Les alertes d’Agnès Buzyn ont-elles été ignorées par les têtes de l’exécutif ?
Paris, le mercredi 26 octobre – Le journal « Le Monde » publie une
enquête fleuve sur le rôle d’Agnès Buzyn au début de la crise
sanitaire. Ce travail journalistique se base sur : un journal (de
600 pages !) rédigé par Agnès Buzyn entre fin 2019 et l’été 2021
qui constitue une pièce du dossier de la Cour de justice de la
République (CJR) dans l’affaire de la gestion du Covid 19, une
interview de l’ex-ministre de la Santé et des entretiens avec
l’entourage du Président de la République.
Rappelons qu’à ce jour, le Pr Agnès Buzyn est la seule personnalité
publique à être mise en examen pour « mise en danger de la vie
d’autrui » dans cette affaire. L’ancien Premier ministre Edouard
Philippe a été placé sous le statut de témoin assisté et
l’ex-ministre de la santé Olivier Véran, lui aussi visé par cette
instruction, n’a pas encore été entendu par les magistrats.
11 janvier 2020 : première alerte à l’exécutif
Le journal du Pr Buzin commence le 25 décembre 2019. La
ministre de la Santé, alors en villégiature en Corse prend
connaissance de l’existence de quelques cas de pneumopathie
inexpliqués en Chine. Elle transmet alors l’information au Pr
Jérôme Salomon (directeur général de la santé) et lui demande de
« suivre cela ». Le 2 janvier, la veille du Centre
opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et
sociales est activée.
Selon son journal, Agnès Buzyn prévient le 11 janvier les deux
têtes de l’exécutif. « L’information ne figure pas encore dans
les médias, mais ça peut monter » aurait-elle indiqué au président
de la République. « Je n’avais pas l’impression d’être entendue
», dit-elle, avant de tempérer : « A chaque fois que j’ai
réclamé à Edouard une réunion de ministres, je l’ai eue. Ça ne
voulait pas dire qu’il croyait à mes scénarios, à mes angoisses,
mais nous avons travaillé main dans la main et il me faisait
confiance, il n’a rien négligé. Le président a laissé le
gouvernement faire ».
Un premier message d’alerte sanitaire part en direction des
établissements de santé à la mi-janvier. Le 21 janvier, après avoir
été informée d’une possible transmission interhumaine, elle décide
de faire un point presse quotidien.
Fin janvier, ses messages se font plus insistants, alors que
les experts estiment à 3 % la mortalité de ce qui est encore appelé
« pneumonie à 2019-nCov ». « C’est beaucoup pour un virus
qui a une cinétique de type grippe », s’inquiète-t-elle auprès
de son directeur de cabinet le 25 janvier. Le même jour, elle
indique par SMS à Edouard Philippe et Emmanuel Macron qu’elle
souhaite s’entretenir d’urgence avec eux sur ce point, mais aucun
des deux ne donne suite.
27 janvier : la ministre prévoit 100 000 morts
Le 27 janvier, cinq jours après le confinement de Wuhan,
nouvelle alerte sous forme de SMS au chef de l’Etat dans lequel
elle parle de 100 000 morts potentiels en France, en prédisant «
pour l’instant, il s’agit encore d’une épidémie régionale : tous
les cas mondiaux viennent de la région de Wuhan. Le jour où nous
aurons des cas à l’étranger chez des personnes ne venant pas de
Chine, ce sera un tournant vers une pandémie mondiale.
»
Ce jour-là, Agnès Buzyn termine son message à Emmanuel Macron
en l’informant que ses services travaillent sur différents
scénarios afin d’« évaluer l’impact sur le système de santé et
anticiper ». En retour, le président la remercie pour sa «
clarté »…et lui dit tout le plaisir qu’il a eu à
rencontrer ses parents !
Le 30 janvier, Agnès Buzyn discute avec le Premier ministre
autour d’un café au Conseil économique social et environnemental,
elle lui aurait alors fait part de son mauvais pressentiment pour
la tenue des municipales. Le même jour elle alerte à nouveau le
Président qui lui répond en lui promettant un rendez-vous…qui
n’aura pas lieu avant le samedi 8 février.
« Face à moi une armée endormie »
Ce jour-là la ministre dépeint un avenir sombre à Emmanuel
Macron : « fermeture des frontières, arrêts des vols, perte de
10 points de PIB, arrêt de l’économie, le temps que le virus fasse
le tour de la Terre (« au moins un an »), mortalité importante
» rapporte Le Monde. Elle lui explique qu’un confinement sera
bientôt nécessaire, ce que lui reproche le secrétaire général de
l’Elysée qui s’étonne de son catastrophisme.
Peu avant son départ de l’Avenue de Ségur, le 16 février 2020,
elle écrit aux agences régionales de santé pour les mettre en
alerte « maximale » et déclenche le plan Orsan Reb
(Organisation de la réponse du système de santé en situation
sanitaire exceptionnelle Risque épidémique et biologique), qui
organise la mobilisation du système de santé. La plupart des
hôpitaux sont alors en grève, et « personne ne semble conscient
du danger ». « J’ai l’impression d’avoir face à moi une
armée endormie, je n’arrive pas à les secouer »,
raconte-t-elle.
Forcée de participer à une « mascarade »
Le 14 février, le retrait de Benjamin Griveaux de la course à la
Mairie de Paris, après la diffusion d’une vidéo scabreuse la
conduit, à la demande des têtes de l’exécutif, à se présenter à la
mairie de Paris alors qu’elle s’y refuse en raison de la situation
sanitaire. « Tous les arguments sont utilisés pour la faire
plier (…) Certains lui font (…) comprendre qu’elle pourrait ne pas
retrouver son poste au remaniement qui suivra les municipales, si
elle décidait de rester au ministère. Le président en personne
l’appelle à deux reprises dans la nuit du samedi 15 au dimanche 16
février», rapporte-t-elle. « Un véritable harcèlement »,
s’indigne un proche de l’ex-ministre relate Le Monde.
Jusqu’au premier tour, elle dit continuer à alerter les deux
plus hauts responsables du pays et lors d’une conversation
téléphonique avec Emmanuel Macron, le 29 février, elle regrette que
le gouvernement ne soit pas assez dans l’anticipation.
Le 10 mars, alors qu’E.Philippe est venu la soutenir dans sa
campagne parisienne chancelante, elle lui assène qu’il faut «
arrêter les élections ». Elle dira plus tard dans la presse que
ce scrutin était une « mascarade ».
Le 16 mars 2020, elle demande à Edouard Philippe d’annuler le
second tour : « Tout cela est déconnant ! Ne nous fais pas faire
une tambouille de deuxième tour quand la situation est si grave.
Nous avons été assez ridicules comme cela. »
Des déclarations publiques qui tranchent avec ces alertes
Dans Le Monde, elle résume : « Bien sûr, c’est facile de
dire après “j’avais tout vu”. Ce qui est certain, c’est que j’avais
un pressentiment, et tout le monde me disait que j’étais folle.
J’ai fais le maximum de ce qu’il était possible de faire à cette
période-là. » Elle ajoute : « Pendant toute la campagne,
j’ai continué d’envoyer des textos, d’alerter, mais j’ai senti que
je ne pesais plus rien et que je parlais dans le vide. Je n’étais
plus aux affaires et on me le faisait sentir ».
Elle se scandalise également qu’Emmanuel Macron ait pu donner
du crédit au Pr Raoult en lui rendant visite le 9
avril.
Rappelons pour équilibrer notre propos, ses déclarations du 21
janvier 2020, qui étaient loin de sonner l’alarme. Elle avait
affirmé que le risque d’introduction du virus en France était «
faible », sans pouvoir « être exclu » pour autant,
compte tenu des « lignes aériennes directes entre la France et
Wuhan ». « On m’a fait passer pour une idiote qui n’a rien
vu, alors que c’est l’inverse. Non seulement j’avais vu mais
prévenu. J’ai été, de très loin en Europe, la ministre la plus
alerte. Mais tout le monde s’en foutait. Les gens m’expliquaient
que ce virus était une “grippette” et que je perdais mes nerfs
» retorque-t-elle aujourd’hui.
La réalité de l’action d’Agnès Buzyn sera difficile à évaluer
par la Cour de justice de la république. Dans son rapport publié
fin 2020, la commission d’enquête du Sénat avait ainsi reconnu une
« mobilisation précoce » de la ministre de la santé, même si
ses « avertissements répétés » semblent « ne pas avoir
été écoutés ou suivis d’effets ». A l’inverse, les députés de
la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur la gestion
de la crise avait souligné une « sous-estimation du risque »
et un « pilotage défaillant ».
Un ministre intègre qui ne serait pas entendu a toujours le choix de démissionner. On ne réécrit pas l'histoire à sa convenance. Et quand on a un peu de décence on assume ou on se tait.
Dr S Martin
Toujours les prophètes du lendemain !
Le 26 octobre 2022
Tout le monde sait ce qu'il y aurait fallu faire et particulièrement en médecine. Et tout spécialiste est convaincu que sa solution est la meilleure ; les décideurs, même s'ils les écoutent, doivent faire un choix. Toute erreur est vue comme une faute (surtout par ceux qui ne sont pas informés de tous les éléments et encore plus par ceux qui ne connaissent rien à l'affaire ; les fameux yakafocon et honorédu). Il parait évident que, s'il y a eu dysfonctionnement, il faut savoir où et s'il y a faute, sanctionner. Mais je ne crois pas qu'une leçon positive ressorte de ce qui doit encore passer par le juridique dont la vérité est parfois surprenante pour les non-initiés.
Dr R Chevalot
Le temps est souvent juge
Le 26 octobre 2022
La société met parfois beaucoup de temps pour juger des actes criminels commis dans des périodes exceptionnelles, des dizaines d'années après comme cela a été le cas pour M. Papon ! Ceux qui, y compris, au plus haut sommet de l’État, ont fait volontairement des choix criminels (c'est criminel de faire volontairement peur à une population pour la manipuler, c'est criminel d'interdire à une population entière de se soigner, avec des conséquences évaluées à des milliers de morts supplémentaires par cancers ; c'est criminel selon le traité de Rome d'imposer des thérapeutiques non entièrement validées) dans cette période récente de pandémie, devraient savoir que l'impunité, liée à la fonction, fût-elle la plus haute, n'est pas toujours éternelle. Aux USA, certains médecins ont commencé à parler de crime contre l'humanité, avec cette vaccination, entre autre, mais aussi avec la gestion de la crise. Il ne fait aucun doute que le poids de l'opinion US, surtout si le clan démocrate perd les élections, peut moduler aux USA et secondairement dans le reste de l'occident, les opinions et jugements futurs, au fur et à mesure des enquêtes. La justice américaine est déjà passé outre, le secret de publication des documents, par "arrangement entre amis" obtenu par Pfizer... Un peu partout dans le monde on sent qu'il y a des frémissements pour faire toute la lumière sur ce qui s'est passé, politiquement, sur les corruptions, sur les manipulations... Il est donc compréhensible que ceux qui ont une responsabilité dans cette histoire récente tentent de minimiser leur rôle. Mme Buzyn débute une liste qui sera probablement longue si les choses enflent. Et ils vont tous, alors, se précipiter au portillon...