
Paris, le mercredi 29 novembre 2023 – Alors que l’endométriose a bénéficié d’une forte visibilité ces dernières années grâce à la mobilisation de nombreuses patientes, contribuant à une plus grande reconnaissance (même si beaucoup reste à faire), la maladie commence aussi à attirer les pseudo-thérapeutes et les experts autoproclamés en médecine alternative.
Une femme sur dix est atteinte d'’endométriose en France. Une maladie qui peut être particulièrement handicapante pour beaucoup de femmes, tandis que l’errance diagnostique reste encore longue et qu’il n'existe pour l’heure pas de réel traitement.
Face à cette situation, des groupes de « thérapeutes » — vrais professionnels de santé ou non — ont commencé à proposer des traitements, formations, stages et autres méthodes plus ou moins douteuses pour apaiser les douleurs. Une tendance qui préoccupe de plus en plus la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
Des formations à 1200 euros dans le viseur la Miviludes
Pour la journaliste Camille Grange, auteure des Lésions dangereuses (éd. du Lapin), un ouvrage-enquête sur le sujet, « le constat est aussi simple qu’un sophisme », résume-t-elle auprès de nos confrères du Figaro. « Les spécialistes de l’endométriose sont rares, ce qui est rare est cher, les spécialistes de l’endométriose sont chers ». Une rareté qui amène ainsi, parfois, les patientes à se tourner vers des médecines alternatives et des pseudo-thérapeutes.
Dans un rapport paru en 2022, la Miviludes s’est justement inquiétée de cette nouvelle vague autour du « féminin sacré » et des pratiques qui l’entourent. On retrouve des programmes proposant des formations à 1200 euros les 5 jours intitulés « Voyage au bout des sens ».
« Kiffe ton endométriose »
D’autres organisations profitent aussi de la tendance, comme la startup « Kiffe ton cycle », qui propose des formations en ligne payantes, allant de 79 à 225 euros. « Kiffe ta ménopause », « kiffe tes règles sans douleur », « kiffe ton endométriose »…
En y regardant de plus près sur leur site internet, cette dernière formation propose ainsi un « état des lieux » de la maladie, de modifier son alimentation, mais aussi de mieux contrôler ses émotions et de « vivre pleinement » malgré l’endométriose… La formation, délivrée par Gaëlle Baldassari, fondatrice de la startup et « consultante en psychologie du cycle menstruel » et Sophie-Laure Rigaldo, « naturopathe experte de la santé des femmes », a de quoi interroger — surtout eu égard au prix affiché.
Pourtant, la fondatrice de la startup expliquait aux Echos en début d’année que « si les femmes payent, c’est qu’il y a un besoin et qu’elles n’ont pas trouvé la réponse auprès de professionnels de santé », avant de demander que les services de sa startup soient « pris en charge par les mutuelles, au moins en partie ».
Le constat est similaire du côté de Pemlab, une boutique parisienne axée sur le « bien-être intime et menstruel ». À côté d’un commerce relativement banal de culottes menstruelles et d’huiles essentielles, les deux fondatrices, Léa Déturche et Julia Veneri, proposent également des consultations en tous genres avec des énergéticiennes, des coachs en nutrition, des naturopathes, des psychologues, des sexothérapeutes, des réflexologues… Au programme : des soins énergétiques, des massages ou des coachings en nutrition contre l’endométriose, facturés entre 70 et 120 euros la séance d’une heure à une heure et demie…
Pour Léa Déturche, là encore, on prétend répondre « à un besoin d’écoute que les femmes n’ont pas trouvé ailleurs ». Elle tient tout de même à tempérer la portée des services proposés par sa société : « on ne dit pas qu’on va soigner. Par contre, on peut aider à atténuer des symptômes, soulager des douleurs », a-t-elle affirmé à notre confrère des Echos. « Il existe une zone grise non pathologique, mais souffrante sur laquelle nous agissons avec Kiffe Ton Cycle », explique quant à elle Gaëlle Baldassari. « Je considère qu’on a plutôt tendance à ramener vers un parcours de soins ».
En définitive, ces deux formations — exemples parmi d’autres — suscitent un fort intérêt parce qu'il existe une souffrance chez beaucoup de femmes, mal prise en charge, incomprise ou simplement ignorée. Un constat d’autant plus vrai que, pour beaucoup, la reconnaissance de leur endométriose par le corps médical a pu relever du véritable parcours du combattant.
Raphaël Lichten