
Susceptible de faire grincer les dents des psychothérapeutes « classiques », un parfum de science-fiction émane de cette étude britannique publiée dans The British Journal of Psychiatry et consacrée à un traitement « avant-gardiste » des hallucinations auditives résistant au traitement neuroleptique (situation concernant, selon les auteurs, environ 25 % des sujets schizophrènes).
Le principe de cette « thérapie assistée par ordinateur » consiste à présenter au patient sur un écran un avatar du personnage dont il perçoit la voix du fait de ses hallucinations auditives, pour engager un dialogue avec cette entité auquel l’ordinateur prête ainsi une réalité virtuelle. L’objectif est bien sûr que le psychiatre prenne progressivement le contrôle des « voix », grâce au pilotage du logiciel permettant la maîtrise des propos tenus par cet avatar.
Les psychothérapeutes « traditionnels » feront sans doute à cette méthode ce reproche essentiel : « est-il judicieux, grâce à la technologie, d’ancrer davantage le délire du sujet dans une pseudo réalité ? » Mais comme les auteurs estiment que les patients « capables de soutenir un dialogue avec leur persécuteur se sentent mieux », et que le recours à un ordinateur (et à un logiciel de synthèse vocale et d’animation d’un visage) permet précisément de simuler un tel dialogue, en offrant de surcroît au psychiatre la possibilité d’en maîtriser la teneur, on ne s’étonnera pas de l’apparition de cette thérapie faisant inévitablement penser à l’ébauche d’un univers de type Matrix. Pour le reste, cette étude est de facture plus classique, comparant dans un essai randomisé en simple aveugle traitement habituel et avatar-thérapie.
Présentée par les auteurs comme un « traitement prometteur pour les hallucinations auditives résistantes aux médicaments », cette thérapie permettrait notamment « une réduction moyenne des hallucinations auditives » et de leur impact (défini par « l’omnipotence et la malveillance » des voix hallucinées). Mais quelle que soit sa portée réelle (coup d’épée dans l’eau, ou annonciatrice de mutations profondes pour la discipline ?), sa démarche incite à réfléchir. En particulier, cette argumentation liminaire des auteurs : « Il est très difficile d’établir un dialogue avec un locuteur invisible qui répète les mêmes propos stéréotypés, indépendamment de la réponse du patient. Nous avons pensé que si ce persécuteur recevait un visage humain et devenait sensible au discours du patient, un dialogue pourrait s’établir entre eux, avec l’assistance du thérapeute. »
Dr Alain Cohen