
Paris, le samedi 17 décembre 2021 - Le hasard construit
souvent les destinées. Ce fut presque le cas pour Marion Leboyer.
Celle qui incarne pour beaucoup une figure incontournable de la
psychiatrie aurait en effet pu être réanimatrice en neuro
pédiatrie. C’est en tout cas l’ambition qu’elle poursuivait
l’internat en poche, mais les rares places ouvertes avaient toutes
été prises.
C’est donc avec l’idée que cette spécialité était quasiment
l’opposée de celle qu’elle aurait préférée, qu’elle choisit la
psychiatrie.
La recherche en hérirage
Voilà pour le hasard. Cependant, il est très probable que même
en neuro-pédiatrie, Marion Leboyer aurait rapidement associé son
activité clinique à des travaux de recherche. Celle qui vient de
recevoir le grand prix de la Fondation INSERM aime à raconter que
la recherche médicale se transmet un peu comme une spécificité
génétique dans sa famille. Son père était en effet l’un des grands
noms de l’histoire économique, sa mère professeur d’université en
psychologie du travail et son oncle un obstétricien connu pour
avoir développé une méthode d’accouchement sans douleur. « Chez
moi, on parlait recherche matin, midi et soir. Et il n’y avait pas
d’autre institution que l’Inserm pour mener des recherches
médicales » explique-t-elle.
Comme les autres
Les travaux du docteur Leboyer, s’ils ont concerné un grand
nombre de maladies (de la schizophrénie à l’autisme en passant par
la bipolarité) convergent tous vers la même idée que les maladies
mentales sont des pathologies comme les autres et ne doivent donc
pas être abordées différemment. Or, jusqu’à un passé pas tout à
fait révolu, elles demeuraient encore largement méconnues et
l’objet de prise en charge en décalage avec les pratiques médicales
habituelles. Créatrice du laboratoire Inserm Neurologie et
Psychiatrie à la faculté de médecine de l’Université Paris-Est
Créteil, cette travailleuse acharnée a notamment multiplié les
travaux sur l’identification de gènes du système immunitaire
impliqués dans différentes maladies génétiques. Aujourd’hui, elle
dirige depuis 2007 avec Stéphane Jaman le laboratoire
Neuropsychiatrie translationnelle qui compte 62 collaborateurs
répartis en cinq groupes.
Sur mesure
Mais l’engagement de Marion Leboyer ne s’arrête pas à la
recherche : à travers la fondation FondaMental qu’elle a créée en
2007, elle s’investit également largement en faveur de
l’amélioration de la prise en charge des patients, avec pour
objectif ultime la volonté de développer des soins sur mesure,
comme il en existe dans d’autres spécialités. La fondation
FondaMental œuvre également pour la construction d’un nouveau
regard sur les maladies mentales.
Priorités
Si elle a récemment dénoncé l’état très difficile des soins
psychiatriques français, à la faveur des inquiétudes suscitées par
l’augmentation des demandes de prises en charge liée à l’épidémie,
le Dr Leboyer demeure souvent en marge des combats politiques qui
animent parfois certains de ses confrères, par exemple sur les
questions sécuritaires et juridiques. « Je n'ai pas eu le temps.
Déjà, je travaille vingt heures sur vingt-quatre, et là je suis
très en colère contre les fermetures programmées dans mon service »
avait-elle ainsi répondu à Libération en 2011 quand plusieurs de
ses confrères se mobilisaient contre les mesures voulues par
Nicolas Sarkozy concernant notamment la réforme de
l’irresponsabilité pénale. Sa réponse était une manière assez
claire de signaler ses priorités.
A.H.