Yuka, trop bio pour être vrai ?

Paris, le samedi 18 janvier 2019 – La période des bonnes résolutions peut nous inciter à décider de veiller davantage à notre alimentation. Mais depuis quelques années, il ne s’agit plus seulement d’éviter l’éclair au chocolat ou de renoncer à cette nouvelle portion de chips, mais de scruter également tous les polluants qui pourraient être présents de manière invisible dans nos aliments. Une enquête réalisée en 2018 par l’Observatoire de la société et de la consommation auprès de 4 040 personnes avait ainsi mis en évidence que lors de l’achat de produits alimentaires les Français étaient de plus en plus nombreux à se montrer plus soucieux de la présence éventuelle de métaux lourds, de polluants organiques persistants et de pesticides que de la teneur en sucre ou en acides gras saturés.

Du moment que c’est bio !

Cette focalisation de l’attention explique le succès des applications qui attribuent des scores à chaque aliment en se référant d’une part à des bases de données publiques constituées de manière indépendante (le plus souvent Open Food Facts) et d’autre part en appliquant leurs propres critères et filtres pour le calcul de la note. Or, outre le fait qu’Open Food Facts n’est en dépit de ses qualités pas parfaitement infaillible, les critères retenus par certaines applications peuvent plus encore susciter la discussion.

Ainsi, cette semaine, Thibault Fiolet, ingénieur AgroParisTech, spécialisé en nutrition et santé, présentait sur Twitter un tableau éclairant. Il s’agissait de comparer les notes délivrées par la célèbre application Yuka à cinq différents types d’Emmental. La présentation de Thibault Fiolet permet de constater que les valeurs nutritionnelles des produits sont le plus souvent comparables (en termes de calories, de graisses saturées, de sucres, de protéines et de sel). Pourtant, deux des produits obtiennent le qualificatif de « Bon » quand les trois autres sont jugés « Médiocre ». Quelle différence majeure retrouve-t-on ? Les deux produits qui sont gratifiés des meilleures notes sont labellisés "bio" et non les autres. « Le Bio fait passer votre fromage noté par Yuka de "Médiocre" à "Bon", soit plus 20 points (de plus) » décrypte Thibault Fiolet. La préférence de Yuka pour les produits bios n’a jamais été dissimulée par les promoteurs de l’application. Cependant, « le Bio est censé représenter 10 % de la note Yuka » relève Thibault Fiolet. Or, les différents tests réalisés par le blogueur semblent suggérer que l’avantage conféré par le bio pourrait être plus important encore. « Yuka encourage clairement à consommer bio. (…) J’ai aussi vu une pâte à tartiner Bio à 26g de sucres/100 g obtenir le score de 82/100 et le qualificatif d’Excellent », cite-t-il entre autres.

Un peu moins pollués sans doute, et alors ?

Cette situation n’est pas sans susciter quelques interrogations, puisque ce parti pris repose sur la conviction que l’alimentation bio offre réellement des avantages pour la santé. Or, comme Thibault Fiolet l’a longuement rappelé sur son blog des incertitudes fortes existent sur ce point. « Répondre à la question sur les bénéfices santé du bio est très difficile voire impossible pour le moment » estime-t-il dans une longue note de blog publiée il y a quelques mois. Citant les études comparatives concernant les différences nutritionnelles entre les aliments bio et les aliments classiques, il relève que « les aliments conventionnels sont plus riches en azote que les aliments cultivés en bio. Les aliments bio sont plus riches en phosphore et en composés phénoliques. Les produits d’origine animale (lait, viande) sont plus riches en oméga-3 (…). Il n’y a pas de différences importantes pour les vitamines ou les macronutriments ni les éléments minéraux. La méta-analyse de Baranski (2014) a constaté des concentrations plus élevés en glucides totaux et en vitamine C (+6%) et plus faibles en vitamines E (-15%), en protéines, fibres dans les cultures bio. A la différence de la revue systématique de Smith-Spangler qui n’a pas détecté de différences pour les vitamines ». Forts de ces conclusions générales, il affine en notant que « L’argument du bénéfice nutritionnel n’est donc pas énormément significatif excepté pour la viande et le lait bio et les oméga-3 ». Concernant les substances indésirables, et notamment les pesticides, il confirme que « la plupart des études laissent penser que les aliments bio sont moins contaminés en résidus de pesticides, mais il reste cette grande question : est-ce que cette diminution de l’exposition alimentaire aux résidus de pesticide est associée à un bénéfice pour la santé ? ». Sur ce point, les réponses sont loin d’être tranchées.

De la même manière, Thibault Fiolet rappelle les nombreuses limites des études observationnelles qui seraient en faveur d’une alimentation bio. « En effet, les consommateurs du bio peuvent avoir un mode de vie global plus sain (…). Les bonnes études épidémiologiques prennent en compte ces facteurs de confusion par des méthodes statistiques avancées mais il subsiste la possibilité qu’une différence non assimilée entre les deux groupes (autre que consommer bio) puisse être à l’origine des différences de santé observées ». Ainsi, le jeune ingénieur conclut que les données disponibles ne permettent pas d’affirmer que privilégier une alimentation bio confère un avantage certain pour la santé. Il remarque que la priorité est bien plus certainement de diversifier son alimentation : « S’inquiéter de savoir si on a 25 % d’antioxydants ou -10 % de résidus de pesticides dans les fruits biologiques est trivial si on ne consomme pas de fruits et légumes au départ ».

Du risque d’intégrer les additifs

Dès lors, face à l’incertitude de ces données, on peut s’interroger sur la pertinence d’accorder un poids si prépondérant au label bio dans la classification des aliments de certaines recommandations.

Mais cette préférence accordée au bio n’est pas la seule critique que certains observateurs adressent à Yuka. L’auteur du blog Projet Utopia avait également consacré un long article à cette application pour en évoquer les limites. Il avait notamment souligné, à l’instar de beaucoup d’autres, le choix discutable de Yuka de baser 30 % de son évaluation « sur la nocivité des additifs alimentaires. Leur volonté d’indépendance les pousse à ne pas se fier aux instances de sécurité sanitaires, telles que l’EFSA (Europe) ou l’ANSES (France), mais plutôt à des livres de nutritionnistes ou aux rapports d’associations indépendantes telles que l’UFC Que Choisir. C’est clairement un tort. Comment parler de sécurité alimentaire en niant le travail des gens… dont c’est le travail ? Si la crainte du conflit d’intérêt les empêche de se fier à 100% à ces instances, ils devraient au moins les intégrer dans la balance d’une manière ou d’une autre, car la complexité de la science, et les spécificités de la toxicologie, de la sécurité alimentaire et de la santé ne peuvent être maîtrisées que par des spécialistes de ces domaines », remarquait l’auteur. Ce dernier regrettait plus généralement que les choix de Yuka révèlent trop souvent une confusion entre danger et risque. A cet égard, il estime qu’il « serait intéressant (…) que Yuka intègre la notion de Dose journalière admissible dans son évaluation des substances (…). Même si cela demande un investissement, ça permettrait au consommateur de calculer, ne serait-ce qu’approximativement sa propre consommation de telle ou telle substance et de la comparer à la limite conseillée par les agences sanitaires (même si en réalité la DJA est posée avec un facteur de sécurité très large qui rend son dépassement peu inquiétant). L’équipe de Yuka pourrait s’entourer de personnes avec un bagage scientifique solide dans les domaines abordés (toxicologie, sécurité alimentaire, etc), et pas uniquement des nutritionnistes… Ils pourraient aussi, pourquoi pas, travailler en collaboration avec Que Choisir, en se basant sur les données brutes fournies par les analyses en laboratoire afin de connaître la teneur en contaminant de tel ou tel produit, plutôt que de se baser sur les comptes rendus appauvris publiés dans leur magazine… », avait recommandé l’auteur du blog. Néanmoins ce dernier ne condamnait pas de manière définitive Yuka, remarquant que l’outil peut se révéler utile, notamment dans un cadre comparatif ou dans une optique d’améliorer la lisibilité d’étiquettes souvent confuses.

Des données erronées et des méthodes de calcul opaques au menu

Les problèmes posés par le succès d’une application telle que Yuka quant à la fiabilité de l’information transmise aux consommateurs ont été plus récemment dénoncés par l’épidémiologiste Mathilde Ceren, du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques qui coordonne la cohorte NutrinetSanté. Dans un article récemment publié par l’INSERM, elle critiquait sévèrement : « Les informations des applis de notation alimentaire sont multiples et leur validité scientifique très variable. Certaines "lissent" à leur façon les résultats du Nutri-Score, ce qui n’est pas acceptable. D’autres modifient les scores selon les procédés de production ou la composition en additifs, sans fondement scientifique. Ces amalgames sont dangereux. La fiabilité de l’information pour le consommateur est en jeu ». De son côté, Nicole Darmon, nutritionniste et directrice de recherche l’INRA observait : « Beaucoup d’applis nutritionnelles se fondent sur des données erronées ou incomplètes, dont même Open Food Facts est truffée, ou inventent leur propre classement en toute opacité. Avec ces outils, notre rapport à l’alimentation s’individualise, le plaisir et la spontanéité cèdent la place à l’inquiétude et à la norme, ce qui pourrait favoriser un comportement ultrarationnel, potentiellement source de déséquilibres nutritionnels ».

Ainsi, alors que beaucoup veulent croire que des outils comme Yuka témoignent d’une responsabilisation des consommateurs face à leur alimentation, on peut mesurer que dans ce domaine comme dans tant d’autres, certaines bonnes intentions doivent parfois être appréciées avec modération.

Pour en savoir plus vous pouvez relire :
Les tweets de Thibault Fiolet
https://twitter.com/T_Fiolet/status/1217121264994787328
Le blog de Thibault Fiolet
https://quoidansmonassiette.fr/faut-il-manger-bio-pour-etre-en-bonne-sante-mieux-manger/
Le blog Projet Utopia
http://projetutopia.info/episode-4-yuka-est-il-fiable/
La revue de l’INSERM
https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/peut-on-laisser-nos-assiettes-applis

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (12)

  • Cette application a le mérite d’exister

    Le 18 janvier 2020

    Encore un article à charge de ceux qui ne font pas contre ceux qui font. Certes Yuka n’est pas parfait mais cette application a le mérite d’exister là ou les pouvoirs publiques voir les distributeurs d’alimentation eux même devraient être présents. Je me sers assez régulièrement de cette application et dans les grandes ou moyennes surfaces où il est bien difficile d’y voir clair (au sens propre comme au figuré) c’est quand même très utile. Ensuite se fournir en produits bio (avec un vrai label) c’est avant tout un acte militant pour aider financièrement ceux qui ont opté pour le mode d’agriculture du futur le plus raisonnable. Donc aidons les.

    Dr Bounioux, Médecin retraité.

  • A l'instinct, dans le doute…

    Le 18 janvier 2020

    Certes...mais j'habite la plaine céréalière de Caen, et quand je vois ce que déversent les agriculteurs sur nos légumes, nos blés et même nos fruits, c'est curieux, mais je me sens attiré par le label bio...Alors, je me garderai bien de juger, mangez ce que vous voulez, mais des millions de "basiques" comme moi ont la trouille et mangent bio... Ainsi va le monde, à l'instinct, dans le doute…

    Alain Cantel

  • La science et la croyance encore une fois

    Le 18 janvier 2020

    Article très intéressant et complètement à contre courant de la propagande actuelle. J'emploie le terme propagande volontairement car on est au delà de l'information quand les écolos répandent des contre vérités à longueur de médias.

    Que le bio soit l'agriculture du futur, j'en doute quand on a besoin de surfaces 4 fois supérieurs pour produire autant. Avec ce type de culture il est certain que la population mondiale va décroître car il sera impossible de nourrir tout le monde. Quant aux "basiques" qui ont la trouille, qu'ils se renseignent auprès de scientifiques ou de sites donnant la parole aux scientifiques. Et ce n'est pas parce qu'on "déverse" sur les cultures des produits qu'ils subsiste des résidus dangereux de ces produits au moment de la consommation. Pour rappel on déverse infiniment moins de produits maintenant qu'il y a 10 ou 20 ans (…).

    Jean-Pierre Guichard (pharmacien)

  • Consommer bio français

    Le 18 janvier 2020

    Plus les gens consommeront du bio français et plus les agriculteurs passeront au bio, pour plus le plus grand bien des riverains de champs (je prêche pour ma paroisse), et de ceux qui n'en peuvent plus d'avoir des résidus de pesticides à des taux tellement élevés dans les forages d'adduction d'eau potable que les distributeurs doivent couper plusieurs provenances pour pouvoir continuer à distribuer (grandes discussions dans les réunions de conseil municipal).
    Et n'oublions pas que la maladie de Parkinson et le lymphome non-hodgkinien sont des maladies professionnelles reconnues pour les agriculteurs et leurs salariés. Consommer bio c'est ne pas les exposer inutilement.

    Dr Eve Beratto

  • Encore du déni

    Le 19 janvier 2020

    Faire encore du déni sur la nocivité des pesticides alors là je n’en reviens pas. Les lobbies font très bien leur travail. Bravo la science ! Effectivement arrêtons de saccager la terre et les animaux qui la font vivre et on peut tout à fait cultiver hors sol sans pesticides pour nourrir la planète. Que les scientifiques qui nous expliquent que les pesticides sont bons pour la terre et tous les etres vivants sortent de leur zone de confort et arrêtent de raconter n’importe quoi !

    Pascale Brun

  • Et l'impact environnemental ?

    Le 19 janvier 2020

    Je suis surpris de cet article qui dénigre autant les techniques bio. D'une part pour avoir visité une dizaine de maraîcher bio de mon territoire, je constate que leur travail prend soin de la terre, et de la qualité des produits. En conventionnel, vu les bas prix, le producteur est contraint de négliger le masse organique, donc la fertilité de la terre, ainsi que la microbiologie en faisant des apports d'intrants et pesticides. L'absence de label fait que les produits conventionnels qui poussent rapidement, et sont sélectionnés pour leur poids, non pas pour leur goût en fait un aliment dégradé. Les pisseurs de glyphosate peuvent témoigner, tel ce garçon qui avait 14 fois plus de cette molécule dans son urine que le seuil tolèré dans l'eau du robinet.
    S'agissant de cette eau, je peux certifier que notre nappe de Beauce est polluée pour des dizaines d'années, et que je suis contraint de boire cette eau chargée d'atrazine, substance interdite depuis plus de 15 ans. Plusieurs fois par an, des molécules de phytosataires sont interdites, après avoir été mises sur le marché. Cela signifie que l'on joue avec la santé publique, en laissant l'industrie agro chimique faire ses propres tests avant mises sur le marché d'un nouveau produit.

    L'effondrement de bio diversité est dû principalement aux pesticides, l'appréciation PARCEL permet de mettre en evidence que 37% de la bio diversité peut être restaurée, grâce à un territoire que se convertit à la culture bio.

    Aujourd'hui, on se pose la question à quelle distance des habitations, les traitements des cultures sont tolérés. La question ne se pose pas en bio. Par ailleurs, l'article ne parle pas de la mortalité des agriculteurs, liée à l'utilisation des phytos!

    Si on regarde du côté de la quantité de GES, notre alimentation représente près de 30% des GES. Une part significative est due aux intrants, mais aussi aux serres chauffées, et au transport. Les personnes sensibles à manger bio s'attachent souvent à manger local, leur impact est moindre que dans le conventionnel.

    Il est urgent de penser global quand on a le choix de ce que l'on met dans son assiette, manger c'est un acte citoyen qui peut devenir éco responsable, s'il mange bio.
    Cette article passé complètement à côté c'est assez regrettable.
    L'application Yuka prend alors tout son sens!

    Pascal Haran

  • Question de confiance

    Le 19 janvier 2020

    Les premières et les dernières réactions expliquent bien l'utilité de manger des produits alimentaires les plus sains possibles.
    Il me semble aussi que des applis comme Yuka apportent une réponse, peut-être insatisfaisante, aux demandes d'information des consommateurs: pour quelles raisons les pouvoirs publics ne donnent-ils pas l'information la plus rigoureuse et accessible possible.
    Il est vrai qu'une information émanant des pouvoirs publics est souvent suspectée, car depuis de nombreuses décennies pour des raisons d'Etat ou pour complaire aux industriels (de l'agro-alimentaire, de la pharmacie, ou du BTP notamment), les pouvoirs publics ont nié l'impact nocif de certains produits pour la santé ou différé des décisions visant à préserver la santé de la population, quand ils n'ont pas repris purement et simplement à leur compte les mensonges des coupables (amiante, essais nucléaires du Pacifique, Tchernobyl, Médiator,...).

    Cette méfiance est donc ancrée car c'est bien souvent des professionnels courageux, des assocations de victimes ou des lanceurs d'alerte qui ont fait bouger les choses.
    Enfin il faut bien dire que ces mêmes pouvoirs publics n'imposent guère d'informations lisibles pour le grand public sur l'étiquetage des produits alimentaires…

    Comment s'étonner que tant de personnes préoccupées de manger le plus sainement possible consulte Yuka, dont je n'ai personnellement pas compétence pour juger de la qualité des avis.

    Jacques Marescaux

  • L'enfer est pavé de bonnes intentions

    Le 21 janvier 2020

    L'intention de Yuka est louable, et c'est assurément une bonne idée de donner au consommateur un outil ergonomique et indépendant pour remplacer l'étiquetage abscons que la réglementation demande aux producteurs.

    Mais l'immense travail nécessaire pour élaborer correctement un tel outil aurait du précéder sa diffusion. Il est bien loin d'être fiable, ni le moins du monde objectif. En l'état actuel, il rend un service à peu près nul, ce qui n'est guère surprenant quand on voit l'amateurisme confondant de ses concepteurs. On lui reconnaîtra toutefois le mérite d'avoir enclenché une dynamique potentiellement vertueuse.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Avocate ?

    Le 26 janvier 2020

    Comme à son habitude Mme Aurélie Haroche affirme et juge, en bonne avocate de la grande industrie.

    Ludovic Parvil

  • Yuka connais pas !

    Le 26 janvier 2020

    Curieuse nature humaine tout de même, qui pousse d’aucuns à enfourcher leur balai pour aller défendre furieusement leurs certitudes alors même qu’elles ne sont pas attaquées … L’article d’Aurélie Haroche (JIM du 18/01/ 20 concernant Yuka) très bien documenté, me paraît tout à fait défendable.
    Je lis régulièrement JIM pour l’intérêt de ses articles, mais aussi pour les commentaires qu’ils inspirent. Là, j’y retrouve avec plaisir des opinions convergentes ou divergentes, toutes bien écrites et pondérées, malgré parfois certaines colères retenues. J’aime à y voir l’association d’une culture scientifique passionnante et ce qu’on appelait la « maîtrises des humanités » …Je ne sais pas si le modérateur laissera passer mon message, mais je resterai fidèle quand même !

    Or donc, de quelles sciences (médicales, c’est le sujet tout de même) nous parle notre pharmacien répondant avec hauteur aux « basiques »:) ???? Du thalidomide ? Du distilbène ? Tous deux si aimablement tératogènes (même si les propriétés antiangiogènes du premier lui redonnent des couleurs). Du Vioxx , cet ami du coeur ? Du Médiator autre ami du coeur ? Et de tant d’autres plus médiatiquement discrets mais quand même sournoisement mortifères. On sait tous que c’est au prix de ces douloureuses expériences que la science avance, parfois.

    Alors, certitudes aujourd’hui, erreurs funestes demain. Et à ce propos, mes lointaines humanités me rappellent que La Rochefoucauld estimait (de mémoire !) qu’on ne défend jamais aussi bien une opinion que lorsqu’on en est le moins sûr.

    Mais revenons à Yuka. Alors que je visitais le producteur de pommes d’un village voisin, m’étonnant de l’arsenal chimique entreposé dans un coin de son hangar, il me fit cette confidence : « Combien de fois croyez vous que j’aie traité mes vergers cette année ? Trente neuf fois ! » .
    Sidéré par ma naïveté autant que par les chiffres, je lui ai fait répéter. « Oui, trente neuf fois. Vous savez, on est obligé de traiter toute l’année, les fleurs, les racines, les troncs, les fruits encore et encore, et même évidemment, la concurrence herbacée. Sans cela les gens ne nous les achèteraient pas ».

    Ce n’est malheureusement qu’un exemple parmi d’autres.
    Alors, invoquer la Science pour nous faire admettre que ces traitements ne font que ruisseler sur les fruits et les légumes ainsi aspergés et que la terre ne s’en trouve pas gorgée me paraît relever de l’incantation.

    En tant que vieux baby-boomer, j’ai connu de vieux apothicaires méticuleux préparant potions, sirops pommades et onguents au fond de leurs officines. Cet aspect créatif, associant des sciences médicales conjointes ne manquait pas de grandeur et justifiait le respect. De nos jours, je constate que les pharmaciens sont surtout le nœud indispensable entre « big pharma » et les légitimes angoisses des patients. Néanmoins je l’espère, nombreux sont conscients du sérieux de leur rôle de contrôle des ordonnances du M.G. débordé et de l’assistance technique et empathique due aux malades. Mais on rencontre aussi hélas des potard pontifiants derrière leurs comptoirs, les yeux rivés sur leurs comptes.

    Les pharmaciens ne vont plus si bien qu’autrefois paraît il, économiquement parlant. Faut comprendre. Mais la pratique médicale à tous niveaux est supposée être une science engagée auprès des souffrants. Être contraint à faire du chiffre ne justifie pas l’abandon de cette règle. Et connaître la formule du lauryl ester sulfate de sodium (en clair, du savon) n’empêche pas de … se laver les yeux !:)

    Je veux dire bien sûr que les certitudes me paraissent être, en vieillissant, surtout l’indice d’une indigence intellectuelle.
    Pourquoi ne pas profiter de la formidable et très respectable formation pharmaceutique pour exercer son esprit critique, avec ténacité et acuité, sans tabous, une fois le comptoir fermé (ou les cornues rangées...)? La noblesse médicale est à ce prix.
    Je suis bien sûr (mais cette certitude est molle ), que je n’ai aucune chance de vous convaincre Monsieur le Pharmacien. Sauf, peut-être, en ajoutant « docteur » devant mon patronyme , et encore !:)

    Il est bien entendu que « bio-préventifs » ou « bio sceptiques » , nous allons tous mourir un jour, d’un infar brutal, d’un AVC hémorragique ou pas, d’un choix multiple de pathologies sournoises ou des conséquences de nos addictions … Le jour et l’heure, savants ou béotiens (ou basiques ..), pas de sursis.
    Alors oui, on sait depuis belle lurette que l’air qu’on respire est tout sauf bio, que nos pluies sont chargés, que nos sols sont médiocres, que les vieilles vaches (6 ans !) surexploitées, bourrées d’AB et d’hormones qu’on nous vend pour du bœuf ne sont qu’un pur produit marketing, à tel point qu’on se demande si on peut y trouver encore un peu de cobalamine, que nos poissons sont gavés de métaux lourds et de plastiques etc … Mais cela dispense t-il de manger avec prudence, et de se défier de Monsanto-Bayer et / ou Unilever et consorts ?
    Ce n’est pas aussi une forme de prophylaxie ça ?

    Alain Cantel (IDE)

  • Gardons raison...

    Le 27 janvier 2020

    Certes, Yuka est pro Bio...
    Certes, Yuka est perfectible...
    Mais enfin, qui peut encore croire qu'ingérer quotidiennement pesticides et additifs chimiques, qui n'ont d'autres but qu'accroitre les profits de l'agroalimentaire, soient bénéfiques pour la santé, sinon inoffensifs ?

    Jean Paul Vievard (Biomédical CHU de Bordeaux)

  • Ouvrez les yeux

    Le 27 janvier 2020

    Le bio n'est peut etre pas meilleur pour la santé de l'homme, mais il l'est au moins pour la santé des vers de terre et des insectes!
    Quant aux additifs, lisez le livre d'Anthony Fardet, chercheur à l'INRA pour comprendre tous les "bienfaits" de la nourriture industrielle
    que les septiques continuent à s'intoxiquer si ça leur chante.
    Il y a 70 ans, certains disaient que le tabac n'était pas nocif et qu'il ne fallait pas écouter les lanceurs d'alerte.

    Dr F Nicolas

Réagir à cet article

Les réactions sont réservées aux professionnels de santé inscrits et identifiés sur le site.
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.


Lorsque cela est nécessaire et possible, les réactions doivent être référencées (notamment si les données ou les affirmations présentées ne proviennent pas de l’expérience de l’auteur).

JIM se réserve le droit de ne pas mettre en ligne une réaction, en particulier si il juge qu’elle présente un caractère injurieux, diffamatoire ou discriminatoire ou qu’elle peut porter atteinte à l’image du site.