Prolégomènes à toute astronautique future

Paris, le lundi 7 novembre 2016 - Le 28 août 2016, l’astrobiologiste français Cyprien Verseux [1] et ses cinq compagnons ayant participé à une simulation terrestre du voyage interplanétaire vers Mars ont retrouvé l’air libre, un an après leur confinement volontaire dans une base aménagée sur les flancs du volcan Mauna Loa (Hawaï, États-Unis). Responsable scientifique d’un programme analogue de la NASA (le projet Haughton-Mars, dans une base au nord du Canada), Pascal Lee[2], un autre Français, assimile ces expériences (menées depuis de nombreuses années dans divers milieux plus ou moins hostiles : déserts, bases polaires en Arctique ou en Antarctique, « sans oublier les occupants de l’ISS », la station spatiale internationale...) à des « croisières psychologiques. » Censées préparer le vrai voyage vers la planète Mars (toujours repoussé vers un futur meilleur, pour des raisons technologiques, et surtout économiques), ces missions préalables sont parfois entourées d’un « intense battage médiatique qui n’est pas sans rappeler celui des émissions de télé-réalité. » Pendant plusieurs mois (voire près d’un an et demi, la durée prévisible d’un aller-retour sur Mars), des volontaires des deux sexes sont enfermés pour une expérience de simulation. Les réactions à l’enfermement sont étudiées : on note ainsi, selon les phases du vol simulé pour Mars, une « diminution progressive des sourires » puis une augmentation des « gestes collatéraux », à valeur probable de « soupape pour évacuer le stress : se gratter le nez, se toucher le front, etc. » Des psychologues confrontent les enseignements de ces prolégomènes à toute astronautique future (pour paraphraser le titre d’Emmanuel Kant[3]) à ceux des observations (parfois couvertes par le secret-défense ou la confidentialité de l’instruction judiciaire) déjà réalisées dans d’autres situations d’enfermement, volontaire ou non : détenus en prison, équipages de sous-marins nucléaires, personnel hivernant dans une base polaire (comme Concordia[4], en Antarctique)... La sélection des astronautes constitue un domaine où la psychiatrie pourra concourir à la réussite d’un futur (vrai) voyage martien, en limitant le risque de recruter un astronaute pouvant connaître une décompensation psychiatrique. Il sera donc impératif de détecter soigneusement une personnalité pathologique pouvant compromettre le bon déroulement d’une mission. Pour optimiser l’entente dans l’équipe, on estime qu’il faudra « varier les profils pour mieux appréhender l’effet du multiculturalisme des équipages. » Et pour prévenir certaines difficultés rencontrées dans ces microcosmes lors de telles simulations (et aussi dans la constitution des équipes de football), comme « l’augmentation des actions personnelles, et la baisse des interactions au sein du groupe », autrement dit pour contrer la tendance au « jeu personnel », au détriment du bon travail d’équipe, on a proposé que chaque astronaute prépare, à tour de rôle, « des repas typiques de ses origines culturelles. » Cocorico ! L’expert américain Robert Zubrin[5] estime qu’« il serait utile, pour bien manger, d’avoir un astronaute français à bord des missions martiennes. »  

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyprien_Verseux & https://walking-on-red-dust.com/
[2] https://en.wikipedia.org/wiki/Pascal_Lee
[3] https://fr.wikisource.org/wiki/Prol%C3%A9gom%C3%A8nes_%C3%A0_toute_m%C3%A9taphysique_future
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Base_antarctique_Concordia
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Zubrin

Dr Alain Cohen

Référence
Denis Delbecq : Et si simuler un voyage vers Mars était inutile? Ciel & Espace n°548, (Juillet/Août 2016): 28–35.

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