
Paris, le mardi 2 juillet 2019 - Il ne souffrait pas
réellement de maux d’estomac. Mais ce qu’il a constaté lui a donné
quelques sueurs froides. Vendredi soir, à 21h30, Alain Bruneel
pousse la porte du service des urgences de Douai (Nord). Il raconte
qu’il est rapidement enregistré par l’infirmière de triage. Il se
plaint de douleurs abdominales ; deux infirmières
régulatrices prennent ses constantes et réalisent un
électrocardiogramme afin d’évaluer la gravité de son cas. Après ce
rapide bilan, on lui indique qu’il va devoir patienter au moins
3h20, sauf si de nouvelles urgences vitales se
présentent.
Chaleur suffocante
Situation dramatique
Enfin, six heures après son passage devant l’infirmière de
triage, Alain Bruneel pourra être reçu par un médecin. Il révélera
alors ne pas souffrir de douleurs gastriques, mais avoir voulu
prendre la mesure des difficultés vécues par les urgences, à l’abri
de la médiatisation. Hier à l’Assemblée nationale, le député PCF de
la seizième circonscription du Nord a raconté sa traversée de la
nuit aux urgences. « Le personnel fait tout ce qu’il peut, avec
ce qu’il a (…) mais la situation est dramatique » a-t-il
dénoncé ajoutant encore : « le gouvernement n’a pas pris le
pouls réel » de la problématique et a invité Agnès Buzyn à se
prêter à la même expérience que lui (même si le ministre a sans
doute plus de risque d’être "démasquée" que le député
Bruneel).
Des annonces insuffisantes et des doutes
Sans une telle mise en scène, c’est le même discours qui sera
tenu aujourd’hui dans les rues par les urgentistes appelés à la
manifestation par le collectif Inter-Urgences. Pour ce dernier
défilé avant l’été, les personnels veulent rappeler qu’en dépit de
certaines avancées, les annonces demeurent
insuffisantes.
Cependant, localement, quelques initiatives intéressantes sont
saluées même si elles suscitent quelques doutes. Ainsi,
l’Assistance publique des hôpitaux de Paris a promis d’ouvrir 230
postes supplémentaires dans les 25 services des urgences et a jeté
les bases d’un « contrat d’objectif Zéro brancard dans les
couloirs », qui pourrait s’appuyer sur des incitations
financières. Si un tel dispositif est considéré comme «
sérieux » par l’un des responsables du collectif
Inter-Urgences, Hugo Huon, d’autres font remarquer qu’il paraît
incompatible avec les objectifs globaux de l’Ap-HP d’un retour à
l’équilibre et d’une suppression de centaines de lits de
gériatrie.
Pas de trou dans les lignes de garde cet été : un challenge impossible ?
D’autres contradictions participent au maintien de la
mobilisation des urgentistes qui en dépit des promesses d’Agnès
Buzyn s’inquiètent des risques de tensions cet été. En effet, le
ministre de la Santé affirme déployer les moyens nécessaires pour
éviter les « trous dans les lignes de garde ». Mais la tâche
promet d’être ardue, sinon impossible quand on sait qu’en Ile de
France, au moins 1 000 plages de 12 heures non pourvues en médecins
et autant en infirmières se profilent en juillet et août. Aussi,
même si l’été devrait conduire à un léger recul de la mobilisation,
il est probable que la détermination des urgentistes et des autres
agents hospitaliers à se faire entendre demeure
intacte.
Aurélie Haroche