim.fr. Rappelons que ce programme répond à la situation d’urgence créée par l’épidémie d’Ebola avec des essais de phase II/III en ouvert, non randomisés, sans groupe placebo, et que tous les patients infectés sont traités, alors que les Etats-Unis privilégient les essais randomisés, contrôlés contre traitement standard.
L’espoir du favipiravir
Avec l’arrêt du brincidofovir c’est donc tout un programme clinique qui se trouve amputé d’un essai sur les trois prévus, au moment même où le premier, débuté le 17 décembre sur le favipiravir/T-705 (Toyama Chemical/Fuji Film/MediVector), donne des résultats préliminaires positifs.
Se déroulant en Guinée au centre de traitement Ebola de MSF de Guéckédou, au centre de la Croix Rouge Française de Macenta, et au centre de l’association Alima à Nzéréckoré, avec la coordination du Pr Denis Malvy (Inserm et CHU de Bordeaux), il obtient des résultats encourageants, vient d’annoncer l'Inserm le 5 février.
L’analyse des 80 premiers patients inclus indique une bonne tolérance de l’antiviral aux doses employées contre Ebola et « un signal de réduction de la mortalité à deux semaines chez certaines personnes » résume le Pr Yves Lévy, PDG de l’Inserm, pour France Info, précisant qu’il s’agit des personnes traitées tôt après l’apparition des symptômes et qui présentent une faible charge virale. Une centaine de patients ont maintenant été inclus.
Ces données préliminaires sont les premières à montrer l'efficacité d'un traitement contre le virus Ebola, déclaré responsable en janvier de 8 981morts pour 22 495 personnes atteintes. « Il a été décidé d'étendre l'administration de cette molécule à d'autres sites de traitement », a annoncé le Dr Sakoba Keïta, coordinateur national de la lutte contre Ebola en Guinée.
Le troisième essai adaptatif prévu dans le programme, coordonné par l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers, démarrera dans les prochains jours à Conakry en Guinée pour tester l’impact d’une immunothérapie passive par du plasma de malades guéris de l’infection. Il est prévu de recruter 200 à 300 patients. Un groupe de comparaison inclut des patients qui ont reçu le traitement standard avant que le plasma de convalescent ne soit disponible ou pour lesquels il n’y a pas de plasma compatible. La combinaison du favipiravir à l’immunothérapie passive pourrait être envisagée d’après l’entretien avec Denis Malvy dont le JIM s’était fait l’écho en novembre dernier. Un essai américain contrôlé contre traitement standard a par ailleurs déjà commencé au Libéria mi-décembre pour tester le plasma de convalescent à l’hôpital de Monrovia sur environ 70 personnes, avec le financement de la Fondation Bill & Melinda Gates (1). Il est organisé par ClinicalRM, une société de recherche sous contrat de l’Ohio, en coordination avec les NIH et l’OMS.
Bientôt un essai du ZMapp
L’antiviral BCX4430 de BioCryst est entré en phase clinique mi-décembre aux USA avec un premier essai randomisé de phase 1 prévu sur 88 volontaires. La société a annoncé la semaine suivante les résultats positifs de son essai en cours chez le singe, avec 66,7 % à 100 % de survie à 41 jours selon les doses employées et une réduction moyenne d’environ 3 log de la charge virale.
Très attendu, le premier essai clinique testant l’innocuité et l’efficacité du cocktail de trois anticorps monoclonaux ZMapp (Mapp Biopharmaceutical) devrait débuter prochainement au Libéria, et inclure 100 à 150 volontaires selon des précisions apportées le 22 janvier par le Dr Robin Robinson, directeur de l'Autorité américaine de développement et de recherche biomédicale avancée (BARDA).
Tekmira Pharmaceuticals a, d’autre part, conclu un accord le 22
décembre avec l'Université d'Oxford pour fournir aux chercheurs une
centaine de traitements de TKM-Ebola adaptés à la souche virale
actuelle pour des essais en Afrique de l’Ouest prévus pour démarrer
début 2015.
Gustavo Palacios et ses collaborateurs identifient 10 différences
de séquences génétiques (2) entre la souche virale actuelle,
EBOV/Mak, et les deux souches responsables des épidémies de 1976 et
1995 au Zaïre, qui pourraient avoir un impact potentiel sur
l’efficacité des traitements ciblant le virus. Mais ils soulignent
que les candidats médicaments en cours de développement, le ZMapp,
l’ARN interférent TKM-Ebola (Tekmira) et l’ARN antisens AVI-7537
(Sarepta Therapeutics), « ont été conçus pour minimiser
l’impact de mutations individuelles liées à l’évolution d’un
variant », soit en incluant des zones très conservées,
soit pour le ZMapp plusieurs anticorps se liant à des régions
distinctes de la glycoprotéine. Ebola, un virus à séquencer
régulièrement, peuvent-ils conclure.
Dominique Monnier