Surveillance des naevus en pharmacie : tous les dermatologues ne l’ont pas dans la peau
Paris, le mardi 26 juin 2018 – Chaque année à l’occasion de
l’opération de dépistage gratuit des mélanomes, les dermatologues
peuvent constater d’une part que ces cancers semblent en
progression et d’autre part que pour diverses raisons la
surveillance des naevus n’est pas encore devenue un réflexe
chez nos concitoyens. L’ignorance du risque signalé par certaines
lésions et dans de nombreuses localités le difficile accès aux
dermatologues (en particulier à ceux installés en secteur 1)
expliquent ce retard. Face à cette situation, toutes les solutions
promouvant la surveillance des grains de beauté sont-elles à
encourager ?
La mise au point d’applications numériques de plus en plus
performantes a rendu possible une structuration différente du
dépistage. Ainsi, depuis le début du mois de juin, trois pharmacies
de l’enseigne Pharmabest, situées à Paris, Marseille et Alès, avec
le soutien du Syndicat national des dermatologues-vénérologues
(SNDV), proposent à leurs patients d’adresser à des dermatologues
partenaires, des clichés obtenus par dermatoscopie des
naevus qui les préoccupent. Une fois analysées, les images
font l’objet d’un compte-rendu et si nécessaire d’un
rendez-vous.
D’une manière générale, les patients sont systématiquement
invités à faire examiner l’ensemble de leur peau par un
dermatologue. Le coût de ce service est de 29 euros non pris en
charge par l’Assurance maladie ou les complémentaires.
Contre-productif ?
Salué par le Syndicat national des dermatologues vénérologues
comme un programme positif, permettant de sensibiliser les patients
à l’importance d’une surveillance régulière et contribuant à
pallier les difficultés d’accès aux spécialistes grâce à la
proximité du pharmacien, le système n’est pas unanimement
plébiscité. La Société française de dermatologie (SFD), la
Fédération française de formation continue en dermatovénéréologie
(FFFCEDV) et le Collège des enseignants en dermatologie de France
(CEDEF) viennent ainsi de regretter dans un communiqué commun «
une initiative conçue par un groupement pharmaceutique privé et
ne s'appuyant que sur un tout petit nombre de dermatologues ».
La taille du dispositif est le principal élément épinglé par les
trois sociétés savantes. « Ce dispositif n’aura aucun bénéfice
pour la santé publique » juge ainsi Pascal Joly, président de
la SFD. Il considère même que le programme pourrait être
contre-productif « parce que les gens vont montrer des lésions
spectaculaires, or, souvent, les mélanomes n’en sont pas. Ils
risquent d’être faussement rassurés ».
Le SNDV ne partage pas ces réticences, considérant au
contraire que l’accompagnement du pharmacien est un gage de sérieux
et que son rôle est justement d’orienter les patients le mieux
possible.
La polémique (attendue !) témoigne certainement des
bouleversements suscités par l’arrivée des nouvelles technologies
et par les partages de compétences qu’elles favorisent.
"D’une manière générale, les patients sont systématiquement invités à faire examiner l’ensemble de leur peau par un dermatologue." Avoir un rendez-vous pour un vrai problème dermatologique est déjà difficile à cause de la pénurie dans certains territoires... alors pour un contrôle systématique, c'est à l'image de la prévention en France : beaucoup de belles paroles et peu de moyens en face.
Que ce soit pris en charge ou non par la CPAM est aussi un autre frein, le signe d'une médecine à au moins 2 vitesses... Rien de nouveaux sur la planète médecin made in France.