Vacciner le cirrhotique ? Deux fois plutôt qu’une !

L’augmentation d’incidence des hépatopathies chroniques est préoccupante, d’autant qu’elles surviennent à un âge de plus en plus jeune et sont à risque majeur de cirrhose. Comme la cirrhose est aussi une maladie à expression dysimmunitaire puisqu’il y a déficit de synthèse du système du complément, altération de la fonction neutrophilique et macrophagique et synthèse d’immunoglobulines anormales, il n‘est pas étonnant que lorsqu’une infection survient chez ces patients, le risque de décès soit nettement augmenté. « Il atteint 30 % à 30 jours en cas d’infection bactérienne », a ainsi rappelé Pierre Loulergue (Institut Cochin-Pasteur) ajoutant que « les infections sont dans 30 à 50 % des cas la cause première du décès des patients cirrhotiques. »

En dépit de la connaissance de cet état de fait, les taux de vaccinations des patients cirrhotiques restent (trop) faibles : 34 % pour le pneumocoque, 55 % pour l’influenza, 32-42 % pour l’hépatite B, 20-38 % pour l‘hépatite A… Il existe pourtant des vaccins efficaces.

Ainsi, pour le pneumocoque, responsable d’un très haut taux de mortalité chez le cirrhotique (le risque de décès est multiplié par 11,4), le nouveau vaccin polysaccharidique 23-valent, bien que moins immunogène que le vaccin conjugué 13-valent, a clairement montré une efficacité précoce. Mais cette efficacité s’épuise rapidement avec le temps, raison pour laquelle certains pays conseillent un rappel tous les 5 ans avant l’âge de 65 ans.

L’infection par le virus de l’influenza est de son côté un facteur de risque majeur de décompensation cirrhotique. Dans la mesure où le vaccin est hautement immunogène (mais beaucoup moins en cas de transplantation hépatique, surtout au cours des 3 premiers mois), il est formellement recommandé annuellement.

Pour ce qui concerne le virus de l’hépatite B, on sait que la coinfection avec le virus de l’hépatite C augmente sérieusement le risque de développer un hépatocarcinome, et que l’infection par le HBV chez le cirrhotique entraîne un risque élevé de décompensation. Dans la mesure où les patients cirrhotiques sont « immunocompromis », la stratégie actuelle est de doubler la dose du vaccin contre l’hépatite B et de l’administrer à raison de 40mcg à M0, M1 et M6, ce qui permet une séroconversion dans 44 à 68 % des cas. Il est par ailleurs nettement plus efficace avant transplantation. Enfin, sans pour autant représenter une recommandation formelle, la réalisation d’une sérologie post-vaccinale est conseillée pour s’assurer de la réalité de l’immunisation.

L’infection par le virus de l’hépatite A augmente aussi le risque de décès chez le patient cirrhotique, et est à risque majeur d’hépatite fulminante en cas d’infection chronique par le virus de l’hépatite B ou C. Le vaccin est cependant moins efficace chez le patient cirrhotique (71 % après la première dose et 98 % après la deuxième dose pour le stade Child-Pugh A, et respectivement 37 % et 66 % pour les stades C et B). Il est donc capital chez le patient cirrhotique d’effectuer une sérologie de dépistage et une sérologie de contrôle post-vaccination.

Enfin, pour les autres maladies que l’on peut prévenir par la vaccination, le schéma est le même que dans la population générale en cas de vaccin inactivé (TdaP [tétanos, diphtérie, coqueluche], HPV, méningocoque) et doit être discuté au cas par cas en termes de bénéfice pour les autres vaccins (MMR [rougeole, rubéole, oreillons], varicelle/zoster, fièvre jaune).

En bref, il faut s’assurer du statut vaccinal des patients cirrhotiques le plus tôt possible dans l’histoire de la maladie et effectuer systématiquement une vaccination contre le pneumocoque, l’influenza, et les virus de l’hépatite A et de l’hépatite B.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Loulergue P : Vaccines in chronic liver disease. UEG Week 2015 (Barcelone) : 24-28 octobre 2015.

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