
La semaine dernière, il y a un siècle en temps de Covid
Quelques jours avant ce nouveau coup de tonnerre, le débat concernait pourtant la vaccination obligatoire des soignants. Du ministre aux Ordres professionnels en passant par l’Académie de médecine et différentes sociétés savantes, la mobilisation avait été générale pour regretter des taux de vaccination décevants chez les professionnels de santé. Beaucoup avaient alors relancé le débat sur la pertinence d’une obligation vaccinale pour les soignants. Aujourd’hui, la suspicion jetée sur le vaccin AstraZeneca par le choix du gouvernement français d’en suspendre l’utilisation rend plus improbable que jamais la perspective que les pouvoirs publics s’orientent vers un tel choix.Une adhésion plus forte encore que pour la vaccination contre la grippe

Une hostilité politique
Cependant, cette position majoritaire masque des différences très nettes en fonction des professions. Ainsi, quand 69 % des médecins et 67 % des pharmaciens plébiscitent l’idée d’une vaccination obligatoire, les infirmières sont pour leur part 68 % à être hostiles à une telle idée. Ce rejet est certainement d’abord lié aux doutes concernant les vaccins contre la Covid, qu’il s’agisse de leur efficacité à long terme et face aux différents variants, mais aussi évidemment de leur sécurité. En la matière, la récente suspension du vaccin AstraZeneca ne pourra probablement que renforcer cette défiance. Au-delà, la réticence des infirmières vis-à-vis de l’obligation vaccinale est observée de longue date. Si une proportion très limitée des infirmières pourrait être sensible à certaines théories scientifiquement non fondées concernant les risques de la vaccination, l’hostilité semble avoir également des fondements politiques. L’obligation vaccinale est en effet perçue comme une manifestation de ce qui est décrit comme une volonté de soumission des personnels soignants non médicaux. En refusant la vaccination imposée, les infirmières dénoncent ainsi l’absence de partage de la décision et de dialogue autour de mesures qui les concernent prioritairement. Il n’est également pas impossible qu’elles rejettent une obligation qui semble sous-entendre leur incapacité à protéger leurs patients du risque de transmission nosocomiale et à prendre conscience de leur responsabilité. Dans le contexte de la Covid, rendre obligatoire la vaccination après le parcours chaotique du vaccin AstraZeneca ne pourrait être considéré que comme une marque supplémentaire de mépris de la part des autorités.Un débat avorté
S’il avait encore eu ne serait-ce qu’une vague intention de proposer une obligation vaccinale des soignants, le gouvernement trouverait dans ce sondage la confirmation d’un corps médical très partagé. A moins de faire le choix de dénier ouvertement la légitimité de la position des infirmières et d’occulter les conséquences psychologiques de son choix de suspendre le vaccin d’AstraZeneca, il est peu probable que le gouvernement se risque encore à vouloir débattre d’une obligation vaccinale des soignants (tout au moins dans l’immédiat).Aurélie Haroche