Aide active à mourir : la « co-construction » avec les soignants a du plomb dans l'aile

Paris, le vendredi 23 juin 2023 - Le Figaro dévoile les dissensions qui agitent le groupe de travail réuni par le gouvernement pour « co-construire » la loi sur l'aide active à mourir.

La principale cause de conflit réside dans la volonté affichée du gouvernement, malgré les réticences des soignants, d'inscrire l'euthanasie ou le suicide assisté dans le code de la santé publique. Une part importante des professionnels consultés dans le groupe de travail soulignent en effet que l'aide active à mourir « n'est pas un soin ». « L'euthanasie ou le suicide assisté ne doivent pas faire partie du parcours de soins des patients. Des médecins extérieurs, favorables à l'aide active à mourir, pourraient être sollicités en dehors de cette relation de soin », précise Ségolène Perruchuio, médecin et vice-présidente de la SFAP (Société française d'accompagnement et de soins palliatifs).

« Ce projet montre que le gouvernement s'oriente vers un modèle "à la belge". Si le droit à une mort administrée est inscrit dans le code de la santé et devient un acte codé par la Sécurité sociale, le principe sera acté. Quels que soient les critères de restrictions, ce droit risque de s'étendre de plus en plus largement, jusqu'à entrer dans la norme », met ainsi en garde un membre du groupe de travail au Figaro, sous couvert d'anonymat.

De plus, les professionnels du soin auraient le sentiment de ne pas être écoutés.

« Co-construire » ou le piège des formules creuses

« Nous avons exprimé toutes nos lignes rouges lors de cette première réunion. L'ordre du jour de la seconde réunion n'en a absolument pas tenu compte. Il se résumait à des questions très techniques sur les critères d'éligibilité et d'application de l'euthanasie, avec une implication totale des soignants à toutes les étapes du processus. Nous avons eu l'impression de ne pas avoir été du tout entendus », rapporte Ségolène Perruchuio.

« Quand nous exposons nos interrogations, elles ne sont pas prises en compte. On nous vante une méthode très innovante, mais il faut avouer que nous avons du mal à la comprendre. Et si le gouvernement veut réellement nous écouter, il faut prendre plus de temps », souligne Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile et ancienne ministre de la Santé, alors que le projet de loi doit être présenté en Conseil des ministres avant la fin septembre.

La crise est telle que quinze participants de ce groupe de travail ont envoyé une lettre à Agnès Firmin Le Bodo et en copie à l'Élysée et à Matignon, pour protester contre l'ordre du jour de la nouvelle rencontre. Parmi les signataires, on compte notamment des professionnels de l'hospitalisation à domicile (Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile), des gériatres (Conseil national professionnel de gériatrie), des oncologues (Société française du cancer), des infirmières (Conseil national professionnel infirmier) et la Société française de soins palliatifs (SFAP). Ces soignants reconnaissent « la légitimité politique » du gouvernement à aborder cette question, mais ils tiennent à rappeler que leurs organisations professionnelles sont « légitimes pour définir ce qui relève de leur responsabilité professionnelle ».

« Il est manifeste que les actions envisagées entrent en contradiction avec le code de la santé publique et les différents codes de déontologie de nos professions tels qu'ils sont actuellement rédigés. Ce rappel, communiqué collectivement, n'a à ce jour fait l'objet d'aucun compte rendu ni d'aucune réponse de la part de vos services », fustigent-ils.

Finalement, pris au piège des formules creuses, « la ministre a reconnu que le groupe de travail des soignants n'était pas sollicité en vue d'une 'co-construction' de la loi, mais simplement consulté en raison de son expertise médicale et de sa place en première ligne dans le processus », s'agace Ségolène Perruchuio.

Du côté de l'opposition, les choses coincent également, et peu nombreux sont les parlementaires qui acceptent de discuter avec le gouvernement sur cette question, après la séquence de la réforme des retraites.

F.H.

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Vos réactions (1)

  • La France des crocs magnons

    Le 24 juin 2023

    Bien sûr c’est difficile d’évoluer… bien sûr c’est difficile d’aider un être humain (animal ou homme) à mourir…
    Mais la dignité est une valeur à respecter, et si demain la souffrance intolérable malgré les soins palliatifs (d’ailleurs acceptés ou refusés) est telle que l’on veut partir vers un ailleurs quel qu'il soit.
    Alors oui notre rôle de soignants ne se résume pas à maintenir la vie à tout prix… il faut accepter de souffrir nous-mêmes et avec les autres, et s’engager.
    Il faut faire entrer ce texte dans le code de la santé.
    Après mon éthique personnelle ne m’autoriserait pas à le faire entrer comme acte rémunéré mais plutôt comme l’aboutissement d’un accompagnement définitif.

    Dr Erbibou

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