De nombreuses infections virales induisent des atteintes
neurologiques de type encéphalite, encéphalopathie toxique, lésions
démyélinisantes aiguës tardives (Michalicova et al., 2017,
Wright et al., 2008), infections des macrophages, de la
microglie ou des astrocytes à fonction immunitaire dans le SNC
(Al-Obaidi et al., 2018, Soung et Klein, 2018). Le
SARS-CoV-2, agent pathogène de l’actuelle pandémie est le septième
CoV connu pouvant infecter les humains ; les six autres sont le
HCoV-229E, le HCoV-OC43, le HCoV-NL63, le HCoV-HKU1, le SARS-CoV et
le MERS-CoV (Corman et al., 2019).
SARS-CoV
L’infection par le SARS-CoV qui a débuté en Asie et s'est répandue
dans le monde entier en 2003 a induit des polyneuropathies,
encéphalites et AVC ishémiques (Tsai et al., 2005). Des
études autopsiques ont mis en évidence un œdème cérébral et une
vasodilatation méningée chez la plupart des patients décédés. En
outre, ont été objectivés : une infiltration des monocytes et des
lymphocytes des paroi vasculaires, des lésions neuronales
ischémiques, des démyélinisations. Les particules virales du
SRAS-CoV et les séquences génomiques ont été détectées dans le
cerveau (Gu et al., 2005, Zhang et al., 2003).
MERS-CoV
Le MERS-CoV est connu pour être neuro-invasif. Une étude
rétrospective a montré que 25,7 % des patients atteints d’infection
à MERS-CoV ont développé une démence et 8,6 % des crises
d'épilepsie (Saad et al., 2014). Kim et al. ont
rapporté que près d'un cinquième des patients présentaient des
symptômes neurologiques en phase aiguë : troubles de la conscience,
paralysie, AVC ischémique, syndrome de Guillain-Barré. Les
complications neurologiques ne s'accompagnaient pas de symptômes
respiratoires, mais étaient retardées de 2 à 3 semaines (Kim et
al., 2017).
SARS-CoV-2
En sus des symptômes systémiques et respiratoires, 36,4 % (78/214)
des patients atteints de COVID-19 développent des symptômes
neurologiques, notamment céphalées, troubles de la conscience et
paresthésies. Les patients les plus graves seraient plus
susceptibles de développer des symptômes neurologiques que les
autres (Mao et al., 2020). En outre, les données autopsiques
ont révélé un œdème du tissu cérébral et une dégénérescence
neuronale partielle (Xu et al., 2020). Le 4 mars 2020,
l'hôpital Ditan de Pékin a signalé pour la première fois un cas
d'encéphalite virale causée par un nouveau coronavirus (CoV) avec
présence du CoV-2 dans le LCR authentifiée par séquençage du génome
(Xiang et al., 2020).
Des stratégies diaboliques
1) Via un effet cytopathogène direct
Le matériel génétique et même les protéines de divers virus peuvent
souvent être détectés dans des échantillons de tissus du système
nerveux (LCR, encéphale) ce qui suggère une invasion directe
(Koyuncu et al., 2013, Leber et al., 2016).
2) Via la voie hématogène
Il existe de rares preuves que le CoV, en particulier le CoV-2 du
SRAS, envahit le système nerveux par la voie hématogène (Koyuncu
et al., 2013, Desforges et al., 2019).
3) Via les terminaisons nerveuses
Les virus peuvent migrer en infectant les terminaisons nerveuses
sensorielles ou motrices, en réalisant une migration neuronale
rétrograde ou antérograde à travers les protéines motrices, la
dynéine et les kinésines (Swanson et McGavern, 2015). Un exemple de
voie neuronale est celle du transport neuronal olfactif.
L'organisation anatomique unique des nerfs olfactifs et du bulbe
olfactif dans la cavité nasale et le cerveau antérieur trace un
canal entre l'épithélium nasal et le SNC (Koyuncu et al.,
2013). En conséquence, le CoV peut pénétrer dans le cerveau par les
voies olfactives aux premiers stades de l'infection nasale
(Desforges et al., 2019, Mori, 2015), puis diffuser au
cerveau et au LCR par le nerf olfactif et le bulbe olfactif en 7
jours et provoquer une inflammation et une réaction de
démyélinisation.
4) Via l’hypoxémie
Dans le poumon le virus provoque une exsudation inflammatoire
alvéolaire et interstitielle diffuse, un œdème et la formation de
membranes, d’où une altération de l'échange gazeux alvéolaire, une
hypoxémie du SNC et une augmentation du métabolisme anaérobie dans
les mitochondries des cellules de l’encéphale (Abdennour et
al., 2012). L'accumulation d'acide induit à son tour une
vasodilatation cérébrale, un œdème cellulaire, un œdème
interstitiel, une obstruction du flux sanguin cérébral (Abdennour
et al., 2012) pouvant aller jusqu’à l’HIC et à l’AVC.
5) Voie immunitaire
Les lésions du SNC d’origine virale peuvent être médiées par le
système immunitaire (Klein et al., 2017), étroitement liées
au syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) lequel peut
être enclenché par la pneumopathie à CoV. En outre, le SRAS et le
COVID-19 ont entraîné un grand nombre de décès, la plupart étant
dus à des défaillances multi-viscérales d’origine immunitaire (Yin
et al., 2004, Chen et al., 2020). La persistance des
infections à CoV et leur capacité à infecter les macrophages, les
microglies et les astrocytes du SNC joueraient également un rôle
important. Un virus neurotrope peut activer les cellules gliales et
induire un état pro-inflammatoire (Li et al., 2004). Le
niveau d’IL-6 est positivement corrélé à la gravité des symptômes
de COVID-2019 (Wan et al., 2020).
6) Via l'enzyme de conversion de l'angiotensine
L'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE2) est un facteur de
protection vasculaire cardio-cérébrale présente notamment dans le
SNC et les muscles squelettiques. Elle joue un rôle majeur dans la
régulation de la pression sanguine et les mécanismes de lutte
contre l'athérosclérose (Miller et Arnold, 2019). Parallèlement,
l'ACE2 est la cible principale de divers virus, du CoV et de la
grippe (Turner et al., 2004, Wrapp et al., 2020, Yang
et al., 2014). En se liant aux récepteurs de l'ACE2, les
virus susmentionnés peuvent induire une HTA anormalement forte et
augmenter le risque d'AVC hémorragique. En outre, étant donné que
la protéine de pointe S du SRAS-CoV-2 pourrait interagir avec
l'ACE2 exprimée dans l'endothélium capillaire, le virus peut
également endommager la barrière hémato-encéphalique et pénétrer
dans le SNC en attaquant le système vasculaire (Baig et al.,
2020).
Pour corroborer cet état des lieux…
Une équipe française vient de décrire les atteintes neurologiques
de 58 patients atteints de COVID-19 hospitalisés en réanimation
(NEJM. 15 April 2020) : agitation (69 %), confusion (65 %),
syndrome pyramidal (67 %). Chez les 13 patients qui ont eu une IRM
: prise de contraste leptoméningée (62 %), hypoperfusion
fronto-temporale bilatérale (100 %) et 3 AVC. La recherche du
SARS-CoV-2 s’est avérée négative dans tous les LCR testés. Reste à
déterminer l’imputabilité.
Un bilan neurologique systématique et précoce
Les infections à CoV peuvent donc affecter le système nerveux, et
de concert avec les mécanismes immunitaires de l'hôte, transformer
ces infections en infections ou en lésions persistantes. Il est
donc nécessaire de ne pas se laisser obnubiler par la
symptomatologie respiratoire et de procéder à une évaluation
neurologique des patients à un stade précoce.
Merci pour votre apport de synthèse; mais j'ai une petite objection à formuler, que personne n'a encore soulevé je pense : vous prétendez que le virus depuis les fosses nasales vient endommager la barrière hémato-encéphalique pour pénétrer ainsi dans le SNC et donner anosmie/agueusie etc... Or, sur la même enzyme de conversion, les IEC donnent tous (à court moyen ou très long terme) les mêmes symptômes que le Covid de départ : toux sèche incoercible, anosmie/ agueusie assez fréquente et très exceptionnel angio oedème pulmonaire : en réalité, c'est que inhiber le fonctionnement de l'enzyme entraine une dégradation cellulaire de la BRADYKININE qui donne broncho-constriction et vaso dilatation en compensation partielle de la vasoconstriction forte de l'Angiotensine II. Je crois que dans le primum movens de l'inflammation emballée, le système des kinines est impliqué dans le tableau pulmonaire du Covid. Ne pensez-vous pas aussi? merci pour votre réponse.