La prescription d’opiacés est la cause, aux USA d’une
mortalité et d’une morbidité notables. En 2017, 17 029 des 47 600
décès par overdose en rapport avec des opiacés étaient liés à des
prescriptions médicamenteuses et on estime à près de 2 millions le
nombre de patients victimes d’effets indésirables liés aux opiacés.
Dans le même temps, 11 % des adultes signalent, aux USA, souffrir
quotidiennement et 3 à 4 % présentent des douleurs chroniques
requérant un traitement par opiacés de longue durée.
Un guide de bonnes pratiques pour une décision
partagée
Limiter la prescription de médicaments de cette classe
thérapeutique peut s’avérer utile dans les situations où les
bénéfices semblent inférieurs aux risques encourus. Mais une
décroissance très rapide, voire un arrêt brutal d’un traitement de
longue durée accroît le risque d’effets délétères, y compris celui
d’hospitalisation ou de consultation en service d’urgence. En
outre, il faut savoir qu’il existe d’autres stratégies anti douleur
ne recourant pas aux opiacés, qui peuvent être aussi, voire plus
efficaces et qu’enfin, les bénéfices d’un traitement au long cours
par opiacés tendent souvent à s’atténuer avec le temps alors que
les risques liés à leur utilisation restent inchangés. Les
praticiens, tout comme leurs patients, doivent réévaluer de façon
régulière les bénéfices d’une prescription d’opiacés, surtout en
cas de fortes posologies. Un sevrage brutal peut faire courir au
malade le risque de survenue d’un syndrome de manque. Déterminer
quand et comment diminuer un traitement s’avère délicat, d’où
l’importance de disposer de directives claires à ce sujet. Certes,
les preuves sur l’efficacité et l’innocuité des différentes
stratégies proposées sont très limitées mais il faut rappeler que,
dans le même temps, une prise en charge non pharmacologique de la
douleur, un support comportemental couplés à une décroissance très
progressive peuvent aider utilement le patient.
L’US Department of Health and Human Services (HHS) a,
dans ce but, conçu un guide destiné aux médecins en vue de réduire,
de façon appropriée, puis d’arrêter définitivement un traitement
par opiacés de longue durée. Un groupe d’experts, issus de
différentes agences de l’HHS, a revu les recommandations publiées
depuis 2014, afin d’identifier et de résumer les bonnes pratiques
reposant sur des données factuelles. Huit aspects ont été abordés
:
les critères à prendre en compte avant d’envisager une
décroissance des opiacés,
les éléments à considérer préalablement,
les mesures visant à garantir la sécurité du patient avant et
lors du sevrage,
la nécessité d’une décision partagée avec le patient,
la vitesse de la réduction,
la gestion de la période d’arrêt,
le support comportemental nécessaire et, enfin,
les difficultés possiblement rencontrées durant cette période
critique.
Le guide HHS insiste avec force sur l’importance d’une
décision partagée avec le patient, d’une réduction lente et
personnalisée et d’une prise en charge globale de la douleur. Il
est patent que lorsque le malade adhère favorablement aux mesures
prises, la douleur, la fonctionnalité et la qualité de vie sont
très nettement améliorées durant la phase de décroissance
médicamenteuse.
Un sevrage long et délicat
Il a déjà été souligné l’importance des traitements
complémentaires afin de combattre la douleur car son exacerbation
est alors fréquente, parfois intense mais finit par s’amender avec
le temps. Le médecin se doit d’informer son patient sur la nature
transitoire des effets secondaires rencontrés. En outre, on doit
savoir que des comorbidités dans le domaine de la santé mentale et
des troubles liés à l’utilisation d’opiacés sont fréquents chez les
patients traités à long terme pour douleurs chroniques. A titre
d’exemple une symptomatologie dépressive peut majorer les
difficultés d’un sevrage. Le guide HHS insiste sur le fait que les
mesures doivent être individualisées, lentes et adaptées au malade.
Une diminution trop rapide, a fortiori un arrêt brutal risquent de
majorer une détresse psychologique et de conduire à une
hospitalisation d’urgence. Une étude ayant enrôlé 494 malades
rapporte que chaque semaine additionnelle lors de la décroissance
en opiacés est associée à une baisse de 7 % du risque
d’hospitalisation. Une réduction lente, par exemple égale ou
inférieure à 10 % par mois est souvent mieux tolérée, pouvant
s’étendre sur des mois, voire des années en fonction des posologies
antérieures. La survenue, durant cette période, de signes de
sevrage doit alerter et faire ralentir la vitesse de
décroissance.
Certains patients, qui ne présentent pas de signes de
désordres liés à l’utilisation d’opiacés mais qui ont un profil
risques/bénéfices peu favorable, peuvent bénéficier d’un recours à
la buprénorphine. Cette drogue est un agoniste partiel des opiacés.
Elle peut être utile pour combattre les douleurs et les troubles
liés à une utilisation prolongée. Elle présente moins de risque de
dépression respiratoire et de surdosage. Des détails sont fournis
dans le guide HHS en vue du relais opiacés-buprénorphine, en
insistant sur l’importance de la dose initiale afin d’éviter un
syndrome de sevrage.
Les recommandations émanant des Centers for Diseases
Control, tout comme celles de l’HHS mettent l’accent sur la
responsabilité du praticien qui doit aider le patient et ne pas
l’abandonner durant cette période difficile. Il doit aussi tenter
de prévenir les over doses chez les malades qui ne veulent ou
peuvent diminuer leur prise d’opiacés ou qui continuent à prendre
des associations médicamenteuses à haut risque telles que la
combinaison opiacés-benzodiazépines. Des recherches complémentaires
sont, à l’évidence, indispensables pour définir la stratégie
optimale en matière de décroissance des opiacés, beaucoup des
travaux actuellement publiés étant d’une qualité discutable. Ainsi,
une revue systématique ayant porté sur 11 essais randomisés et 56
études observationnelles n’a retrouvé que 3 études qualifiées de
bonnes et 13 autres de qualité dite acceptable.
À moins d’un risque vital imminent, comme la possibilité d’un
surdosage à très court terme, les bénéfices liés à une décroissance
rapide, et encore plus à un arrêt brutal d’un traitement par
opiacés de longue durée, sont de loin inférieurs aux risques
encourus. Une réduction lente, adaptée, volontaire est préférable,
capable, chez la plupart des patients, d’améliorer la fonction, la
qualité de vie, l’anxiété et l’humeur sans majoration de la
douleur, avec, conjointement, une diminution progressive du seuil
douloureux.
La buprenorphine n'a pas d'effets antalgiques. Certes c'est une possibilite de relais dans la dependance aux opiacès mais le probleme de la douleur reste entier. De plus,l'utilisation de la buprenorphine ne permet pas l'utilisation d'opiacés de palier moindre car ils sont rendus inactifs par la prise même de ce médicament.
Sinon je suis tout à fait d'accord avec l'esprit de cette contribution, soit la diminution très lente, progressive et avec accord du patient pour se sevrer des opiacés. Et l'attention obligatoire portée aux dires et ressenti du patient.