
Paris, le samedi 28 mars 2015 – Les associations s’opposant à la légalisation de l’euthanasie ont fréquemment pour habitude d’évoquer les éventuelles dérives entraînées par l’autorisation de cette pratique aux Pays Bas et plus encore en Belgique. Ainsi, concernant ce dernier pays, ont été abondamment commentés certaines enquêtes suggérant la persistance d’actes clandestins (et en tout cas l’existence de défaut de déclaration) ou encore quelques très rares cas limites suscitant des interrogations sur la pertinence des indications (l’euthanasie d’une femme désirant devenir un homme dont l’opération de changement de sexe avait échoué à ses yeux a ainsi été l’objet de nombreuses discussions). Pour les militants hostiles à l’euthanasie, ces différents éléments ne sont pas à analyser comme les témoignages de la perfectibilité du système (voire de l’impossibilité de tout contrôler) mais comme la preuve de la dangerosité intrinsèque de toute légalisation de l’euthanasie.
Bien loin de l’hécatombe prédite
Il y a un an le choix de la Belgique d’élargir le champ de la loi autorisant l’euthanasie aux mineurs « capables de discernement » a été une nouvelle fois perçu comme la manifestation d’une dérive. Chez nos voisins comme ailleurs, les pires prophéties étaient proférées par ceux qui se sont toujours érigés contre la légalisation de cette pratique. Aujourd’hui, pourtant, douze mois après l’adoption de cette modification, aucune euthanasie n’a été recensée chez des mineurs en Belgique. Pour ceux qui ont défendu cette évolution, il s’agit bien de la manifestation que les législations favorables à la mort assistée ne sont nullement des portes ouvertes vers "l’assassinat "sans discernement de nombreux malades. Cette absence de cas confirme de fait le fonctionnement des multiples gardes fous décidés par les législateurs belges et notamment l’obligation de recueillir l’avis concordant des deux parents.
Pas de cas et mille questions
Certains, au-delà des débats partisans, jugeront cependant ce chiffre avec plus d’interrogations. Lors des longs débats parlementaires sur la question de l’extension de l’euthanasie aux plus jeunes, avait été comme souvent avancé l’argument évoquant l’existence d’actes clandestins qu’une loi permettrait de mieux contrôler. Le fait qu’aucun cas n’ait été porté à la connaissance des commissions ad hoc signifie-t-il que ces euthanasies clandestines étaient en réalité rarissimes ? Ou ce chiffre met-il en évidence un défaut de déclaration ? Ou suggère-t-il encore que les conditions prévues par la loi n’ont pas permis de répondre (ou ne pouvaient pas répondre) aux situations dans lesquelles des euthanasies sont réalisées chez des mineurs.
Les insuffisances des soins palliatifs pédiatriques mises en lumière
Présidente de l’Association belge pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jacqueline Herremans évoque une autre explication possible : la loi a contribué à un large développement des soins palliatifs pédiatriques. « Ces derniers temps (…), on a pris à bras-le-corps la question de savoir ce qu’il était possible d’offrir, voire d’améliorer au niveau de l’accompagnement médical, des soins palliatifs pédiatriques… Et via ce processus, certaines carences ont été mises à jour » affirme-t-elle. Un témoignage, évidemment partisan, qui permet cependant de remarquer que l’opposition entre développement des soins palliatifs et autorisation de l’euthanasie qui a souvent cours (notamment en France) manque parfois de pertinence. Outre le fait que les soins palliatifs ne permettent pas de répondre à toutes les situations, la légalisation de l’euthanasie n’est nullement une façon pour un gouvernement de se dégager de sa responsabilité de développer ce type de prise en charge.
Le vrai scandale
On rappellera que les débats autour de l’opportunité d’élargir l’euthanasie aux mineurs n’avaient pas manqué de vivacité en Belgique l’an dernier. Et certaines des questions soulevées n’ont probablement pas trouvé de réponse parfaite, telle la difficulté de distinguer chez l’enfant le désir de mort du désir de ne pas souffrir et ne plus voir souffrir ses parents, ou encore la définition de la notion de "discernement". Face à ces difficultés, l’auteur de la loi avait tenu à souligner la volonté « humaniste » de son texte. « Ce qui est scandaleux, c’est la maladie et la mort des enfants, pas l’euthanasie » avait-il souligné.
Aurélie Haroche