
Paris, le mercredi 27 septembre 2023 – L’avant-projet de loi sur la fin de vie est désormais sur le bureau d’Emmanuel Macron, qui doit désormais trancher des points essentiels et tenter de ménager toutes les sensibilités.
Le calendrier ne sera pas respecté. Au moment de clôturer la convention citoyenne sur la fin de vie, Emmanuel Macron avait promis qu’un projet de loi légalisant l’aide active à mourir serait présenté « d’ici la fin de l’été ». Mais alors que le texte se fait toujours attendre en ce début d’automne, le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester a révélé ce lundi un nouveau calendrier pour l’adoption de cette loi sociétale importante : le projet de loi sera « en Conseil des ministres avant la fin de l’année et ensuite au Parlement l’année prochaine » où il sera examiné par une « commission spéciale ». En attendant, l’exécutif va se pencher sur le plan décennal pour les soins palliatifs élaboré par le Pr Franck Chauvin, un sujet a priori bien plus consensuel.
Comment expliquer ce retard qui se prolonge ? Ce n’est pas la faute de la ministre des Professionnels de santé Agnès Firmin Le Bodo, qui a été chargée d’élaborer une ébauche de projet de loi durant l’été et qui a présenté son travail au Président de la République vendredi dernier dans les temps. Non, ce retard est semble-t-il imputable à Emmanuel Macron lui-même qui semble être pris sur cette question, ô combien épineuse, d’un doute métaphysique. « Le président est un peu réservé sur le sujet et quand il est réservé sur quelques chose, il attend le plus tard possible pour décider » confiait (off) mi-septembre un ministre à l’AFP. « J’ai en la matière une opinion personnelle qui peut évoluer, évolue, évoluera qui le sait ? » confiait lui-même Emmanuel Macron le 3 avril dernier.
Emmanuel Macron tenté par le modèle de l’ouest américain
Les grandes lignes de cette future loi créant un droit à l’aide active à mourir sont déjà tracées. Ce droit serait fortement encadré et réservé aux adultes souffrant d’une maladie incurable et dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. L’aide active à mourir ne pourra être accordé que sur décision collégiale de médecins. Mais la grande question en suspens est celle de la forme de cette aide active à mourir, celle de savoir s’il ne faut légaliser que le suicide assisté (terme qu’Emmanuel Macron abhorre et qu’il souterait remplacer par « mort choisie ») ou s’il faut également permettre l’euthanasie et donc rompre avec l’interdit plurimillénaire de tuer. Dans l’avant-projet de loi élaboré par Agnès Firmin Le Bodo, toutes les options sont envisagées et c’est au chef de l’Etat de trancher (avant le Parlement).
Autoriser le suicide assisté sans légaliser l’euthanasie aurait l’avantage pour Emmanuel Macron de ménager la sensibilité des médecins, qu’on sait très réservés sur la question. L’Ordre des médecins l’an dernier et l’Académie de médecine en juillet dernier se sont tous les deux exprimés en faveur du suicide assisté tout en rejetant la légalisation de l’euthanasie. Une telle option intermédiaire permettrait également de calmer la colère de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), en première ligne depuis plusieurs mois dans le combat contre la légalisation de l’aide active à mourir.
Dernière option : choisir de ne pas choisir
Enfin, une telle solution serait dans la lignée de l’avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) il y a tout juste un an le 13 septembre 2022. Emmanuel Macron souhaiterait notamment s’inspirer du système en vigueur dans l’Oregon, Etat américain où les personnes dont le temps de vie restant est estimé à moins de six mois peuvent se procurer légalement une substance létale pour se donner la mort quand ils le souhaitent.
Mais refuser de légaliser l’euthanasie posera immanquablement la question du droit à mourir dans la dignité des personnes incapables de se donner la mort elle-même. « Dépénaliser seulement le suicide assisté générerait une inégalité entre les malades, ce serait particulièrement cruel de refuser ce droit à ceux qui ne pourraient faire ce geste, que dira-t-on à un malade paralysé qui veut mourir ? » souligne le député Olivier Falorni, qui milite depuis plusieurs années pour la légalisation de l’euthanasie. Ne pas légaliser l’euthanasie serait de surcroit une entorse à la promesse faite par Emmanuel Macron de tenir compte des conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’est prononcée en faveur de la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie.
Reste une dernière option pour le chef de l’Etat : celle de ne pas choisir. Emmanuel Macron pourrait en effet demander au gouvernement d’envoyer au Parlement un projet de loi n’autorisant que le suicide assisté, à charge pour les députés, notamment ceux de gauche, de l’amender pour y insérer l’euthanasie.
Ce serait somme toute l’option la plus démocratique afin d’éviter qu’une question aussi cruciale ne repose que sur le cortex d’un seul homme, aussi jupitérien qu’il soit. Mais quelle que soit sa décision l’exécutif ne peut que redouter des réactions négatives d’une partie de l’opinion.
Quentin Haroche