Concernant la phase dépressive, la principale différence entre dépression bipolaire et unipolaire réside dans l’emploi des antidépresseurs (surtout, mais pas uniquement les tricycliques), car ils peuvent favoriser le passage à la manie et induire un « rapid cycling ». Ils ne sont donc pas recommandés sans stabilisateur de l’humeur.
Dans la manie, ce sont d’abord les stabilisateurs de l’humeur (lithium ou valproate surtout) qui entrent en considération, de même que les antipsychotiques atypiques de seconde génération (SGA), généralement en association. « Cependant, en phase initiale, remarque Eduard Vieta (Barcelone) évoquant l’actualisation du rapport CANMAT (Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments), un épisode maniaque est préférentiellement traité uniquement par augmentation de la dose du stabilisateur de l’humeur précédemment utilisé à titre prophylactique. Dans les épisodes graves, celui-ci peut être associé soit à un SGA soit à un autre stabilisateur alors que les benzodiazépines atténuent l’excitation et l’angoisse, mais peuvent avoir un effet paradoxal dans la manie avec désinhibition ».
Quant au « rapid cycling », son traitement est difficile, surtout lorsque les changements d’humeur sont rapides et répétés. Il faut si possible éviter les antidépresseurs à long terme, ou au moins les associer à un stabilisateur de l’humeur. En cas de réponse insuffisante, le CANMAT propose de passer à l’olanzapine ou à une association de deux stabilisateurs de l’humeur. Pour le traitement à long terme, c’est essentiellement la prévention des récidives qui est visée. Mais ce traitement est souvent assez mal accepté. « Ce qui explique que les recommandations ne sont pas unanimes : les américaines (APA 2002) préconisent un traitement à long terme dès le premier épisode maniaque, tandis que le NICE et la World Federation of the Societies of Biological Psychiatry (WFSBP) ne le recommandent qu’après le second épisode maniaque. » Les différentes recommandations insistent cependant sur l’importance de tenir compte de l’intensité de l’épisode maniaque, de la prédisposition familiale, du jeune âge, des symptômes résiduels, du trouble anxieux ou d’une dépendance concomitante.
Enfin, l’adjonction d’un SGA au lithium ou au valproate n’a pas donné de meilleur résultat que la monothérapie par le stabilisateur de l’humeur tandis que les antidépresseurs n’ont pratiquement pas fait l’objet d’études à long terme et sont contestés en raison de leur potentiel d’induction de « switch » et de « rapid cycling ». Quoi qu’il en soit, une psychothérapie est toujours indispensable en parallèle, au même titre que la psychoéducation.
Dr Dominique-Jean Bouilliez