Pollution : bas les masques ?

Paris, le mercredi 18 juillet 2018 - L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) a été saisie par les ministères de la santé et du travail afin d’évaluer le bénéfice sanitaire potentiel du port d’un masque dit "antipollution", dans la population générale d’une part et pour les travailleurs intervenant sur la voie publique d’autre part.

Dans ses propos liminaires, l’ANSES souligne que « l’efficacité » en laboratoire, nécessaire pour la certification européenne, ne saurait être un gage d’efficience dans la « vraie vie ». On observe de fait en premier lieu que la plupart des dispositifs recensés présentent une technologie de filtration visant les particules alors même que la pollution de l’air ambiant se caractérise par un mélange complexe de particules et de gaz.

Peu probant pour une exposition professionnelle…

Plusieurs travaux ont cherché à décrire, en Asie du Sud-Est, l’intérêt du port de ces masques dans le cadre d’une exposition professionnelle au trafic routier. Cependant, rares seraient les données robustes et l’agence n’a pu retenir que l’étude de Wertheim et al. (1). Cette recherche a consisté à comparer des biomarqueurs urinaires d’exposition aux HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) chez des travailleurs exposés au trafic, portant ou non un masque.

Au total, cette publication n’a pas mis évidence d’influence du port du masque sur les marqueurs d’exposition aux HAP, sachant que les masques testés permettaient avant tout de filtrer les particules et non les gaz. L’étude met également en évidence l’inconfort lié à l’utilisation du masque rapporté par les participants.

…et en population générale

Concernant la population générale, l’Agence, au terme de sa revue de la littérature n’a identifié que trois études « valables » qui connaissent cependant d’importantes lacunes méthodologiques : faibles effectifs (15 volontaires sains dans une première étude de Langrish et al en 2009 [2]; 98 volontaires coronariens dans une étude de 2012 par la même équipe [3]; 24 volontaires étudiants en bonne santé et non-fumeurs dans Shi et al. [4]) et périodes très courtes d’expérimentation (24h à 48h) dans des conditions non représentatives de la vie réelle.

Ces études, qui présentent donc de nombreux biais, concluaient à une amélioration statistiquement significative de certains paramètres cardiovasculaires chez les personnes utilisant ces masques.

Néanmoins, « les experts ont jugé que ces études étaient insuffisantes pour conclure sur un bénéfice potentiel du port de masque, en conditions réelles d’utilisation par la population générale », indique le rapport de l’ANSES.

Pas néfaste non plus ! 

Concernant les effets néfastes potentiels du port d’un masque sur la santé, les données sont également limitées. Elles concluent qu’il peut occasionner une gêne, mais qu’il est toléré par la majorité des individus y compris les sujets coronariens ou atteints de pathologies respiratoires modérées, mais aucune étude n’a été identifiée chez des sujets atteints de pathologies respiratoires graves.

L’expertise conclut donc, logiquement, à l’insuffisance de données disponibles, notamment en conditions réelles d'utilisation, pour attester d’un bénéfice sanitaire lié au port de masques dits « antipollution » par le grand public et elle ne recommande pas aux pouvoirs publics d’encourager le port de tels dispositifs. L’Agence s’inquiète même que le port de ces masques puisse donner un faux sentiment de protection aux utilisateurs et entraine des comportements conduisant à une surexposition aux polluants, par exemple de la part  des cyclistes.

Le rapport de l’ANSES : https://www.anses.fr/fr/...

Frédéric Haroche

Références
1. Wertheim, et al. 2012. "Studying the effectiveness of activated carbon R95 respirators in reducing the inhalation of combustion by-products in Hanoi, Vietnam: A demonstration study." Environmental Health: A Global Access Science Source 11 (1). doi: 10.1186/1476- 069X-11-72.
2. Langrish et al.2099. "Beneficial cardiovascular effects of reducing exposure to particulate air pollution with a simple facemask." Particle and Fibre Toxicology 6. doi: 10.1186/1743-8977-6-8.
3. Langrish, et al. 2012. "Reducing personal exposure to particulate air pollution improves cardiovascular health in patients with coronary heart disease." Environmental Health Perspectives 120 (3):367-372.
4. Shi, et al. 2017. "Cardiovascular benefits of wearing particulate-filtering respirators: A randomized crossover trial." Environmental Health Perspectives 125 (2):175-180. doi: 10.1289/EHP73

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Vos réactions (1)

  • Fumées de diésels, chauffages au fuel...

    Le 18 juillet 2018

    Il faut mettre un mouchoir humide dans le masque. Chez soi, il faut mettre une serviette éponge à cheval sur le ventilateur. Dans les cliniques ou les supermarchés qui prélèvent l’air de la climatisation sur les parkings, il ne faut aérer que lorsque l'air est propre ; etc .
    Beaucoup de substances de ces pollutions sont très hydrophiles et l'eau les retient.
    L'idéal serait que les gens perçoivent ce qu'ils respirent, mais c'est de plus en plus rare ! Je m'abstiens de détailler ici.
    Et lorsqu'ils veulent réagir, en général ils ne le peuvent pas.
    Un exemple (Il y en aurait mille) : Le Ter La Rochelle-Angers que je connais marche au diésel dont les fumées passent dans les wagons par la climatisation, ce qui peut devenir insupportable (certains contrôleurs le perçoivent et ils sont les plus exposés).
    L'air est excellent dehors (bien meilleur que sur les routes) mais on ne peut pas ouvrir les fenêtres...

    J. Deperson

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