Un virtuose de la maladie

Leipzig, le samedi 25 mars 2023 – Une nouvelle étude génétique tente d’éclaircir les causes de la maladie et de la mort de Ludwig van Beethoven.

C’est sans doute le sourd le plus célèbre de tous les temps. Malgré une surdité partielle survenue dès l’âge de 27 ans, devenue totale vers 45 ans, Ludwig van Beethoven a composé parmi les plus grandes œuvres de l’histoire de la musique classique européenne, devenant l’égal de Mozart et de Haydn. Mais le compositeur de la Lettre à Elise ne fut pas seulement atteint de surdité, puisqu’il a également souffert d’alcoolisme, de douleurs abdominales chroniques et de troubles dépressifs.

Depuis sa mort prématurée et inexpliquée à l’âge de 56 ans, la recherche des causes de sa mort passionne des médecins. Bien des hypothèses ont été avancées, comme une cirrhose hépatique, la syphilis, une hépatite aigue ou encore la maladie de Paget. La thèse selon laquelle le compositeur était atteint de saturnisme a également beaucoup d’adeptes, puisque le compositeur était un grand amateur de vins de Hongrie, connus à l’époque pour être frelatés et contenir d’importantes quantités de plomb. Beethoven avait en quelque sorte anticipé cette passion pour son état de santé, puisque dans son testament, il demandait que les causes de sa surdité soient recherchées après sa mort et rendues publiques. Une passion historique qui ne concerne pas que Beethoven, puisqu’on compte des centaines d’articles sur les causes de la mort de Mozart.

Un patient sourd et alcoolique

Près de 250 ans après la mort du patient en 1827, une nouvelle analyse génétique réalisée par des chercheurs de l’institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste de Leipzig et publiée ce mercredi tente d’approcher la vérité sur l’état de santé du maître. L’étude a été faite à partir de huit mèches de cheveux censées avoir été prélevés lors des dernières années de la vie du musicien. Premier enseignement de l’étude : trois de ces huit échantillons sont des faux. Ainsi, la mèche dite de Hiller, censée avoir été prélevé sur le lit de mort de Beethoven et dont l’analyse en 2000 avait étayé la théorie du saturnisme, appartenait en réalité…à une femme.

L’étude menée par les généticiens allemands montrent que Ludwig Van Beethoven avait des prédispositions génétiques à certaines maladies hépatiques. Il présente notamment des variants sur les gènes HFE et PNPLA3 qui « chez les grands buveurs en particulier, exposent à un risque important de maladies du foie et de cirrhose hépatique » explique Jean-Louis Mandel, professeur honoraire de génétique humaine au Collège de France.

La très importante correspondance de Ludwig Van Beethoven confirme qu’il souffrait, tout comme son père, d’alcoolisme. « L’interaction d’une consommation d’alcool importante et prolongée avec les facteurs de risque génétique du compositeur est une explication possible à sa cirrhose » avance Tristan Begg, principal auteur de l’étude. De plus, les chercheurs ont également trouvé des traces du virus de l’hépatite B dans les échantillons de cheveux du compositeur. C’est donc la « combinaison de ces trois facteurs agissant de concert » (alcool, prédisposition génétique, hépatite B) qui aurait tué le compositeur explique Begg.

Une mystérieuse surdité

Voilà pour les causes de la mort. Mais qu’en est-il de la surdité du compositeur de 9 symphonies ? Les signataires de l’étude ont tenté de rechercher, parmi 57 gènes, les mutations connues pour occasionner une perte d’audition tardive : aucune d’entre elles n’a été retrouvée dans le génome du compositeur. Mais cela ne signifie pas qu’une origine génétique de la surdité de Beethoven soit à exclure. « L’apparition de la surdité chez Beethoven, un peu avant 30 ans, suggère qu’il aurait souffert d’une forme de surdité dominante, où il suffit qu’un seul parent porte une mutation pour qu’il transmette le déficit auditif ; or, l’anomalie génétique en cause, dans ces formes, échappe à l’analyse dans près de la moitié des cas » explique Christine Petit, spécialiste de l’audition à l’Institut Pasteur.

Certes, aucun cas de surdité n’est connu parmi les ancêtres de Beethoven. Mais sur ce point, l’étude révèle une autre piste. En comparant les gènes de Beethoven avec ceux de lointains parents vivant actuellement en Belgique, les chercheurs ont découvert qu’un « évènement de fausse parentalité » (un enfant issu d’une relation extraconjugale) était survenu dans la lignée des Beethoven, entre le milieu du XVIème siècle et la naissance de Ludwig en 1770.

Voilà qui épaissit encore un peu plus le mystère médical entourant le plus génial des malades chroniques.

Quentin Haroche

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