Exclusif : des médecins favorables à la vaccination obligatoire des soignants contre la Covid… et des infirmières hostiles

Paris, le jeudi 18 mars 2021 – Bien que l’Agence européenne du médicament ait réaffirmé dès mardi sa confiance dans le vaccin contre la Covid d’AstraZeneca et la confirmation d’une balance bénéfice/risque toujours très favorable, un grand nombre de pays européens, dont la France, ont choisi de surseoir à son utilisation jusqu’à son analyse complète, qui devrait être rendue publique aujourd’hui vers 16 heures. Mais si rattraper le contretemps de ces soixante-douze heures sans administration du vaccin AstraZeneca n’est pas insurmontable logistiquement, le discrédit entrainé par cette décision de suspension pourrait être un obstacle bien plus important. Et d’abord chez les soignants.

La semaine dernière, il y a un siècle en temps de Covid

Quelques jours avant ce nouveau coup de tonnerre, le débat concernait pourtant la vaccination obligatoire des soignants. Du ministre aux Ordres professionnels en passant par l’Académie de médecine et différentes sociétés savantes, la mobilisation avait été générale pour regretter des taux de vaccination décevants chez les professionnels de santé. Beaucoup avaient alors relancé le débat sur la pertinence d’une obligation vaccinale pour les soignants. Aujourd’hui, la suspicion jetée sur le vaccin AstraZeneca par le choix du gouvernement français d’en suspendre l’utilisation rend plus improbable que jamais la perspective que les pouvoirs publics s’orientent vers un tel choix.

Une adhésion plus forte encore que pour la vaccination contre la grippe

Avant cette énième péripétie, les avis des professionnels semblaient pourtant tranchés. Un sondage réalisé sur notre site du 3 au 14 mars met ainsi en évidence que 62 % des professionnels de santé sont favorables à l’obligation de la vaccination de tous les soignants contre la Covid (même en cas d’infection antérieure), tandis que 35 % sont opposés à une telle idée et 3 % ont préféré ne pas se prononcer. Cette forte adhésion semble confirmer une confiance appuyée dans l’efficacité et la sécurité des vaccins disponibles, quels qu’ils soient.

Sondage réalisé sur JIM du 3 mars au 14 mars 2021

On notera que cette proportion est plus élevée que la part de professionnels de santé s’étant déclarés favorables en novembre dernier à la vaccination obligatoire des soignants contre la grippe (55 %), alors même que la vaccination contre la grippe bénéficie d’un recul plus important. Le sentiment de gravité de la Covid n’est sans doute pas étranger à cette différence.

Il faut aussi peut-être souligner que la très forte participation à notre sondage (1230 répondeurs en 11 jours !) est sans doute le signe que cette question est bien au centre des préoccupations des professionnels de santé (de même que le grand nombre de réactions à nos articles sur ce thème).  

Une hostilité politique

Cependant, cette position majoritaire masque des différences très nettes en fonction des professions. Ainsi, quand 69 % des médecins et 67 % des pharmaciens plébiscitent l’idée d’une vaccination obligatoire, les infirmières sont pour leur part 68 % à être hostiles à une telle idée. Ce rejet est certainement d’abord lié aux doutes concernant les vaccins contre la Covid, qu’il s’agisse de leur efficacité à long terme et face aux différents variants, mais aussi évidemment de leur sécurité. En la matière, la récente suspension du vaccin AstraZeneca ne pourra probablement que renforcer cette défiance. Au-delà, la réticence des infirmières vis-à-vis de l’obligation vaccinale est observée de longue date. Si une proportion très limitée des infirmières pourrait être sensible à certaines théories scientifiquement non fondées concernant les risques de la vaccination, l’hostilité semble avoir également des fondements politiques. L’obligation vaccinale est en effet perçue comme une manifestation de ce qui est décrit comme une volonté de soumission des personnels soignants non médicaux. En refusant la vaccination imposée, les infirmières dénoncent ainsi l’absence de partage de la décision et de dialogue autour de mesures qui les concernent prioritairement. Il n’est également pas impossible qu’elles rejettent une obligation qui semble sous-entendre leur incapacité à protéger leurs patients du risque de transmission nosocomiale et à prendre conscience de leur responsabilité. Dans le contexte de la Covid, rendre obligatoire la vaccination après le parcours chaotique du vaccin AstraZeneca ne pourrait être considéré que comme une marque supplémentaire de mépris de la part des autorités.

Un débat avorté

S’il avait encore eu ne serait-ce qu’une vague intention de proposer une obligation vaccinale des soignants, le gouvernement trouverait dans ce sondage la confirmation d’un corps médical très partagé. A moins de faire le choix de dénier ouvertement la légitimité de la position des infirmières et d’occulter les conséquences psychologiques de son choix de suspendre le vaccin d’AstraZeneca, il est peu probable que le gouvernement se risque encore à vouloir débattre d’une obligation vaccinale des soignants (tout au moins dans l’immédiat).

Aurélie Haroche

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Vos réactions (24)

  • Faites le ce vaccin et foutez la paix aux autres !

    Le 18 mars 2021

    Je n'attends qu'une chose que la caste médicale mettent les mains dans la merde, la vraie par faute de soignants et arrête de penser et de parler pour les autres : les soignants, les petites mains asservies par ce corps médical, ceux qui sont bêbêtes, et pas responsables.

    Vous médecins, pharmaciens, les bien penseurs faites le ce vaccin et foutez la paix aux autres !

    Philippe Bonnotte (IDE)

  • Regrettable que le personnel paramédical refuse ce vaccin

    Le 18 mars 2021

    Je suis infirmière retraitée et avant de faire nos études, nous avions l’obligation d’effectuer tous nos vaccins, il est regrettable que le personnel paramédical refuse en majorité ce vaccin. Ma mère de 94 ans a été contaminée par le personnel car les familles étaient tenues à l’écart. Cela s’appelle une infection nosocomiale et les familles peuvent se retourner contre l’établissement de santé et c’est actuellement la plus répandue. Les vaccins ont sauvé des vies par milliers et c’est la seule issue pour sortir de cette impasse.

    Marie-Noël Ingouf (IDE)

  • Revenus ? Conviction-croyances ?

    Le 18 mars 2021

    C’est curieux, l’adhésion ou le rejet du vaccin correspond à la même stratification sociale des gilets jaunes. Inversement proportionnel au nombre d’années d’étude.

    Provocateur ?
    Vérifiez !

    Dr Rachid Chougar

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