
Linz, le samedi 13 juin 2015 - Ces dernières années ont été marquées par d’importantes avancées dans l’élaboration de prothèses. Toujours plus sophistiquées et offrant un panel de mouvements de plus en plus large et complexe, les dispositifs les plus innovants se caractérisent surtout par leur capacité à être contrôlées par la pensée, grâce à la mise en place d’interfaces efficaces entre le cerveau et le système robotisé qui "transforment" les influx nerveux du cerveau en véritables commandes. Les chercheurs européens se montrent dans ce domaine particulièrement performants. Ainsi, en 2010, l’équipe du professeur Hubert Egger de l’Université de Linz (nord de l’Autriche) avait présenté les premières prothèses de bras activées par la pensée. L’implantation de ces dispositifs avait nécessité une dérivation des nerfs responsables des commandes motrices afin qu’ils soient connectés au muscle pectoral du patient. Christian Kandlbauer avait ainsi été pendant quelques mois (avant sa mort accidentelle) le premier homme à utiliser quotidiennement deux prothèses bioniques dirigées par sa pensée.
Du pied au cerveau
Aujourd’hui, l’équipe du professeur Hubert Egger est au cœur d’un nouvel exploit. La prothèse de tibia et de pied de Wolfgang Rangger a en effet la particularité de lui offrir des sensations précises sur les éléments en contact avec elle. « Je ne glisse plus sur la glace, je ressens la différence quand je marche sur du gravier, le béton, l’herbe ou le sable. Je sens même les petits cailloux » décrit le patient, âgé de 54 ans et qui a dû être amputé il y a sept ans, à la suite des complications d’un AVC. Pour atteindre ce formidable progrès, les praticiens ont utilisé les terminaisons nerveuses sensitives présentes au niveau du moignon du malade et destinées normalement au pied. Ces terminaisons ont été dérivées vers la surface de la cuisse pour être en contact avec le haut de la prothèse. A ce niveau des capteurs reçoivent les informations collectées au niveau de la semelle de la prothèse grâce à des stimulateurs et les transmettent au cerveau. « Sur un pied en bonne santé, ce sont des récepteurs sur la peau qui remplissent cette fonction. Chez un amputé, ils manquent bien sûr. Mais les transmetteurs d’information que sont les nerfs continuent d’exister. Il suffit de les stimuler ».
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Sans doute pas un espoir fantôme
Pour Wolfgang Rangger, les bénéfices d’une telle prothèse sont très importants. D’abord, il a acquis une maîtrise inégalée de son appareil, quand il parvenait avec peine à se déplacer avec l’aide de sa précédente prothèse. Aujourd’hui, non seulement il marche sans difficultés, mais il fait du vélo et de l’escalade. Surtout, les douleurs du membre fantôme qui l’assaillaient quasiment sans répit ont disparu en l’espace de quelques jours après l’implantation. « Cette jambe artificielle a vraisemblablement stimulé des voies de contrôle de la douleur. Le fait de retrouver les sensations de son membre perdu a permis d’inhiber la douleur » constate la spécialiste de la douleur Delphine Lhuillery, pour le quotidien 20 minutes. Ces résultats soulèvent un réel enthousiasme pour de nombreux amputés dans le monde. Cependant, le dispositif est encore à l’état de prototype. Mais partout dans le monde, des recherches similaires confortent cet espoir. On se souvient par exemple que les travaux italiens concernant la mise au point d’une main robotique à faible prix comportent eux aussi un volet dédié au rétablissement du toucher.
Aurélie Haroche